CONCILIER ROBOT ET PÂTURAGE EST POSSIBLE S'ILS SONT PROCHES

Thomas Huneau, de la ferme expérimentale de Derval
Thomas Huneau, de la ferme expérimentale de Derval (©)

Même avec un robot saturé, le maintien du pâturage est jouable. La preuve avec les essais de la ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique).

POUR LES ÉLEVEURS QUI S'INTERROGENT SUR L'INVESTISSEMENT DANS UN ROBOT, la question du maintien du pâturage survient très vite. Son organisation reste aisée si le robot n'a pas besoin de tourner 24 heures/24. Mais alors, l'éleveur fait face à un certain surinvestissement pour la traite, qui ne se justifie pas forcément sur le plan économique. Pour ceux qui ont besoin de traire en permanence, il devient compliqué de sortir les animaux du bâtiment pour des durées assez longues.

La ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique) cherche des solutions à ce dilemme depuis trois ans. Ce travail s'inscrit dans le cadre d'un programme Casdar(1) piloté par l'Institut de l'élevage. Un robot DeLaval a été mis en service en juin 2008. Le troupeau compte 83 vaches laitières dont 72 en lactation. « Nous travaillons avec des vêlages étalés. C'était déjà le cas avant le robot et aujourd'hui, c'est une nécessité de ne pas dépasser cet effectif », précise Thomas Huneau qui suit cet essai. Il précise que dans le cadre d'une ferme expérimentale, l'étalement des vêlages est intéressant car il permet d'avoir toujours des vaches à différents stades de lactation.

La saison de pâturage est relativement courte mais, malgré tout, la valorisation de l'herbe est payante sur le plan économique. L'exploitation dispose de 28 ha accessibles. L'objectif est de pouvoir fermer le silo pendant quelques semaines, tout en maintenant la production laitière. Lorsqu'elles ne sortent pas, les vaches sont traites en moyenne 2,1 à 2,2 fois par jour depuis trois ans. L'en jeu est de rester proche de ce niveau en période de pâturage. « Nous visons 1,9 traite/jour/vache avec une ration d'herbe en plat unique afin de maintenir la production à 28 kg/jour. »

BLOQUER LES VACHES À L'INTÉRIEUR 3 H PAR JOUR

Généralement, les vaches laitières commencent à sortir durant la première quinzaine de mars. Après une transition de deux à trois semaines, elles sont dehors nuit et jour avec un accès aux logettes. La surface accessible est divisée en trois parcelles de 8 à 10 ha. Ceci permet de réduire le travail des clôtures et de simplifier la gestion des surfaces débrayées au printemps. « Nous gérons le pâturage avec le logiciel Herb'avenir de l'Inra », poursuit Thomas Huneau. La pousse de l'herbe est mesurée à l'herbomètre et le logiciel calcule les stocks sur pied. Lorsque l'exploitation dispose de dix jours d'avance, les vaches passent en ration d'herbe en plat unique et le silo de maïs est fermé. En dehors de ces périodes, le volume de maïs distribué dépend de la disponibilité en herbe. Le correcteur azoté est apporté en conséquence. Une complémentation sous forme de blé est distribuée au robot en fonction du niveau de production. Cette quantité ne descend jamais en dessous de 500 g/vache/jour. En pleine saison de pâturage, la difficulté est de faire rentrer les vaches la nuit pour la traite. Pour atteindre les objectifs de production, le robot doit effectuer une quarantaine de traites par nuit. Il a été décidé de bloquer toutes les vaches dans les bâtiment chaque jour de 18 h à 21 h. « Cela permet aussi de réaliser les soins éventuels, les inséminations, le suivi individuel », précise Thomas Huneau. Passé 21 heures, les vaches sont systématiquement dirigées vers l'extérieur quand elles sortent du robot, grâce à une porte de tri. Si elles veulent sortir, elles n'ont d'autre choix que de passer au robot. De cette manière, la quasi-totalité d'entre elles est traite au moins une fois dans la nuit. Et elles ont également accès au pâturage.

DISPOSER D'UNE SURFACE À PROXIMITÉ DU BÂTIMENT

À partir de 8 heures, les vaches ont de nouveau accès au bâtiment. Elles y reviennent progressivement, à leur rythme, souvent par petits groupes. Lorsque la ration comprend moins de 5 kg de MS de maïs, la distribution se fait le matin pour des raisons d'organisation du travail. Mais les vaches n'ont accès à l'auge qu'à 18 heures, quand elles sont toutes présentes.

Cette pratique nécessite donc d'aller chercher le troupeau tous les soirs à 18 h. « Ceci peut être considéré comme une contrainte sur le plan du travail. Mais d'une manière ou d'une autre, l'éleveur devra toujours consacrer du temps à l'observation de ses animaux », souligne Thomas Huneau. Ceci permet aussi de surveiller la pousse de l'herbe ou l'état des abreuvoirs. Cette organisation ne permet pas d'optimiser la gestion des pâtures, notamment avec des parcelles de surface importante. Il est plus difficile de raser les pâtures puisque les vaches peuvent sortir à leur guise. « Nous sommes plus dépendants de la météo car les vaches adaptent leur comportement. »

Cette année, le silo a été fermé du 16 au 28 avril. Et le niveau de production s'est bien maintenu pendant cette période. Cette durée est faible, mais alors que la pousse avait bien démarré avec un printemps précoce, le manque d'eau et la chaleur l'ont rapidement interrompue. Cependant, les conditions de la fin de l'été devraient favoriser de bonnes repousses. Le pâturage devrait donc prendre un certain poids dans la ration d'automne. L'organisation de la ferme sera la même qu'au printemps et les observations vont se poursuivre. Mais les expérimentateurs espèrent surtout conforter leurs observations au printemps prochain. Avec une météo plus conforme aux moyennes, le silo devrait pouvoir être fermé durant plus d'un mois.

Mais d'ores et déjà, ces premières expériences permettent de tirer plusieurs enseignements pour les éleveurs qui veulent poursuivre le pâturage alors que leur robot tourne à plein régime. « Il faut disposer d'une surface accessible à proximité immédiate du bâtiment », insiste Thomas Huneau.

Il rajoute que les accès doivent se trouver au plus près du robot pour que les vaches s'y rendent plus facilement. Celles qui sont en pâture semblent attirées par celles qui rentrent du bâtiment, ce qui les incite à se diriger vers le robot. Et quand elles se croisent sur le chemin, elles ne font pas demi-tour. Enfin, pour ceux qui disposent d'une marge et n'ont pas besoin de faire tourner le robot 24 heures/24, il faut rappeler que des travaux de l'Inra ont montré que les vaches laitières s'adaptent à une durée de pâturage réduite. Elles sont alors capables d'ingérer une grande quantité d'herbe en peu de temps, compensant ainsi une restriction du temps passé dehors. Reste à évaluer l'intérêt économique de cette pratique. Elle est prévue mais pas encore réalisée à Derval.

PASCALE LE CANN

(1) Casdar : compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

Des travaux de l'Inra ont montré que lorsque le temps d'accès au pâturage est restreint, les vaches compensent en ingérant rapidement une grande quantité d'herbe.

© WATIER-VISUEL

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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