MYCOTOXINES : UNE PRÉSENCE COURANTE DANS LES MAÏS

En écartant l'ensilage mal conservé et surtout les poches de moisissures, l'éleveur réduit la contamination du fourrage par les mycotoxines.© JÉRÔME CHABANNE
En écartant l'ensilage mal conservé et surtout les poches de moisissures, l'éleveur réduit la contamination du fourrage par les mycotoxines.© JÉRÔME CHABANNE (©)

Les mycotoxines peuvent contaminer les fourrages et altérer la santé des animaux, tout en pénalisant leurs performances de production. En cas de doute, une analyse peut confirmer leur présence.

LA PRODUCTION LAITIÈRE N'EST PAS À LA HAUTEUR de ce que permet la ration, les problèmes métaboliques se multiplient, la reproduction se dégrade… Et si ces difficultés s'expliquaient par la présence de mycotoxines ? Certes, ces symptômes diffus peuvent avoir diverses origines. Mais si les autres pistes ont été éliminées, il faut envisager la contamination des fourrages. Les mycotoxines sont des métabolites produits par des champignons ou des moisissures. Il ne s'agit donc pas de micro-organismes ! Et ces substances restent présentes même quand le champignon d'origine a disparu. « Elles peuvent être produites soit pendant la culture, soit pendant le stockage du fourrage. Le champignon les secrète en réaction à un stress : écart de température entre le jour et la nuit, sécheresse ou alternance de périodes humides par exemple », précise Emmanuel Pruvost, chef de marché additif chez Zootech.

En élevage laitier, on les retrouve surtout dans l'ensilage de maïs, parfois dans du foin ou de l'enrubanné mal conservé, ou encore dans des céréales. La présence de mycotoxines de culture est fortement favorisée par les maladies fongiques. Avec un été humide en 2011, la fusariose a souvent attaqué le maïs au moment de la floraison. Les mycotoxines de champ sont essentiellement les trichothécènes, la zéaralénone et les fumonisines.

UN MILIEU PROPICE DANS LES SILOS MAL TASSÉS

Par ailleurs, les silos insuffisamment tassés offrent des conditions opportunes au développement des champignons dans l'ensilage de maïs. Là aussi, le risque de retrouver des mycotoxines est augmenté (ochratoxines et aflatoxines). En 2011, la douceur du début de l'hiver représente un autre facteur favorable. Les risques de présence de mycotoxines sont donc accrus. D'une manière générale, un échauffement du silo facilite la production de mycotoxines. Enfin, certaines d'entre elles, les acides ténuazoniques et les alcaloïdes de l'ergot, se développent à la fois au champ et durant le stockage. Comme leur nom l'indique, ces métabolites sont toxiques. Il en existe plusieurs centaines dont tous ne sont pas connus. Seule l'aflatoxine est recherchée dans le lait en raison de sa toxicité pour les humains. C'est elle qui a récemment provoqué un scandale dans le secteur laitier chinois. Le risque d'en trouver en France est réduit du fait du climat plus tempéré.

UNE DÉGRADATION PARTIELLE DANS LE RUMEN

De nombreuses mycotoxines ont été identifiées depuis une vingtaine d'années dans les élevages porcins et avicoles qui apparaissent plus sensibles. « On a longtemps cru que les bovins n'étaient pas concernés en raison de la dégradation des mycotoxines dans le rumen », rajoute Emmanuel Pruvost. En réalité, cette dégradation peut conduire à la production de métabolites secondaires dont la toxicité peut être supérieure. Ensuite, la dégradation n'est pas forcément totale. Des travaux récents ont montré que les mycotoxines ont des actions variables sur la santé des bovins. Il existe des synergies entre elles. La mortalité est rare mais les performances baissent. Elles peuvent attaquer le système digestif, par exemple en inhibant la microflore. Dans ce cas, les aliments sont mal digérés et on retrouve des fragments de fibres ou de grains dans les bouses. Les refus augmentent à l'auge. D'autres jouent sur le système immunitaire, ce qui facilite l'infection par des germes pathogènes. La reproduction peut également être touchée avec une perturbation des cycles.

Avec des signes aussi variés, il est difficile de faire un diagnostic. « Dans un troupeau dont l'état sanitaire est bon et la ration alimentaire bien calée, un niveau de production insuffisant peut alerter », précise Emmanuel Pruvost.

Les jeunes animaux étant plus sensibles, une faible réussite à l'insémination des génisses est un autre signe. Des laboratoires indépendants proposent des analyses de fourrages et recherchent une quarantaine de mycotoxines pour un prix de 180 €. Mais attention, en cherchant bien, on finit par trouver !

Lorsque la présence de mycotoxines est significative, l'éleveur devra de toute façon continuer à utiliser son fourrage. Il a intérêt à bien écarter les parties moisies ou visiblement mal conservées. Si possible, il est utile de diluer l'ensilage contaminé en prenant dans deux silos en même temps.

L'autre solution consiste à utiliser des capteurs. Ces additifs sont des produits à base d'argiles modifiées sur lesquelles les mycotoxines viennent se fixer. Elles sont ensuite évacuées. Certaines sont plus difficiles à piéger et les huiles essentielles présentes dans ces additifs aident à détoxifier l'organisme. Car l'enjeu est bien de débarrasser l'animal de ces toxines. Des traitements visant à améliorer la flore ou à soigner le foie ont un effet positif, mais il ne durera pas si la ration apporte quotidiennement de nouvelles mycotoxines. Ces capteurs peuvent être polyvalents ou spécifiques d'une seule mycotoxine. Car en fonction de leur taille et de leur géométrie, celles-ci sont plus ou moins faciles à piéger. Le problème pour l'éleveur sera donc de trouver un produit efficace. « Compte tenu de la polycontamination que l'on rencontre dans les rations en Europe et plus particulièrement en France, il est préférable d'utiliser un produit à large spectre », souligne Emmanuel Pruvost.

RÉDUIRE LES RISQUES

Au niveau réglementaire, la classification des additifs est en train de se mettre en place. Les fabricants disposent d'un agrément temporaire pour lequel ils n'ont pas à apporter la preuve de l'efficacité. Néanmoins, l'action d'un tel produit est visible par l'éleveur. Les bouses doivent redevenir normales et la production doit retrouver le niveau attendu assez rapidement.

Pour le reste, les organes abîmés par les toxines auront besoin d'un peu de temps pour retrouver un fonctionnement optimal. « La durée d'utilisation dépend de l'état du troupeau et donc de sa durée d'exposition aux mycotoxines », affirme Emmanuel Pruvost. Il estime qu'avec un niveau de contamination élevé, le coût avoisine 0,15 € par vache et par jour. Pour la récolte suivante, l'éleveur a intérêt à tout faire pour limiter la présence de champignons et de mycotoxines au champ comme au silo.

PASCALE LE CANN

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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