
Depuis quatre ans, Michel Vergnol utilise la méthode des températures pour caler ses premiers apports d'ammonitrate et ensiler son herbe précocement.
CHAQUE ANNÉE À PARTIR DU 1ER FÉVRIER, DANS LE PUYDE- DÔME, les données fournies par dix-sept postes météorologiques du département sont traitées en cumul de températures. Le suivi de croissance des prairies, réalisé chaque semaine dans trois exploitations par le pôle fourrages de l'EDE (repères et mesures de hauteur d'herbe), permet de valider les préconisations faites aux éleveurs. Celles-ci sont adaptées à la flore des prairies (précoce ou tardive), au mode d'exploitation (pâture, ensilage, foin) et à l'altitude. Grâce au bulletin Info-Prairie, disponible sur le site internet de la chambre d'agriculture ou dans le journal agricole, les éleveurs ont à leur disposition des repères(1) pour apprécier et anticiper l'évolution du stade des prairies (démarrage de végétation, montaison, épiaison…). Cette année, alors que la végétation a quinze jours d'avance sur le calendrier habituel, les éleveurs qui ont fauché plus tôt leurs prairies précoces au stade optimal ont des repousses certes limitées, mais utilisables en pâture.
C'est le cas de Michel Vergnol d'Avèze qui a ensilé sa première coupe le 10 mai, soit quinze jours plus tôt que l'an passé. Un record de précocité. « Nous étions à 650°C de cumul de températures, le ray-grass était au stade de début d'épiaison et le rendement était là, explique Alexandre Riocourt, le conseiller EDE de l'élevage. La mesure de volume réalisée le 4 mai faisait état de 3,1 tonnes de matière sèche par hectare (contre 3,5 t en 2010). Il fallait y aller, d'autant plus que la parcelle d'un seul bloc de 17 ha à ensiler était homogène. » Ce qui était loin d'être le cas d'autres exploitations situées plus bas en altitude où des gelées ont marqué. Initialement un peu sceptique sur le volume disponible dans sa grande prairie, Michel Vergnol a rentré son herbe dans des conditions plutôt favorables, malgré un « petit » rendement. « L'herbe au tout début épiaison était sans doute un peu trop jeune, observe l'éleveur. L'ensilage sera peut-être un peu sec. Mais les valeurs devraient être bonnes. » Mais alors que 70 mm d'eau sont tombés, par chance, mi-mai, l'éleveur se félicite d'avoir fauché précocement : « On a de très bonnes repousses, et la prochaine coupe est assurée. »
TRENTE UNITÉS D'AZOTE BIEN VALORISÉES
Avec un printemps particulièrement précoce, un mois d'avril chaud et sec, le résultat n'était pourtant pas gagné d'avance. Entre le 28 mars et fin avril où il est tombé 20 mm d'eau, l'absence de pluie avait en effet ralenti la pousse. Mi-avril, le cumul des températures en moyenne montagne affichait une avance de 165°C par rapport à l'année précédente (soit + 44 % !). À cette époque, la grande prairie à ensiler, bien verte, présentait une belle densité, avec une bonne proportion de trèfles.
« Les 100 kg d'ammonitrate (30 unités), apportés le 25 mars dernier autour de 200°C, ont été bien valorisés », constatait alors l'agriculteur avec plaisir.
Malgré le printemps sec, la méthode des températures s'est donc avérée encore fiable cette année. Cela conforte Michel Vergnol dans ses nouvelles pratiques de dates de récolte mais aussi de fertilisation.
« Autrefois, je mettais l'azote quarante jours avant la fauche, sachant qu'on ensilait entre le 15 et le 25 mai. Depuis quatre ans, je suis l'évolution hebdomadaire des cumuls de températures sur le bulletin Info-Prairie publié dans l'hebdomadaire agricole départemental. J'en tiens compte surtout pour l'apport d'engrais, car il est déterminant pour la pousse de l'herbe. Apporté plus précocement, l'azote a plus de temps pour être assimilé. Il est plus efficace. Toutefois, s'il fait trop sec, je préfère attendre quelques jours et voir un peu de pluie tomber avant de mettre l'ammonitrate. Au prix où sont les engrais, les mettre quand il faut est essentiel. » La flore productive et précoce des prairies naturelles de l'exploitation (ray-grass anglais sauvage, dactyle, fétuque élevée, vulpin…) est également favorisée par le chaulage réalisé régulièrement avec du carbonate de chaux ou de la chaux vive, et par les épandages de lisier. Ces derniers sont effectués de préférence au printemps à raison de 25 m3/ha sur un maximum de surface. « Le lisier couvre les besoins en phosphore des prairies et quasiment ceux en potasse. Après chaque coupe, 100 kg d'ammonitrate sont également apportés sur les prairies de fauche. »
Aux yeux de l'éleveur d'Avèze, l'intérêt de la méthode de cumul de températures est d'apporter des repères ainsi qu'une aide à la décision. « Avec le changement climatique, les repères s'estompent : après avoir eu très chaud, on peut avoir une chute de neige. Prendre la décision d'ensiler avec Alexandre m'aide et me rassure. En 2010, alors que les conditions météo étaient bonnes, sans la pression de ce dernier, j'aurais attendu huit jours de plus. Or, le rendement était là. Attendre pour gagner un peu plus de volume, c'est aussi prendre le risque de perdre en qualité, voire de mouiller sa récolte. Ici, à 850 m d'altitude, l'herbe pousse très vite. Il faut anticiper son explosion. »
LA MESURE DE RENDEMENT PAR LE CONTRÔLE LAITIER AVANT D'ENSILER
Avant d'ensiler, Michel fait faire une mesure de rendement par Alexandre. Ce rendez-vous, qu'il apprécie particulièrement, s'inscrit dans le cadre du suivi classique de la production fourragère et du suivi de l'alimentation assuré par le contrôle laitier. En quatre ans, la mesure de rendement à la tondeuse(2) s'est toujours révélée fiable.
« En une journée, on fauche le fourrage de six mois. Il ne faut donc pas se louper. » L'hiver, la ration mélangée se compose en effet de 25 kg d'ensilage d'herbe à 30-32 % de MS par vache et par jour, 15 kg de pulpe de betterave sur pressée à 25 % de MS, 3 kg de foin de première coupe, 0,5 kg de paille, 3,5 kg de céréales (maïs-orge) et 2 kg de correcteur azoté (tourteau, soja et colza). « Je recherche du volume avec de la qualité. Avec un ensilage qui constitue le plat principal des vaches laitières, on surveille de plus en plus la teneur en MS qui doit être au moins de 30 %. » Il y a une dizaine d'années, l'herbe ensilée était coupée par une faucheuse automotrice de 9 m qui réalisait des gros rangs, mais ils étaient difficiles à sécher. Aujourd'hui, il fauche avec une conditionneuse et regroupe trois andains le lendemain. Depuis qu'il a modifié ses pratiques, l'éleveur a constaté un changement positif sur les valeurs d'ensilage (0,9 UF par kg de MS et 16 à 17 % de MAT ces dernières années). Avec une meilleure efficacité de la ration de base, le niveau de lait par vache a légèrement progressé et le concentré a diminué : de 300 g par litre de lait en 2005 et 2006, il se situe désormais à 195 g (140 g à la pâture sur la dernière campagne 2010).
28 KG DE LAIT AU PÂTURAGE AVEC 3 KG DE CONCENTRÉS SEULEMENT
Pour le pâturage de printemps qu'il pilote seul, Michel consacre habituellement 7 ha d'herbe à ses 35 vaches dont une parcelle tampon pouvant être consommée ou fauchée si nécessaire. Pour gérer au mieux ce pâturage un peu serré (18 ou 20 ares par vache du 15 avril à juin), il utilise un planning de pâturage et pratique le pâturage tournant avec un fil (une parcelle pour trois jours à trois jours et demi). En 2010, au premier tour de pâturage, Michel a trait 28 kg de lait par vache avec 3 kg de concentrés seulement. L'été, outre la pâture, les vaches ont du foin, des céréales et des tourteaux. En cette année précoce, la mise à l'herbe a été effectuée très tôt, dès le 3 avril, sur des sols porteurs.
ANNE BRÉHIER
(1) Méthode mise au point par l'Inra de Toulouse, vulgarisée depuis 2008 par l'EDE du Puy-de-Dôme. (2) Quatre carrés d'herbe, d'un quart de mètre carré, chacun, prélevés et pesés.
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