
La recherche travaille depuis trente ans pour comprendre les phénomènes de fuites d'azote sous les parcelles. Même si des inconnues demeurent, on connaît mieux les pratiques favorables à la qualité de l'eau.
LA BONNE DOSE AU BON MOMENT » : un vieux slogan connu de tous les agriculteurs, mais qui reste d'actualité, même si les avancées de la recherche permettent d'aller plus loin dans la compréhension des phénomènes qui conduisent à des fuites d'azote. Généralement, les agriculteurs respectent cet adage sur les céréales. Il est vrai qu'avec un risque de verse, la surfertilisation azotée devient vite pénalisante.
Le maïs supporte mieux les excédents. Mais la contrepartie est préjudiciable à l'environnement: l'azote non valorisé parla plante peut être perdu par lessivage. « Les bonnes pratiques de fertilisation et de conduite des rotations sont donc essentielles pour toutes les cultures afin de préserver la qualité de l'eau », précise Françoise Vertès. Ingénieur de recherche à l'Inra, elle participe à des travaux sur ces sujets depuis plusieurs années. Les prairies possèdent une capacité d'absorption d'azote relativement élevée. Et elles offrent l'avantage d'occuper le sol toute l'année et de pomper l'azote minéral présent. Elles jouissent donc, à juste titre, d'une bonne réputation sur le plan de l'environnement. Cependant, des fuites d'azote se produisent également sous les prairies. La recherche permet de mieux comprendre ces phénomènes et d'identifier les pratiques à risque.
Le niveau de perte d'azote sous prairie dépend, en partie, de celui de la fertilisation. Pour des doses dépassant les 400 UN/ha sur des prairies intensivement pâturées, les pertes peuvent monter à 150-200 UN/ha. Mais la variabilité est élevée. Elle s'explique d'abord par la répartition des doses. Le fractionnement des apports doit viser à fournir l'azote au moment où la prairie est en croissance. Ainsi, l'azote apporté de février à juin (en fonction du contexte climatique) est valorisé par les plantes et ne se retrouve donc pas dans l'environnement. Les apports d'été doivent être réservés aux conditions permettant une pousse à cette période. Le mode d'exploitation des parcelles pèse lui aussi sur les pertes par lessivage. Une prairie fauchée peut absorber 250à 400 kg de N/ha qui seront exportés de la parcelle lors des récoltes. La lixiviation de nitrate restera faible (moins de 10-15 kg de N/ha) pour peu que la fertilisation soit ajustée. Le pâturage implique des restitutions qui peuvent représenter 75 à 90 % de l'azote ingéré. À l'échelle de la parcelle, la quantité des déjections est directement liée au chargement. Plus la prairie est fertilisée, plus elle est productive et plus le chargement sera élevé. Le risque de fuite d'azote augmente parallèlement. À titre indicatif, une prairie pâturée durant sept mois, avec un chargement de 2 UGB/ha, recevra 60 à 130 kg de N/ha sous forme de bouses et de pissats. Si les premières sont assez vite assimilées par le sol, les seconds fournissent localement une telle quantité d'azote (environ 350 kg de N/ha sous le pissat) que la prairie est incapable de le valoriser.
Pour contrer ces inconvénients, l'éleveur peut faire évoluer ses pratiques. Alterner la fauche et le pâturage limite le niveau des restitutions et donc des fuites sous chaque parcelle. Les Pays-Bas ont diminué efficacement l'impact de l'élevage sur la qualité de l'eau en réduisant le pâturage au profit de la fauche. De même, mieux vaut éviter les chargements élevés en été, lorsque la pousse et donc la valorisation de l'azote sont réduites. Le fait de laisser des animaux longtemps sur une pâture quine produit presque rien, est également préjudiciable. Les parcelles « parking » sont donc à proscrire.
Cet impact du chargement se retrouve également sur les fuites d'azote sous des prairies associant graminées et légumineuses. Dans ce cas, la fertilisation azotée est logiquement réduite. Les légumineuses captent l'azote au moment où elles en ont besoin et il n'y a donc pas de risque d'apport excédentaire ou décalé dans le temps par rapport à la pousse. En revanche, les déjections des animaux viennent là aussi enrichir le sol. Les fuites restent néanmoins souvent inférieures à celles que l'on peut mesurer sous des graminées pures très fertilisées. Ceci est lié au fait que les prairies d'association sont généralement moins productives. Les éleveurs adoptent donc un chargement moins élevé, ce qui réduit les restitutions au pâturage et donc les pertes d'azote. Mais avec des taux de trèfle très élevés (plus de 40 %), le niveau des fuites d'azote augmente.
DESTRUCTION DES PRAIRIES : UNE ÉTAPE À RISQUE
Mais même quand la conduite permet une bonne maîtrise des risques de fuite, la destruction de la prairie reste une étape sensible. Il se produit alors une forte minéralisation de l'azote accumulé par la prairie, au bénéfice de la culture suivante mais avec un risque de perte élevé. Deux pistes s'ouvrent pour réduire ces fuites. Tout d'abord, l'allongement de la durée de vie de la prairie dans les systèmes herbagers. On sait en effet qu'au-delà de cinq à six ans, l'impact de cette minéralisation augmente peu avec l'âge de la prairie. L'azote sera « dilué » dans les rotations longues, ce qui est particulièrement important dans les zones sensibles. L'autre carte à jouer est celle de la valorisation de l'azote libéré. L'idéal est d'implanter une culture forte, consommatrice d'azote, après la prairie. La betterave fourragère peut en absorber 400 UN, soit deux fois plus que le maïs. Mais pour des raisons souvent d'ordre pratique, elle ne trouve pas sa place partout.
Si la culture suivante est un maïs, mieux vaut détruire la prairie assez tôt en fin d'hiver. Ainsi, la minéralisation est bien lancée quand le maïs démarre. La disponibilité de l'azote est alors assez bien calée sur les besoins de la culture. En revanche, ceux qui détruisent au dernier moment, souvent pour exploiter un cycle supplémentaire d'herbe, prennent le risque d'avoir une mauvaise couverture des besoins lorsque le maïs démarre. Et cet azote non valorisé se retrouvera dans les excédents. En moyenne, les reliquats d'azote sont deux fois plus élevés sur un maïs implanté derrière une prairie qu'en rotation avec des céréales. Les Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates) apportent une solution complémentaire pour consommer l'azote libéré par la destruction de la prairie. Leur implantation sous couvert de maïs est intéressante. Elles s'installent doucement et commencent à pomper de l'azote à partir du mois d'août. Mais leur mise en place en juin au stade 7-8 feuilles du maïs est assez délicate. Et il faut s'assurer que le couvert ne concurrence pas le maïs si l'eau est limitante. L'Inra travaille sur le sujet et va publier prochainement un document rassemblant toutes les connaissances sur les Cipan.
PASCALE LE CANN
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