LES INTERCULTURES CONFIRMENT LEUR INTÉRÊT FOURRAGER

Après la moisson, l'interculture doit être implantée le plus tôt possible pour pouvoir être exploitée dès l'automne et jouer pleinement son rôle d'appoint fourrager.© CHRISTIAN WATIER
Après la moisson, l'interculture doit être implantée le plus tôt possible pour pouvoir être exploitée dès l'automne et jouer pleinement son rôle d'appoint fourrager.© CHRISTIAN WATIER (©)

Outre l'intérêt d'optimiser la production de matière sèche à l'hectare en automne, les intercultures présentent des valeurs alimentaires qui ont toute leur place dans la ration des laitières.

L'IMPLANTATION D'UN COUVERT ENTRE UNE CÉRÉALE À PAILLE ET UNE CULTURE DE PRINTEMPS remplit un rôle de piégeage de l'azote, de maîtrise du salissement et de lutte contre l'érosion. Exploiter cette culture à l'automne et/ou en sortie d'hiver présente également un réel intérêt pour faire face à une situation de déficit fourrager. À cette fin, plusieurs espèces ont fait l'objet d'une série d'analyses en 2011, menée par Arvalis-Institut du végétal et par la chambre d'agriculture de la Manche. Les valeurs alimentaires révèlent des aliments riches en azote (PDIN > PDIE) et, pour certains, un niveau énergétique supérieur aux fourrages conservés. Le respect d'une teneur en matière sèche au moins égale à 20 % permet difficilement d'envisager la constitution de stocks ensilés à l'automne (cf. tableau). Il est néanmoins possible d'ensiler des mélanges à base de graminées, à partir d'une coupe réalisée au mois de mars-avril, avant le stade épiaison.

DES CRUCIFÈRES RICHES EN AZOTE SOLUBLE

En automne, l'exploitation de l'interculture repose donc sur le pâturage ou sur l'affouragement en vert.

Dans la famille des crucifères la moutarde blanche apparaît trop déséquilibrée pour être retenue dans le rôle d'appoint fourrager. Sa teneur en MAT est très élevée (300 g/kg de MS) et sa valeur énergétique faible (0,60 UFL). Les parties aériennes du radis fourrager affichent des valeurs alimentaires intéressantes de 0,82 UFL pour 180 g de MAT. Comme le colza fourrager, il s'utilise sous forme de pâturage rationné ou affouragé. Les résultats diffusés par Arvalis révèlent pour le colza une valeur énergétique optimum au stade feuillu (0,92 UFL), et qui diminue progressivement jusqu'à la fl oraison (0,76 UFL). Avec 175 g de MAT/kg de MS, c'est un fourrage qui autorise une diminution des apports de correcteurs azotés en complément des rations sèches. « Le colza est surtout riche en azote soluble. Il est bien adapté aux rations avec du maïs, mais nécessite une complémentation en énergie rapidement fermentescible, explique Guillaume Chapart, nutritionniste pour le groupe France ruminants conseils. Distribué à raison de 1,5 à 2 kg de MS, il permet d'économiser de 600 à 800 g de soja/VL/j. Mais c'est aussi un fourrage très humide, très laxatif, dont il convient de limiter les quantités journalières à 2 kg de MS/VLen système intensif, pour ne pas encombrer la panse avec de l'eau et pénaliser l'ingestion. Dans les systèmes moins exigeants sur le niveau de production individuelle, la quantité distribuée peut être supérieure sans toutefois dépasser 4 kg de MS/j, seuil à partir duquel il y a des risques d'intoxications ammoniacales. »

L'AVOINE TIRE SON ÉPINGLE DU JEU

Le respect des quantités distribuées est plus facile à gérer par l'affouragement à l'auge. Au pâturage, le colza doit être rationné au fil, avec un front d'attaque suffisamment large (5 m/VL) et une avancée quotidienne de 1,50 m. « Restreindre le temps de présence dans la parcelle à deux heures par jour permet aussi de limiter la consommation à 3 à 4 kg de MS/ VL, précise Pascal Le Coeur, conseiller au pôle herbivores de la chambre d'agriculture de Bretagne. Fauché ou pâturé au stade feuillu avant 60 jours, le colza repart en végétation. Au-delà, il ne repoussera pas. Derrière une céréale à paille, on peut ainsi attendre deux cycles de pousse. » Les semis d'août sont destinés à l'exploitation d'automne et d'hiver. Idéalement, un semis échelonné permettra de constituer une chaîne de pâturage.

Dans la pratique, le respect des conditions de portance à cette période rend souvent difficile le pâturage des grands troupeaux. En revanche, en association avec une graminée, le colza est une alternative intéressante pour le pâturage des génisses au début de l'hiver et précocement au printemps. Il est réservé aux élèves de plus d'un an, car il peut pénaliser la croissance des plus jeunes. « La graminée tamponne l'excès d'eau et d'azote soluble, explique Pascal Le Coeur. À ce titre, l'avoine semble plus complémentaire qu'un RGI qui va rapidement dominer le colza. » L'avoine d'hiver strigosa, ou brésilienne, est une interculture avantageuse sur le plan alimentaire. Elle présente une valeur énergétique de 0,85 UFL, 160 g de MAT et un faible risque acidogène. « C'est un fourrage avec davantage de fibres, confirme Guillaume Chapart. Jusqu'à épiaison, il conserve une bonne teneur en sucre, plus régulière et mieux équilibré que le RGI dans son rapport UFL/PDI. » L'avoine a un réel intérêt dans la rotation et un rapport rendement/valeur alimentaire très favorable (cf. graphique).

RISQUE ACIDOGÈNE SUR LE RGI

Avec 0,99 UFL, le RGI a la valeur énergétique la plus haute parmi les couverts étudiés. Cependant, comme le colza, il présente un risque acidogène assez élevé. « Le risque de subacidose est lié à une forte teneur en sucre (jusqu'à 18 %), explique Guillaume Chapart. Il faut donc limiter l'accélération du transit par un apport de fibres. D'autre part, il faut complémenter la ration avec des protéines suffisamment solubles, de type tourteau de colza, de tournesol, voire de l'urée, pour valoriser cette énergie rapidement fermentescible. Une recommandation d'autant plus vraie sur des RGI purs peu fertilisés, toujours plus déficitaires en azote soluble. » Les associations RGI + trèfle permettent de rétablir un meilleur équilibre et sont d'ailleurs largement utilisées pour conduire les intercultures sans apport d'azote. Au même titre que le RGI, le trèfle incarnat a un risque acidogène élevé. Plus résistant au gel et plus riche que le trèfle d'Alexandrie (cf. tableau), c'est un fourrage non météorisant qui s'ensile bien, car riche en glucides. En revanche, une seule exploitation est possible, contrairement au trèfle d'Alexandrie, moins sensible à la sécheresse pour des semis de fin d'été et qui tolère plusieurs coupes.

RESPECTER LA PORTANCE DU SOL

Les essais menés par la chambre d'agriculture de la Manche révèlent des rendements moyens de 800 kg de MS/ha deux mois et demi après un semis réalisé fin août. Le couvert le plus développé est alors le mélange avoine + féverole, suivi du mélange avoine + vesce. « Pour les récoltes réalisées en sortie d'hiver, les rendements sont en moyenne supérieurs à 1,5 t de MS/ha (cf. graphique). Les plus développés sont les mélanges avec légumineuses », souligne Nicolas Le Meur, conseiller agronome.

Les mélanges présentent donc le double intérêt de la productivité et de teneurs en MAT toujours supérieures à 150 g/kg de MS. L'intérêt pour des mélanges doit aussi tenir compte du coût des semences : plus faible pour les crucifères (15 à 25 _/ha), intermédiaire pour les graminées (30 à 40 €/ ha), et parfois élevé pour les légumineuses (de 40 € pour la vesce à 50 € pour le trèfle et jusqu'à 90 €/ha pour la féverole). « Selon le profil de l'espèce choisie, il faut savoir corriger une forte teneur soit en azote soluble, soit en sucre », explique Guillaume Chapart.

Pour respecter la structure du sol, c'est la portance qui déterminera les limites du pâturage ou de l'affouragement. En conditions très humides, sortir les animaux par intermittence en fonction de la portance implique d'adapter le niveau de complémentation. « Sur des vaches produisant plus de 30 l, si pour des raisons de portance, la régularité des apports n'est pas respectée, il y a de vrais risques de problèmes métaboliques liés à des transitions trop brutales. »

JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...