« Il est temps de dire la vérité aux producteurs laitiers »

Henri Nallet a participé à la mise en place des quotas laitiers. Il était conseiller agricole de François Mitterrand entre 1981 et 1985, puis ministre de l'Agriculture. Il a aussi été ministre de la Justice d'octobre 1990 à avril 1992. À 76 ans, il préside le Haut conseil à la coopération agricole et la Fondation Jean-Jaurès, un « think tank » lié au Parti socialiste. © C.H.
Henri Nallet a participé à la mise en place des quotas laitiers. Il était conseiller agricole de François Mitterrand entre 1981 et 1985, puis ministre de l'Agriculture. Il a aussi été ministre de la Justice d'octobre 1990 à avril 1992. À 76 ans, il préside le Haut conseil à la coopération agricole et la Fondation Jean-Jaurès, un « think tank » lié au Parti socialiste. © C.H. (©)

Si les éleveurs ne sont pas suffisamment en ordre de marche pour résister au marché libéralisé, les hommes politiques et professionnels français ont leur part de responsabilité. Ils n'ont pas cru en la fin des quotas.

Pourquoi les Français acceptent-ils mal la libéralisation du secteur laitier ?

Henri Nallet : Jusque dans les années 1980, la France a joué un rôle majeur dans la régulation des marchés agricoles. Le général de Gaulle avait fait accepter cette idée. La puissance publique fixait les prix agricoles et gérait les marchés par le stockage. L'agriculture est devenue excédentaire, ce qui a conduit, entre autres, aux quotas. Imprégnés de cette influence, les responsables politiques et professionnels français n'ont pas cru à la fin des quotas. Ils n'ont pas compris qu'aux négociations commerciales internationales, les libéraux ont gagné : en ne liant plus aides et produits, la régulation se ferait par le prix. Ils n'ont pas dit aux producteurs qu'il fallait se restructurer pour s'adapter. Aujourd'hui, l'Europe du Nord joue sans retenue sur le marché. Nous, nous pleurons sur le lait.

Faut-il définitivement renoncer à toute forme de régulation ?

H.N. : On ne peut pas laisser aux seuls marchés la régulation laitière. Les producteurs ont besoin d'un minimum de stabilité. Le gouvernement français doit prendre son bâton de pèlerin et visiter chaque capitale européenne pour démontrer que le système libéral seul ne fonctionne pas. C'est ce qu'a fait Stéphane Le Foll avec la réduction volontaire de la production. Il faut poursuivre cette bataille politique. La Pologne, l'Italie et l'Espagne, à forte population agricole, y seront sensibles. Il est difficile de dire jusqu'où basculera l'Allemagne. Il faut travailler avec elle.

Mais en défendant la régulation, la France ne reproduit-elle pas ses erreurs : y consacrer son énergie plutôt qu'aider les producteurs à s'adapter ?

H.N. : Il faut faire les deux. Dire la vérité aux éleveurs laitiers : ils produisent pour un marché ouvert. S'ils sont moins compétitifs, leurs concurrents n'hésiteront à prendre leurs marchés. Cela n'empêche pas une action politique au niveau européen, même si à vingt-huit pays, elle est compliquée.

Les producteurs peuvent-ils fonder des espoirs sur un système assurantiel lors de la réforme de la Pac de 2020 ?

H.N. : Jusqu'à présent, les systèmes assurantiels n'ont pas montré leur efficacité. Ils sont un pansement. Ils ne résolvent pas le problème. Si un tel système voit le jour, il sera mal fichu, fruit d'un compromis européen.

Que dites-vous aux producteurs laitiers aujourd'hui en plein désarroi ?

H.N. : Je leur dis : « Organisez-vous, serrez-vous les coudes et comptez d'abord sur vous pour des solutions à dimension humaine. » Les Français ont un réel savoir-faire. Ils peuvent s'appuyer sur des conseillers compétents et des conditions pédoclimatiques extraordinaires. Leur avenir est en partie sur les marchés mondiaux. Il faut donc chercher à tout prix à améliorer la productivité et permettre, là où c'est possible, un relatif agrandissement, avec des troupeaux d'au moins 100 vaches.

La FNSEA évoque un plan social pour l'agriculture. Qu'en pensez-vous ?

H.N. : Un certain nombre d'éleveurs sont au bout du rouleau. Au gouvernement et à la profession de se mettre d'accord pour un plan d'accompagnement qui permet de sortir dignement du métier. Cela coûtera cher mais la collectivité doit assumer ses erreurs passées. L'argent ne fait pas tout. Les producteurs ont besoin de se sentir entourés. Les coopératives, y compris de conseils, et les syndicats ont une responsabilité particulière. Ce sont des structures humanistes auprès desquelles ils doivent pouvoir se confier. Des formes de solidarité entre éleveurs peuvent aussi être inventées. Je pense à un fonds interprofessionnel régional, alimenté par un prélèvement quand les prix sont bons et pourquoi pas en lien avec les Conseils régionaux. S'il faut le feu vert de Bruxelles, allons le décrocher.

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies
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Herbe

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