AZOTE SUR PRAIRIES : LA DATE D'APPORT AUSSI DÉCISIVE QUE LA DOSE

L'épandage d'azote organique sous forme de lisier de bovin ou de porc n'interfère pas sur la date d'apport.© SÉBASTIEN CHAMPION
L'épandage d'azote organique sous forme de lisier de bovin ou de porc n'interfère pas sur la date d'apport.© SÉBASTIEN CHAMPION (©)

La fertilisation azotée des prairies pâturées et fauchées augmente leur rendement. Les récents essais d'Arvalis-Institut du végétal précisent quelle est la période la plus favorable pour mieux valoriser la dose organique ou minérale épandue.

UNE PRAIRIE PEUT RECEVOIR UNE CENTAINE D'UNITÉS D'AZOTE PAR HECTARE. C'est ce qui ressort en général du calcul à partir de la méthode des bilans (voir encadré). Reste à les répartir sur l'année. « En sortie hiver, comme la minéralisation fonctionne au ralenti, la prairie a besoin d'un premier coup de pouce de 40 à 50 unités. Pour une valorisation optimale, il est conseillé de l'apporter lorsque la somme des températures depuis le 1erEn sortie hiver, comme la minéralisation fonctionne au ralenti, la prairie a besoin d'un premier coup de pouce de 40 à 50 unités. Pour une valorisation optimale, il est conseillé de l'apporter lorsque la somme des températures depuis le 1 janvier atteint 200°C (1) janvier atteint 200°C », indique Sabine Battegay, d'Arvalis-Institut du végétal. Il faut exclure de cette recommandation les associations graminées + légumineuses de moins de six mois, l'épandage risquant de favoriser les graminées. Quand faut-il épandre sur les prairies la cinquantaine d'unités d'azote restante ?

Prairies pâturées. Fertiliser 24 heures après la sortie des animaux.

Des essais menés sur la station Arvalis de La Jaillière (Loire-Atlantique), en 2009, indiquent qu'après le premier cycle de pâturage, il ne faut pas attendre plusieurs jours pour apporter la deuxième dose d'azote. Un épandage d'azote dès le lendemain de la sortie des vaches est bien valorisé par la prairie. « Elle n'a pas besoin d'un délai de quelques jours pour redémarrer sa croissance, explique Pierre-Vincent Protin, en charge des expérimentations à La Jaillière. Contrairement à une prairie fauchée, l'appareil végétatif est encore en place. De nombreuses talles sont encore feuillues permettant le fonctionnement de la photosynthèse. » En d'autres termes, une fertilisation azotée au-delà de 24 heures équivaut à des pertes de rendement qui peuvent s'élever à plus de 50 kg de MS/ha/j au printemps. Dans ces conditions, un épandage réalisé cinq jours après la sortie des animaux revient à une perte de 250 kg de MS/ha. Autre conséquence de ce retard d'épandage : un allongement des cycles de pâturage. Il faudra plus de temps à la prairie pour atteindre les 15 cm de hauteur d'herbe nécessaires à l'entrée des vaches.

Quelle dose apporter ? « Le deuxième apport est à moduler en fonction des conditions climatiques, du chargement et de la proportion de trèfle blanc de la parcelle », précise Pierre- Vincent Protin. Ainsi, en conditions poussantes, l'éleveur n'a pas intérêt à dépasser les 30 kg d'azote, en particulier à faible chargement. Dans le cas contraire, il lui sera plus difficile de maîtriser la pousse d'herbe et, surtout, il sera confronté à la montée en tige, avec une perte de la qualité fourragère et des refus à la clé. Les cycles de pâturage suivants pourront être accompagnés d'une fertilisation azotée si les conditions climatiques sont favorables. Là aussi, il est recommandé d'épandre 24 heures après la sortie des animaux.

La part de trèfle blanc dans la prairie est un deuxième élément à prendre en compte. Au-delà d'une proportion visuelle de 25 % au printemps et de 50 % en été, toute fertilisation azotée devient inutile.

Fertiliser avec du lisier ?

Certains éleveurs craignent une altération de l'appétence de l'herbe pâturée. « Des essais ont montré qu'il n'en est rien si elle est pâturée trois semaines après l'épandage, y compris par temps sec », répond Sabine Battegay. Autre crainte : le risque d'acidification des sols. Arvalis-Institut de végétal le réfute. « La volatilisation d'une partie de l'ammoniac réduit l'effet acidifiant des engrais de ferme. Ces derniers apportent aussi des éléments alcalinisants. Leurs effets conjugués tendent à augmenter le pH du sol. » L'épandage de 20 m3La volatilisation d'une partie de l'ammoniac réduit l'effet acidifiant des engrais de ferme. Ces derniers apportent aussi des éléments alcalinisants. Leurs effets conjugués tendent à augmenter le pH du sol. /ha de lisier de bovin revient à 30 unités d'azote pour une teneur moyenne de 3 kg d'azote total par mètre cube.

Prairies fauchées cinq à dix jours après la coupe.

Un apport d'azote après un ensilage ou un foin ne répond pas aux mêmes règles que sur une prairie pâturée. Les essais 2009 conduits à La Jaillière montrent qu'il faut accorder un délai de cinq jours à la prairie pour relancer sa croissance.

« La coupe à 5 cm de hauteur d'herbe ralentit le fonctionnement photosynthétique des plantes, ce qui diffère les besoins en azote », explique le chargé de recherche. Une fois cette activité redémarrée, les disponibilités en azote du sol ne suffisent pas pour relancer correctement la croissance des plantes, surtout si la prairie est en 100 % graminées. Une dose de 30 à 40 kg/ha donnera l'impulsion nécessaire. « Elle doit être appliquée cinq à dix jours après la coupe. Au-delà de dix jours, la parcelle enregistrera un défaut de croissance minimum de 30 à 40 kg de MS/ha/j, soit 200 kg de MS/ha sur cinq jours, c'est-à-dire la période d'épandage préconisée après la coupe. » Si les conditions climatiques le permettent, ce principe de fertilisation est valable pour les coupes d'ensilage ou de foin suivantes.

Premier apport tardif avant ensilage ou foin : c'est possible

Sur prairies fauchées, peut-on déroger à la règle des 200 degrés-jours et apporter la première dose d'azote plus tardivement ? Quelles conséquences en termes de rendement et de qualité protéique du fourrage ? Autant de questions auxquelles Arvalis-Institut du végétal répond à partir d'essais à La Jaillière, à la ferme expérimentale de Jeu-les-Bois (Indre) et de Saint-Hilairesur- Woëvre (Meuse). « Une enquête auprès de 300 éleveurs français révèle qu'un certain nombre fertilise pour la première fois, à la mi-avril, les prairies destinées au foin. Ils ont le sentiment que le fourrage est de meilleure qualité. Nous l'avons vérifié sur foin et ensilage. »

En 2008 et 2009, six doses d'azote, de 30 à 180 kg/ha sont appliquées, mais en trois périodes pour les comparer. La première est déclenchée lorsque le cumul des températures atteint 200 degrés-jours. La deuxième est fixée au 25 avril pour le foin et à 500 degrés-jours pour l'ensilage (entre le 15 mars et le 15 avril selon les régions). Dans la troisième, la fertilisation est réalisée en deux fois, à 200 puis 500 degrés-jours « pour éviter les pertes ». La moyenne de tous les résultats des deux dernières stratégies a été comparée à la première qui, rappelons-le, est le meilleur compromis pour relancer la prairie en fin d'hiver.

Apport fractionné : les enjeux en termes de stocks et de richesse protéique sont faibles. Par rapport à une fertilisation précoce, les baisses de rendement sont minimes en ensilage et foin (- 0, 1 t et - 0,4 t) pour + 0,9 % et + 0,5 % de matière azotée totale (MAT). Le coût du passage supplémentaire amoindrit encore son intérêt.

Apport tardif : la carence d'azote au démarrage de la végétation pénalise le rendement fourrager. Le phénomène est plus marqué pour le foin que pour l'ensilage : respectivement - 1,8 t de MS/ha et - 0,65 t. Heureusement, par un phénomène de concentration, la MAT s'en trouve accrue : + 2 et + 1,4 %.

« Entre ses stocks fourragers et le choix de fourrages plus riches en azote pour gagner en autonomie protéique, il revient à l'éleveur d'arbitrer. La solution d'un apport tardif s'envisagera plus facilement s'il n'est pas limité en surface fourragère. De plus, la date d'apport tardif choisie pour le foin est extrême (25 avril). La ramener au 15 avril limitera la baisse de rendement. »

CLAIRE HUE

(1) 2011 est une année médiane (voir infographie ci-dessus). Les 200°C sont atteints dans l'Ouest début février et dans l'Est fin février.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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