LA GRAINE DE LIN EXTRUDÉE RÉDUIT LES ÉMISSIONS DE MÉTHANE

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Le méthane des ruminants est un gaz à effet de serre puissant. L'Inra montre que le lin extrudé dans les rations a un effet à la baisse. Une piste à manier avec précaution.

APRÈS LA MOBILISATION CONTRE LES NITRATES, celle contre les gaz à effet de serre (GES) se dessine pour les vingt prochaines années. Le méthane issu des fermentations digestives des ruminants est en première ligne. Il contribue pour 3 à 5 % au réchauffement climatique. Couplé à celui en provenance des déjections animales, il concentre 40 % des émissions agricoles françaises.

À l'échelle de l'exploitation laitière, il en représente 43 % selon l'Institut de l'élevage. Cette contribution majeure aux GES incite logiquement les chercheurs à étudier les pistes alimentaires susceptibles de les réduire. Cette voie serait relativement efficace car le méthane a une faible durée de vie dans l'atmosphère : douze ans contre cent ans pour le CO2 et cent vingt ans pour le protoxyde d'azote.

L'Inra de Clermont-Ferrand s'est attelé à cette tâche il y a cinq ans. L'institut a testé l'effet de l'addition de graines de lin extrudées dans les rations pour vaches laitières. « La production de méthane correspond à une perte d'énergie pour l'animal, explique Michel Doreau, de l'unité de recherche sur les herbivores. Une alimentation riche en concentrés ou en acides gras poly-insaturés – par exemple l'acide linolénique contenu dans la graine de lin – diminue cette perte d'énergie. Dans le second cas, elle inhibe la production de méthane. » (voir infographie) En 2007, l'institut de recherche effectue un premier essai durant un mois avec deux rations à base de fourrage, l'une composée de foin, l'autre de maïs-ensilage. Toutes deux sont supplémentées avec trois quantités de graines de lin extrudées : 5 %, 10 % et 15 % de la ration totale (en matière sèche), soit une teneur en lipides de 2 %, 4 % et 6 %.

AU BOUT D'UN MOIS, JUSQU'À 35 % DE RÉDUCTION DU MÉTHANE

« Dans les deux régimes distribués, sur cette courte période et sur un petit nombre de vaches, ces différentes teneurs n'ont pas d'incidence sur les quantités ingérées ni sur la production laitière journalière », constate Michel Doreau. A contrario, l'ajout de graines de lin extrudées a un impact net sur la fabrication de méthane au bout d'un mois. L'effet à la baisse augmente avec l'accroissement de la quantité distribuée. Ainsi, en régime foin, la production de méthane diminue de 6 % avec 5 % de graines de lin et de 37 % avec 15 %. En régime maïs ensilage, la réduction passe de - 4 % à - 35 %.

Malgré tout, même si la réponse augmente avec la dose, en élevage, il est conseillé de la limiter à 5 % de la ration. Au risque, sinon, d'une baisse du TP voire du lait. « Cet effet est-il temporaire ou se maintient-il durablement ? C'est ce que nous avons vérifié en mesurant la quantité de méthane éructée par les vaches laitières après un an de distribution de graines de lin ou de colza extrudées. »

AU TERME D'UNE ANNÉE, UNE BAISSE DE 20 %

En 2009, deux périodes de mesures de cinq jours sont organisées à deux mois d'intervalles pour intégrer la ration fourragère hivernale (ensilage d'herbe et foin) et le pâturage dans l'expérimentation. Les graines de lin et de colza sont distribuées à hauteur de 3 % de teneur en lipides dans la ration totale, dans le premier cas à huit vaches, dans le second à cinq. Les résultats sont comparés à un lot témoin de huit vaches.

Que constate-t-on ? « Les différentes rations n'ont pas d'incidence sur la production laitière », répond Michel Doreau. Si des écarts de production de 1 à 2 kg de lait brut/vache/jour apparaissent par rapport au lot témoin (régime hivernal : 27,8 kg avec du lin, 29,3 kg avec du colza contre 26,7 kg en lot témoin ; pâturage : respectivement 23,1 kg et 22,5 kg contre 24 en lot témoin), l'Inra considère ces résultats statistiquement similaires. En revanche, après un an d'apport de lipides, les émissions de méthane par les laitières évoluent à la baisse avec la graine de lin. Par rapport au lot témoin, cette réduction est en moyenne de 19 % si elle est exprimée en quantités journalières émises et de 22 % ramenée au kilo de lait.

LAVOIE DES CONCENTRÉS POUR LES TAURILLONS

La tendance est inversée pour le colza. Les émissions de méthane des laitières augmentent : 17 % pour les émissions journalières, 11 % pour les résultats par kilo de lait. La distribution de concentrés riches en amidon en quantités importantes est un autre levier pour diminuer les émissions de méthane. Les concentrés orientent les fermentations ruminales vers des voies consommatrices d'hydrogène. Ce dernier sera donc moins disponible pour la production de méthane (voir infographie). « Cette piste est déconseillée pour les vaches laitières car elle les expose à des risques d'acidose, avertit le chercheur. En revanche, elle peut être utilisée pour les taurillons », déclare Michel Doreau.

À partir d'une ration composée de 60 à 70 % de concentrés, on peut réduire significativement le méthane. Ainsi, avec 90 % de concentrés, les émissions de méthane de jeunes bovins ont baissé de 56 %. Cette piste présente un inconvénient majeur : elle oriente les rations des jeunes bovins vers une alimentation de type monogastrique, onéreuse et dépendante du prix des céréales.

CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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