Depuis l'obtention de son AOC en 2000, la vie du morbier ressemble peu ou prou à un long fleuve tranquille. De 2001 à 2008, la production et les ventes ont progressé de 15 % l'an pour culminer à 9 300 t en 2008. L'année 2009, marquée par des fabrications en baisse à 8 736 t, principalement à cause des difficultés sanitaires, n'est plus qu'un mauvais souvenir. Depuis, elles sont reparties à la hausse (8 889 t en 2010). Certes, le rythme de progression annuel de 3 à 4 % par an est moins soutenu, mais beaucoup l'envieraient. Et surtout l'augmentation des ventes ne s'est pas faite aux dépens de la valorisation. Elle a progressé de 2 à 3 % en 2010.
Pour autant, les responsables du morbier savent que l'équilibre est précaire. Ce qu'ils redoutent par-dessus tout : devenir l'exutoire du trop-plein de lait de leur grand frère, l'AOC comté et ses 500 Ml de lait. Explication. On dénombre à ce jour 2 000 producteurs engagés dans la filière morbier (chiffre en croissance régulière). Mais la plupart sont des polyvalents et, pour bon nombre, dormants. Ils sont moins d'une centaine à livrer tout leur lait au morbier. Les 1 900 restants sont d'abord des producteurs de lait à comté (mais aussi parfois à AOC mont-d'or et/ou bleu de Gex), dont une part variable de la production est transformée de façon régulière ou ponctuelle en morbier. Or, quand en fin de campagne laitière, les ateliers à comté ont épuisé leur droit à produire (défini par leur quota de plaques vertes comté), ils cherchent tout naturellement un autre débouché plus valorisant que le lait Spot. Les ateliers mixtes boostent leurs fabrications de morbier, les ateliers en monoproduction de comté deviennent vendeurs de lait AOC morbier. Il y a là un vrai risque de déstabilisation de la filière et de chute des prix.
PARLER D'ENGAGEMENT PLUS DE DÉGAGEMENT
On le touche déjà du doigt comme cette année, où il y a rarement eu autant de morbiers en cave. Autant dire qu'avec la fin des quotas, l'apocalypse est quasi certaine sans régulation de l'offre de fromages. « Si les 2 000 producteurs aujourd'hui engagés en morbier augmentaient leur production de 15 %, le surplus de lait non transformé en AOC comté du fait de son plan de campagne, obligerait le morbier à doubler sa production », résume Claude Philippe, président du syndicat de défense du morbier. D'où la réflexion qu'il veut initier rapidement avec les autres AOC franc-comtoises, le morbier ayant besoin de temps pour développer son marché sans écrouler sa valorisation. « Le morbier ne doit pas être une filière de dégagement. Vis-à-vis de la maîtrise sanitaire et de l'offre, il a besoin de stabilité. Des marchés occasionnels, irréguliers, voire opportunistes peuvent avoir pour conséquence d'engorger le marché des producteurs réguliers. Ne parlons plus de dégager mais d'engager du lait vers la filière du morbier. »
Les professionnels du comté ne devraient pas être sourds à cet appel. C'est la même logique que porte leur plan de campagne qui, chaque année, octroie des droits à produire supplémentaires. Restera à convaincre les fabricants de morbier, coopératifs ou privés, qu'ils ont aussi intérêt sur le long terme à jouer collectif. Et cela même si, aujourd'hui, les stratégies divergent avec cinq acteurs qui font 70 à 75 % des volumes.
JEAN-MICHEL VOCORET
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