Le débat parlementaire suisse sur la régulation du marché laitier aura eu un mérite : reconnaître qu'en l'absence de quotas, ce marché a besoin d'un soutien politique pour fonctionner et que les contrats seuls ne règlent rien. De là à permettre aux producteurs de gérer efficacement les quantités produites, en leur donnant la force obligatoire pour pénaliser leurs confrères qui produisent trop, proposition de la désormais célèbre motion Aebi, il y a un pas que le Conseil national (chambre des députés) a franchi à une large majorité à l'automne. Pas le Conseil des États, équivalent de notre Sénat, appelé mi-mars à se prononcer. Bien qu'une majorité ait été à deux doigts de trancher en ce sens, les sénateurs ont voulu donner une dernière chance à l'interprofession (IP lait) d'élaborer sa propre solution. Traduisez : trouver un moyen sur lequel producteurs et transformateurs s'accordent enfin pour faire fondre ces stocks de beurre qui s'accumulent depuis la fin des quotas et pèsent sur les prix.
Un prélèvement bien moins dissuasif que celui de la motion Aebi
C'est chose faite sur le papier. Pour aider à écouler ces 8 000 t de beurre en frigo, l'IP lait propose la création d'un fonds de soutien. Il sera financé par les seuls producteurs via une contribution linéaire de 0,01 CHF/kg (7,80 €/1 000 kg) sur la quantité totale de lait commercialisé. S'y ajoute une retenue de 0,04 CHF/kg (31,20 €/1 000 kg) sur les quantités supplémentaires produites par rapport à la dernière campagne sous quota 2008-2009. La Fédération des producteurs de lait (FPSL) y retrouve, dans une version très édulcorée, le principe « pollueur- payeur » de la motion Aebi (qui envisageait jusqu'à 30 CHF/kg de pénalité). Autant dire que cette retenue de 0,04 CHF ne sera pas un vrai frein pour ceux qui veulent produire plus.
Pour cela, la FPSL veut laisser une chance à la segmentation du marché en trois classes de volumes-prix élaborées par l'IP lait en vigueur depuis le 1er janvier. Cela en espérant que le prix C soit vraiment dissuasif. Début de bonne nouvelle sur ce front : pour le deuxième trimestre, l'interprofession lait a relevé de 0,65 à 0,68 CHF/kg le prix indicatif du lait A (valorisation marché suisse) qui, selon les contrats, pèserait 70 à 80 % des volumes.
L'heure de vérité pour l'IP lait
Reste à savoir si l'IP lait, où l'industrie mène la danse, aura la volonté d'appliquer ces mesures… Ce qu'elle n'a pas toujours fait pour réguler le marché. Réponse début mai lors de l'assemblée de ses délégués. Ils doivent y demander la force obligatoire à Berne pour encaisser auprès des OP les contributions décidées. Le relèvement effectif du prix du lait A d'industrie sur les payes d'avril donnera déjà le ton sur les vraies intentions des transformateurs. Et si la cloche sonne à nouveau faux, la FPSL est prête à remonter au créneau pour faire adopter la motion Aebi.
JEAN-MICHEL VOCORET
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