
Stocker ses céréales à la ferme pour les intégrer à la ration des bovins est une solution potentiellement économique, à condition toutefois de bien maîtriser la conservation et les risques qui y sont liés. Cela nécessite vigilance, précautions et rigueur.
Stocker ses céréales, c’est s’exposer à trois risques :
- Trop d’humidité peut provoquer un développement de microflore, principalement des moisissures. Potentiellement, cela peut engendrer des mycotoxines.
- Pendant le stockage, on peut aussi assister à un échauffement et germination de la graine : la reprise de l’activité physiologique entraîne une respiration de la graine, qui induit échauffement et réhumidification.
- Enfin, le troisième et principal risque au stockage est le développement de populations d’insectes qui mangent le grain.
Toutes ces menaces sont interdépendantes : « Si vous avez de la graine qui se met à respirer et qui s’auto-échauffe, vous allez vous retrouver dans un milieu chaud et humide qui va augmenter l’intensité respiratoire au niveau de la graine mais va aussi favoriser un milieu propice au développement des insectes et des moisissures », développe Jean-Yves Moreau, ingénieur du pôle stockage de grains chez Arvalis.
Des précautions dès la récolte
Réduire tous ces risques commence par la récolte, qui doit être effectuée dans les meilleures conditions. Pour stocker du grain sec, il faut le récolter à maturité avec une humidité inférieure à 15 %. Pour cela, il n’est pas inutile d’être équipé d’un testeur d’humidité, cela coûte autour de 500 €.
Le grain doit aussi être propre, la moissonneuse doit donc être parfaitement réglée pour éliminer les parties végétatives de la plante parce qu’elles sont en général plus humides.
Mais ces précautions ne sont pas suffisantes. « Les insectes ravageurs, charançons, sylvains, capucins et autres triboliums sont capables de proliférer dans du grain sec, si la température est suffisamment élevée », met en garde Jean-Yves Moreau. Par ailleurs, le grain à stocker doit être entier, s’il est cassé, il est beaucoup plus appétant pour les insectes. Attention à bien régler la moissonneuse, abaisser si besoin la vitesse de rotation du batteur ou le serrage du contre-batteur.
Ventiler pour refroidir le grain
Une fois le grain stocké, la ventilation, pour le refroidir et limiter le risque insectes, se fait en plusieurs paliers. Impossible en effet, en plein été de faire descendre la température en deçà de 12°C, seuil au-delà duquel les insectes prolifèrent. Dès la moisson terminée, il s’agit de ventiler la nuit, y compris par temps de pluie, pour ramener la température de la masse de grain aux alentours de 20°C. Cela permet d’évacuer deux risques : échauffement – germination et moisissure. Cela permet aussi de réduire la vitesse de prolifération des insectes.
Le deuxième palier de refroidissement du grain se fait à l’automne, dès que les nuits sont plus froides. Objectif : faire chuter la température sous le seuil des 12°C. Pour ceux qui stockent jusqu’à la prochaine récolte, il peut être intéressant de viser un troisième palier, l’hiver (et toujours la nuit) pour faire descendre la température du grain en deçà de 5°C. Cela permet de tuer une partie des insectes. À l’arrivée du printemps, la température du grain mettra plus de temps à remonter.
Pour parvenir à ces objectifs de température, l’automatisation de la ventilation peut être d’un sérieux secours. Le système se met en route automatiquement grâce à une sorte de thermostat, une première sonde mesure la température de l’air extérieur et déclenche la mise en route et l’arrêt du ventilateur selon la température de consigne programmée, une seconde sonde thermométrique de type sonde à fourrage à positionner en haut du tas de grains permet de s’assurer que le grain est bien refroidi.
Quels types d’équipements de stockage
Le stockage en cases à plat est le plus courant : moins cher, plus souple, plus polyvalent. Ces zones peuvent aussi servir à stocker du matériel. La surface doit être couverte, propre et bétonnée. Le grain peut être directement benné sur des plateformes et poussé ou vidé dans une fosse de réception puis nettoyé et réparti dans des cases par lots homogènes. La ventilation se fait soit par des caniveaux, soit par des gaines demi-lunes.
Certains exploitants optent pour des cellules dédiées, plus sécurisantes pour maîtriser les charançons, oiseaux et rongeurs mais aussi les contaminations extérieures (terre, huiles hydrauliques, …). L’investissement d’une cellule peut représenter le prix d’une récolte. Ce type d’équipement est donc assez peu répandu dans les systèmes où les céréales sont autoconsommées.
Comment piéger les insectes
Pour éviter la prolifération des insectes tout en évitant les insecticides, il existe diverses solutions préventives et correctives. Cela commence par le nettoyage systématique des zones de stockage, c’est-à-dire faire un vide sanitaire. Il est possible de faire ensuite un traitement insecticide sous forme de poudres minérales, inertes, pour réguler les populations résiduelles. On peut associer à cela une ventilation rapide et performante pour mettre les insectes dans des conditions défavorables.
Un système de surveillance peut être complémentaire, pour limiter les risques. Cela passe par la pose de pièges. Il en existe deux types. Pour les coléoptères, des sortes de tubes perforés avec entonnoir que l’on positionne dans le tas de grains, et pour les papillons, des pièges à phéromones sexuelles qui permettent de détecter précocement la présence d’insectes et prendre éventuellement des mesures correctives.
Les mesures correctives peuvent être un passage au trieur (à condition d’en avoir un) ou un traitement insecticide, solution plus simple, mais de moins en moins pratiquée. Il existe aussi des solutions alternatives telles que le traitement par la chaleur (chauffer le grain à 55°C avec un séchoir à grain pour créer un choc thermique). Une solution toutefois onéreuse et compliquée à mettre en œuvre, donc peu répandue. La solution d’atmosphère modifiée consiste, quant à elle, à injecter de l’azote dans le lot et réduire le taux d’oxygène à moins de 2 % pendant deux semaines. Compliqué, efficace seulement si c’est bien maîtrisé.
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