
Longtemps utilisé pour renouveler les prairies, le glyphosate cède le pas à la voie mécanique. Le sursemis d'espèces bien choisies maintient leur qualité fourragère.
À UNE PRAIRIE DOMINÉE PAR LES PLANTES de faibles valeurs fourragères, quel avenir donne-ton ? Il y a encore quelques années, la solution de facilité était de détruire son couvert végétal au glyphosate à l'automne pour en implanter une nouvelle le printemps suivant. Cette destruction « 100 % phytos » est heureusement moins pratiquée. La tendance est de régénérer la prairie à partir d'espèces fourragères de bonne qualité alimentaire, la première étant le ray-grass anglais. La prairie peut être sursemée à partir d'un semoir spécialisé ou d'un outil animé, combiné à un semoir classique. Tout dépendra du taux de RGA dans la parcelle. « Avant d'entamer une rénovation de prairie, il est impératif de réaliser un diagnostic de la flore. Il permet de décider plus facilement s'il faut engager une telle démarche et, sur prairie naturelle, de choisir le matériel de semis approprié », indique Michel Harivel, de la chambre d'agriculture de l'Orne.
Prairies temporaires. Sursemer pour la prolonger
Si la prairie comporte moins de 30 % de RGA, mieux vaut envisager de la retourner et d'emblaver une culture intermédiaire (un maïs ou une céréale) avant d'en lancer une nouvelle. La culture lui permettra de repartir sur des bases plus saines. « Un taux de 30 % de RGA est la limite de rupture. En dessous, la compétition est telle entre les espèces que le ray-grass sera étouffé. »
Au-delà de 30 % de RGA, un sursemis de RGA avec un semoir spécialisé peut être envisagé. Le semoir spécialisé peut également être utilisé pour prolonger une prairie temporaire qui donne encore satisfaction au bout de quatre ou cinq ans. « L'éleveur peut sursemer du RGA tous les trois ou quatre ans sans obligatoirement réaliser un diagnostic prairial. » Dans les deux cas, il préconise la dose de semences pratiquée en semis de RGA classique : 20 à 23 kg/ha. « Avec une dose plus faible, on s'expose à un étouffement du ray-grass anglais par les espèces en place, plus agressives. » Une autre mesure pour éviter l'étouffement : le choix de variétés de RGA diploïdes intermédiaires à demi-tardifs, telles que Aberavon et Barmilka. Leur capacité à taller rapidement, leur port dressé et leur épiaison entre la mi-mai et la fin mai leur donnent les cartes pour résister à la pression des plantes voisines. « Ces dispositions sont adaptées aux conditions climatiques de la Bretagne jusqu'au nord de la France. En conditions séchantes comme dans les Pays de la Loire, mieux vaut retenir des variétés plus précoces. »
La réussite du sursemis dépend bien évidemment des conditions climatiques après l'implantation. La période idéale est fin août-début septembre. Les conditions plus sèches limitent la germination des graines d'adventices, dont la dormance est levée par le brassage de la couche superficielle du sol. Ce phénomène serait plus important s'il avait lieu au printemps. De plus, la terre plus sèche facilite le passage du semoir spécialisé. « Le semoir Aitchison donne les résultats les plus satisfaisants », constate Michel Harivel. Le coutre à l'arrière du disque ouvreur éclate le sillon pour un meilleur contact graine- terre (voir fiche à droite). « Les semoirs spécialisés équipés uniquement de disques ouvreurs (type Sulky) peuvent convenir, mais il est nécessaire d'intervenir sur un sol très sec à grande vitesse pour le fissurer et apporter de la terre sur la graine. » Le piétinement des animaux et l'action de la pluie assureront ensuite le contact sol-graines.
Prairies permanentes. Adapter la rénovation à la proportion de RGA
La flore diversifiée d'une prairie naturelle résulte d'un équilibre entre les espèces. Les pratiques extensives ont une incidence certaine sur sa composition. Ainsi, en Basse-Normandie ont-elles favorisé le pâturin commun, la houlque laineuse ou le vulpin des prés, graminées dont l'épiaison se déroule entre le début avril pour les unes et la mi-mai pour les autres. Au détriment du RGA.
Avec moins de 30 % de RGA, « il est quasi impossible de le réintroduire dans la prairie permanente, constate Michel Harivel. Il ne réussira pas à s'installer parmi ces espèces très réactives en début de printemps mais à faibles valeurs alimentaires. » Pour les contrer, il préconise le recours à des outils animés pouvant être combinés à un semoir à céréales : le rototiller à axe horizontal et une herse rotative type cultimix à axe vertical. Le covercrop convient également sur des grandes parcelles, à condition de recourir ensuite à l'un ou l'autre des outils animés pour niveler le sol (voir page suivante). « Ces trois matériels déchaussent partiellement les plantes. Leur activité biologique s'en trouve freinée. En les “secouant”, l'objectif est de laisser le temps à l'espèce semée de s'installer. Le choix de la précocité et de la ploïdie du ray-grass anglais est là aussi essentiel. Comme sur les prairies temporaires, les RGA diploïdes sont recommandés. Leur port dressé et leur vigueur à l'implantation via un tallage rapide augmentent les chances de succès. Ces prairies reposent généralement sur des terres humides, difficiles à exploiter. Une levée rapide est indispensable à l'automne pour permettre aux jeunes plantes de résister à l'humidité du début d'hiver. »
Quant à la précocité, les variétés de RGA intermédiaires à semi-tardives (par exemple Aberavon, Barmilka) sont les plus adaptées pour faire face aux espèces locales précoces (voir précédemment). Dose conseillée : 20 à 23 kg/ha. Le ray-grass anglais n'est pas la seule graminée à envisager. La nouvelle génération de dactyles élargit le champ de la rénovation. Des variétés comme Lumon, Lufl or ou Lunella sont plus vigoureuses à l'installation, épient vers la mi-mai et sont plus appétences. Dose : 20 kg/ha. Elles séduiront les éleveurs recherchant une production estivale. En revanche, la fétuque élevée reste bannie car trop lente au démarrage.
Après la rénovation, tasser le sol avec des rouleaux type cultipacker ou croskilette. Les rouleaux lisses ne sont pas assez lourds pour bien mettre en contact le sol et les graines. Le recours aux outils animés présente malgré tout un inconvénient : la levée de dormance des graines d'adventices remontées à la surface. Elle peut générer, par exemple, une explosion de rumex. Pour y remédier, pratiquer la technique du faux semis. Un premier passage provoquera leur levée. Au stade plantule, quinze jours à trois semaines après, un second passage, cette fois-ci combiné avec le semoir, les détruira. L'autre solution est chimique avec 0,5 l/ha de Mikado au stade quatre feuilles, au tallage du RGA.
Le cas de l'agrostis stolonifère : cette technique de rénovation est conseillée également lorsque le diagnostic de la flore indique au moins 20 % d'agrostis stolonifère, l'un des fléaux des prairies naturelles de l'Ouest. Cette adventice libère des substances qui inhibent la croissance des plantes se développant autour. « Les essais et observations menés depuis une dizaine d'années montrent que sa destruction par le glyphosate est inefficace. » Michel Harivel recommande cette lutte mécanique s'il n'y a pas la possibilité d'intercaler un maïs ou une céréale avant le semis d'une nouvelle prairie. « Ce levier doit être envisagé, même si la parcelle compte plus de 30 % de RGA », souligne-t-il.
Avec plus de 30 % de RGA : en l'absence du problème de l'agrostis stolonifère, un semoir spécialisé sera utilisé (voir les prairies temporaires en début d'article).
Trèfle blanc. Semer à la volée et au printemps
Le sursemis n'est pas réservé aux seules graminées. Celui du trèfle blanc est plus simple à mettre en oeuvre. Il suffit de le semer à la main, au milieu des bovins. Leur piétinement mettra les graines au contact du sol. Comme le trèfle blanc est sensible aux gelées blanches jusqu'au stade trois feuilles trifoliées, mieux vaut éviter de sursemer à l'automne. Privilégier le printemps et pas avant la mi-avril. L'idéal est après le deuxième cycle de pâturage ou après la première fauche, si elle a lieu en mai et est suivie d'un pâturage. Pour mettre toutes les chances de son côté, la dose est similaire à un semis classique en association (3 à 3,5 kg/ha). « L'apparition du trèfle blanc n'est pas toujours immédiate, constate Michel Harivel. Elle peut se produire au printemps suivant. En cause, des conditions météos plus froides déclenchant sa dormance, ou une carence en potassium bloquant son développement. »
Prairies temporaires : la variété sera sélectionnée en fonction du RGA en place. S'il s'agit d'un tardif à très tardif, préférer un trèfle blanc intermédiaire tel que Demand qui dispose de points d'ancrage de stolons suffisants pour résister à son environnement. Avec un RGA plutôt précoce, retenir des trèfles blancs plus agressifs en couplant un type intermédiaire (par exemple 2 kg de Demand) et un type agressif (1,5 kg d'Alice ou Aran). Cette combinaison s'adapte bien à l'alternance fauche-pâture.
Prairies permanentes : l'association de trèfle blanc agressif + intermédiaire cadre avec les prairies naturelles généralement composées de plantes à port dressé et précoces. Celle proposée précédemment convient.
On le voit, la rénovation des prairies est un exercice délicat. Son succès résulte d'un savant équilibre entre les nouvelles espèces et celles déjà en place, d'une pluviométrie suffisante après le semis mais aussi du mode de conduite décidé par l'éleveur (voir p. 44).
CLAIRE HUE
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