
Sorgho, luzerne, ensilage de colza, lupin… Au Gaec de l'Ouchette, dans les Deux- Sèvres, les éleveurs recherchent l'autonomie alimentaire en variant les cultures, malgré des sécheresses estivales souvent marquées.
DANS LA COMMUNE DE MELLERAN, au sud-est des Deux-Sèvres, les étés secs sont la règle et l'irrigation est peu répandue. Avec des sols profonds, elle n'est pas vraiment justifiée et il n'y a pas d'eau disponible. Impossible ici de baser la ration sur le maïs irrigué et le soja.
Impossible aussi de compter sur le pâturage, en dehors du printemps. Il n'y a guère d'alternative à la constitution de stocks importants. Le lait livré est en partie, valorisé en beurre AOC Charente-Poitou, dont le cahier des charges impose d'alimenter les animaux avec 90 % de fourrages produits localement. Et puis, Francis Renaud, éleveur en charge de l'alimentation du troupeau, a le souci de l'agriculture durable, couplé à un certain goût pour l'innovation.
Dans ce contexte, il diversifie ses fourrages et cherche en permanence à étendre ses connaissances pour améliorer son système. L'exploitation produit 800 000 l de lait sur 150 ha, dont la moitié en SFP. Elle fait vivre Francis Renaud, ses deux frères et une conjointe collaboratrice. La production est assurée par un troupeau de 90 holsteins avec un niveau d'étable de 10 000 kg. « Nous recherchons un haut niveau de productivité, sans jamais perdre de vue la rentabilité », précise Francis Renaud.
Le quota étant trop juste pour assurer un revenu suffisant aux associés, ils cherchent à augmenter les produits via les cultures. L'exploitation produit 2,5 ha de tabac et 8 ha de chanvre. Le tabac est exigeant en main-d'oeuvre et consomme beaucoup de phytos. « Les primes vont être supprimées et il n'est pas sûr que cette activité reste rentable », s'inquiète-t-il.
Le marché du chanvre semble plus porteur. L'exploitation a créé une société pour développer cette production avec cinq autres agriculteurs. Les perspectives sont intéressantes.
Pour le reste, les éleveurs produisent des céréales vendues ou autoconsommées.
La moitié de la SFP, soit 35 ha, est occupée par du maïs-ensilage. Les rendements sont aléatoires, allant de 6 à 13 t de MS/ha. La composition est également variable selon les années. La teneur en amidon peut aller de 15 à 35 %.
« UN BINAGE VAUT DEUX ARROSAGES »
L'éleveur ajuste la quantité d'orge aplatie en fonction de la richesse du maïs. L'itinéraire technique vise à limiter les risques liés au manque d'eau. « Un binage vaut deux arrosages », se plaisent à dire les associés. Ils désherbent sur le rang et passent la bineuse dans l'inter-rang. Lorsque les rendements sont faibles, il est difficile d'acheter de l'ensilage dans la région. Dans ce cas, Francis se tourne vers la pulpe de betterave ou les bouchons pour tenir sans trop épuiser les stocks fourragers. Mais il a beaucoup réfléchi pour trouver d'autres sources de fourrages et sécuriser son système.
10 ha sont implantés en sorgho. Cette plante résiste au stress hydrique et s'adapte bien à la région. Elle est plus riche en cellulose que le maïs, et convient aux laitières comme aux génisses. L'an dernier, le rendement s'est élevé à 10 t de MS/ha. La récolte doit se faire à 30 % de MS, ce qui demande une certaine vigilance car l'évolution peut être très rapide en fin de cycle. « On coupe des brins de 3 cm et cela remplace la paille dans la ration. C'est plus riche et aussi bien pour limiter les risques d'acidose. » Le sorgho coûte moins cher que le maïs.
« DU COLZA EN DÉROBÉE »
Les éleveurs sèment aussi 4 ha de luzerne par an. Une première coupe est récoltée en ensilage. Elle permet de nettoyer les parcelles qui ne sont pas désherbées. Les coupes suivantes produisent du foin riche en fibres et en protéines.
Dernière innovation, l'ensilage de colza. Francis a débuté avec 5 ha l'an dernier. Il en a mis 10 cette année. Le colza est semé début août derrière les céréales, après un travail du sol simplifié et un apport de lisier. Cela permet d'installer un couvert végétal à moindre coût. La récolte se fait avant les premières gelées. Un maïs suit. Ce produit impose des précautions lors de la constitution du silo, car il est très humide et ne se tasse pas. Francis a rencontré des éleveurs vendéens qui en faisaient et il a tenu compte de leur expérience. Il place un lit de paille broyée sur une épaisseur d'environ 70 cm afin d'absorber les jus. Il n'a pas utilisé de conservateur.
Il apporte ce fourrage pour enrichir la ration en énergie et en azote, à raison de 2,5 kg de MS/vache/jour. « Je le mets dans la mélangeuse. Le produit reste très humide et doit être incorporé à un mélange d'ingrédients plus secs. Les vaches en raffolent ». Il évalue le rendement autour de 4 t de MS/ha.
Par ailleurs, les éleveurs implantent 10 ha de lupin/an. Les rendements vont de 15 à 30 q/ ha. L'éleveur estime que c'est intéressant à partir de 25 q. Il réfléchit à l'intérêt de réduire le lupin au profit de la luzerne. Les graines sont aplaties et apportées à raison de 0,6 à 1,5 kg/ vache/jour, en fonction des rendements et de l'équilibre de la ration. « Le lupin est riche en acides aminés et les vaches le valorisent bien. »
15 ha de pâture sont accessibles pour les laitières. L'herbe fournit ainsi la moitié de la ration de mi-mars à mi-juin. « On a presque toujours de l'herbe au printemps et les terres portent bien ». Les pâtures sont implantées avec un mélange de RGA, TB et dactyle. Le pâturage reprend en automne, mais la consommation reste limitée et n'est pas prise en compte dans le rationnement. « Je leur laisse l'accès aux prairies tant que la météo le permet, généralement jusqu'à fin octobre. »
Par ailleurs, Francis implante 10 ha de RGI en dérobée derrière les céréales. Cela permet de constituer des stocks en récoltant fin avril, avant de semer du maïs. « En hiver, les vaches consomment un tiers d'ensilage d'herbe pour deux tiers d'ensilage de maïs ».
L'élevage travaille en ration complète avec une mélangeuse. Pour le correcteur azoté, l'éleveur, ancien salarié chez Sanders, est resté fidèle à cette maison. Il utilise un produit contenant des huiles essentielles. « C'est plus cher que du tourteau, mais cela permet aussi de réduire le TB et d'augmenter le volume à produire. » Avec cet aliment, l'élevage est tombé à 40 de TB, contre 41-42 auparavant. Francis est aussi vigilant sur le choix des minéraux pour chaque catégorie d'animaux et travaille avec Velayscop.
« ON INVESTIT DANS LA SÉLECTION »
« J'ai mis au point une ration équilibrée et diversifiée, tout en limitant les risques de manque de stocks liés à la météo », estime Francis. Les vaches ont un niveau de production élevé et sont plutôt en forme. Les frais vétérinaires se limitent à 45 euros par vache, contre 100 euros en moyenne sur les élevages comparables de la région. Il est vrai que l'éleveur maximise la prévention. Les fièvres de lait ont disparu. Les investissements réalisés dans la génétique sont ainsi valorisés. Les associés se passionnent pour la sélection et travaillent avec un groupe de cinq éleveurs avec lesquels ils ont créé la SCEA Flush.
« Nous avons fait de la transplantation et produisons des mâles vendus à Créavia, mais aussi des femelles. »
Les associés apprécient la sécurité sécurité apportée par une plus grande autonomie fourragère. En outre, ils ont réduit la sensibilité de leur système aux fluctuations des cours. Cependant, cette stratégie ne suffit pas à les rassurer « Maîtriser notre coût de production est une chose, mais nous avons aussi besoin d'un prix du lait rémunérateur et de perspectives d'avenir. Or, il est très difficile de voir clair en ce moment. » Les éleveurs ont fait la grève du lait et restent très mobilisés au sein de l'Apli.
PASCALE LE CANN
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