La vision du rôle des zones défavorisées a évolué ces dernières années. Croyez-vous ce changement durable ?
Daniel Prieur : Dans les années 60-70, l'UE ne voyait que la forêt comme avenir à plus de 600 m d'altitude. Aujourd'hui, elle s'inquiète de l'impact de la Pac sur les zones les plus difficiles et les productions fragiles. En France, le bilan de santé, avec le rééquilibrage des aides, a marqué un virage. Les zones herbagères ont été reconnues dans leur vocation à produire et pas seulement leur rôle environnemental. L'Allemagne avant nous, à la suite de la Pac de 1992, avait déjà pris ce parti en régionalisant les aides. Cet infléchissement favorable aux zones défavorisées herbagères est désormais inscrit dans l'histoire.
La Pac 2014 leur sera favorable ?
D. P.: Cette Pac sera favorable au maintien d'un minimum de soutien à l'agriculture sur l'ensemble du territoire. Pas plus pour les zones défavorisées que pour les autres. On s'oriente en effet, avec l'abandon des droits historiques, vers un même montant de DPU moyen par hectare sur une échelle de temps qui débuterait en 2014. Mais les zones défavorisées, partant d'un niveau de DPU plus faible que les autres, bénéficieront de l'effet mécanique de cette convergence. Si le prix des céréales reste au niveau actuel, cette convergence pourrait être atteinte dans un délai de trois ans. Toutefois, il y a une urgence à gérer celle des zones herbagères orientées sur la viande bovine. Les zones défavorisées ont par ailleurs beaucoup d'atouts à faire valoir (systèmes de production herbager, présence de haies, de cours d'eau…) de par leur action sur l'environnement, pour se caler dans l'orientation qui se dessine de verdissement des aides du premier pilier. La possibilité qui y serait offerte de reconnaissance des handicaps spécifiques est également une carte à jouer pour les zones du type marais, zones séchantes… non couvertes par les ICHN.
Et au sein du second pilier ?
D. P.: Je suis rassuré que l'hypothèse d'ICHN rapatriées dans le premier pilier s'éloigne. Il y avait là le risque, en cas de crise, d'en voir une partie prélevée pour soutenir certains secteurs. L'option en débat consistant à fusionner ICHN et PHAE (sans exclure des contrats spécifiques type Natura 2000) permettrait d'en faire plus, notamment dans le cadre de la prise en compte des actifs. Mais il faut absolument retrouver de la liberté d'entreprendre dans nos systèmes d'exploitations. C'est-à-dire en finir avec les fils à la patte que sont les mesures agri-environnementales. On peut faire de l'environnement autrement, plus intelligemment. Ne rêvons pas à un transfert massif de fonds vers le deuxième pilier. Beaucoup d'États y sont défavorables du fait du cofinancement obligatoire et de la situation de leurs finances En revanche, on peut attendre ces aides différemment. Il y a aujourd'hui, via la modulation, de l'argent fléché du second pilier non utilisé. Je pense aux crédits disponibles pour la politique de diversification, circuits courts… Cet axe qui permet de faire levier est très intéressant. Car, en aidant l'investissement, on rend les exploitations moins dépendantes des soutiens.
Ces aides seront-elles suffisantes ?
D. P.: On ne peut pas conduire une politique agricole seulement basée sur les soutiens. Ce n'est pas pérenne. Il faut s'attendre à ce que Bruxelles rogne le budget agricole pour d'autres priorités. L'agriculture en zone difficile n'a pas pour rôle que d'entretenir le territoire. Elle est d'abord dans une logique d'entreprise dont l'avenir passe par un engagement collectif à long terme et un investissement économique des producteurs dans des filières à valeur ajoutée différentiées. Il est dommage que certains voient le rééquilibrage des aides juste comme une DPU supplémentaire. Le meilleur investissement à faire est d'en engager une partie dans ces filières.
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