Quand le pâturage n'est pas possible, amener l'herbe à l'auge est une option séduisante. Mais sa rentabilité suppose de respecter des règles, en priorité celle de sa qualité.
L'AFFOURAGEMENT EN VERT REVIENDRAIT EN FORCE dans les systèmes fourragers laitiers français : « Si les vaches ne vont pas au pré, l'herbe viendra aux vaches. » Un sujet qui ne date pas d'hier, comme nous le rappelle Luc Delaby, de l'Inra de Saint-Gilles, en Ille-et-Vilaine. « En 1975, l'Iteb, ancêtre de l'Institut de l'élevage, présentait l'affouragement en vert avec les mêmes motivations et les mêmes questions qu'aujourd'hui : maîtriser la qualité de l'herbe, répondre à un parcellaire non adapté au pâturage et une rentabilité discutable de ce mode de récolte. » Une enquête de 2010 réalisée dans 30 exploitations bretonnes éclaire sur les motivations et les pratiques des éleveurs adeptes de l'affouragement en vert. Cette culture de l'herbe servirait d'abord à compenser des surfaces accessibles au pâturage insuffisantes ou inexistantes. Une contrainte amplifiée par l'agrandissement des troupeaux, des exploitations morcelées ou l'apparition du robot de traite. Une autre motivation serait de mieux exploiter ainsi les couverts hivernaux, devenus obligatoires dans de nombreuses régions. Enfin, plusieurs éleveurs citent la réduction du coût alimentaire grâce à ce fourrage riche en azote et avec moins de stocks à réaliser. « L'ensilage maïs, très présent dans les rations des vaches laitières, est une source importante d'énergie, mais carencée en matières protéiques et en minéraux. Un kilo de MS de maïs nécessite 150 g de tourteau de soja. Autrement dit, à 1 ha de maïs correspond 0,8 ha de soja quelque part dans le monde », insiste Luc Delaby.
LES MÊMES RÈGLES QU'AU PÂTURAGE
A contrario, l'herbe verte est une ration complète naturelle de grande qualité, équilibrée en UFL et PDI, capable d'assurer 30 à 35 litres de lait par jour. Une herbe verte qui est aussi un formidable complément à l'ensilage maïs dans les rations hivernales. Exemple avec un ray-grass anglais de qualité au stade feuillu (0,95 UFL et 180 de MAT) incorporé à un tiers de la ration (5 kg de MS/j) qui permet une économie en tourteau de soja de 1 kg par jour, comparé à une ration plat unique d'ensilage maïs. « Un avantage qui peut vite s'évaporer si la qualité de l'herbe apportée à l'auge n'est pas à la hauteur », précise Luc Delaby. Ainsi le même apport d'herbe (5 kg de MS) à 0,85 UFL et 100 g de MAT associé à de l'ensilage maïs n'offre quasi aucune économie en tourteau de soja par rapport à une ration 100 % maïs (2,3 kg/j contre 2,4 kg/j).
Nous tenons là toute la difficulté de l'affouragement en vert : comment pérenniser la qualité de l'herbe fauchée. « Deux voies sont essentielles : semer des associations graminées-légumineuses (trèfle violet, trèfle blanc, luzerne) mais surtout appliquer avec une rigueur extrême les règles de gestion de l'herbe (calendrier de fauche, âge des repousses, étalement des productions) de façon à toujours disposer d'un fourrage à un stade précoce. Ce sont les mêmes règles qui s'appliquent au pâturage avec la nécessité de débrayer certaines parcelles vers les stocks (ensilage, enrubannage) quand la pousse est trop rapide », explique Luc Delaby. Ceci maîtrisé, la production laitière sera supérieure avec une ration mixte herbe-maïs (voir tableau page suivante).
POUR 80 VACHES, C'EST 2,5 TONNES À RÉCOLTER TOUS LES JOURS
La modification des fermentations ruminales induit une baisse de TB et une hausse du TP. Avec l'apport d'herbe verte dans la ration, il faut compter aussi sur une modification non négligeable du profil en acide gras du lait (davantage d'AG mono et poly-insaturés et moins d'AG saturés) qui s'ajoute à une couleur du beurre plus jaune et à une meilleure tartinabilité.
Comment l'affouragement en vert trouve-t-il sa place dans un système fourrager laitier ? Pour un apport de 5 kg de MS pendant 100 à 150 jours (soit 500 à 800 kg de MS/an, 10 à 15 % de la ration annuelle) pour un troupeau de 80 vaches laitières, 6 à 8 ha seront nécessaires. « C'est aussi 2 500 kg d'herbe fraîche à récolter et à distribuer tous les jours, souvent en deux passages. » L'intérêt agronomique de l'herbe et des légumineuses dans la rotation des parcelles éloignées du bâtiment est à prendre en compte. L'éleveur peut aussi valoriser ainsi des dérobées semées après la récolte des céréales à paille. « Avant d'envisager l'affouragement en vert, la première règle est de privilégier le pâturage, donc s'assurer que toutes les surfaces accessibles sont bien valorisées. Car le piège est de succomber à la flamboyance des belles remorques autochargeuses souvent très coûteuses. L'objectif doit être d'utiliser ce matériel le plus longtemps possible sur l'année, de très tôt au printemps à très tard à l'automne. Enfin, il faut bien évaluer le temps de travail, l'astreinte et le coût de l'énergie. La réduction du coût alimentaire et la performance laitière ne sont pas garanties, notamment si la qualité de l'herbe n'est pas maîtrisée », explique Luc Delaby.
Avec ce fourrage frais amené à l'auge, la rapidité d'ingestion peut être spectaculaire. Avec les secondes coupes au stade feuillu, les 3 kg de MS quotidiens par vache sont avalés en moins d'une heure.
Votre email professionnel est utilisé par les sociétés du groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters
et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici.
Consultez notre politique de confidentialité
pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Notre service client est à votre disposition par mail : serviceclients@ngpa.fr.
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« J’ai gagné presque un mois d’IVV grâce aux colliers de détection de chaleur »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?