
Le concept d'alimentation dynamique, développé aux Pays-Bas, permet d'apporter quotidiennement la juste dose de concentré à chaque vache. Cela non seulement selon son efficience, mais en intégrant aussi le coût du concentré et le prix du lait.
CINQ CENTS PRODUCTEURS ONT DEJA ADOPTE le concept d'alimentation dynamique développé depuis un an aux Pays-Bas. Pas étonnant dans le nouveau contexte économique laitier européen. Celui de la volatilité des prix du lait comme des intrants, concentrés en tête, qui fait que parfois les derniers litres de lait ne sont pas intéressants à produire.
Or, ce concept permet de distribuer la juste dose de concentrés, celle qui génère vraiment un profit. Pour cela, sont pris en compte la production laitière quotidienne de chaque vache, le prix du lait et celui des concentrés. Ces trois données sont passées à la moulinette d'un programme informatique. Elles déterminent la quantité de concentrés économiquement intéressante à distribuer à chaque vache au quotidien. Le plus de ce concept n'est pas tant de pouvoir ajuster chaque jour la quantité de concentrés distribuée en fonction du lait produit. Encore que ce système le rend facilement accessible. Les robots de traite offrent déjà cette possibilité théorique en comparant la production réelle et une courbe de production préprogrammée. Un éleveur équipé de compteurs à lait, d'une identification individuelle en salle de traite et de Dac est aussi en mesure d'ajuster chaque jour le concentré… ce qu'il ne fait pas, faute de temps. En revanche, l'alimentation dynamique intègre, et c'est là une vraie nouveauté, une notion de coût d'opportunité du concentré en fonction de la réponse de la vache et du prix du lait.
LA QUANTITÉ ÉCONOMIQUE AU QUOTIDIEN
Ce concept de rationnement prend en fait le contre-pied du modèle, qui considère que plus une vache produit de lait, plus elle ingère de fourrage et plus elle nécessite de concentré pour couvrir sa production.
Cela signifie que toutes les vaches au même niveau de performances mangent la même quantité de fourrage et répondent de la même façon au concentré distribué. Or, en pratique, ces vaches au même niveau laitier n'ingèrent pas les mêmes quantités de fourrage et valorisent différemment fourrages et concentrés. « L'alimentation dynamique prend en compte cette réalité, explique Harrie van der Vliet, expert en nutrition chez ForFarmers, fabricant d'aliments. Ce rationnement dynamique est un outil qui permet de distribuer la juste quantité économique de concentrés. Une vache n'en reçoit que si elle le transforme en lait. »
Selon ses dires, de nombreux adeptes de ce concept de rationnement sont étonnés de la quantité de lait que leurs vaches sont effectivement capables de produire avec le seul fourrage, que cela soit de l'herbe pâturée, ensilée ou de l'ensilage d'herbe. « Avec la baisse du prix du lait en 2009, il est devenu évident que beaucoup de vaches avaient besoin de moins de concentrés. »
En pratique, le logiciel compare la réponse laitière aux variations d'apports de concentré dans la ration, par tranche de 0,5 kg. Concrètement, une vache ne reçoit ce 0,5 kg supplémentaire que si le lait produit en plus couvre le coût de ce concentré en plus. Inversement, le logiciel analyse comment réagit la vache qui ne reçoit pas ce 0,5 kg de concentrés. Si cela permet d'économiser plus que la baisse du chiffre d'affaires du rendement laitier, alors la vache aura 0,5 kg de concentré en moins.
UN CONCEPT MIS AU POINT PAR L'UNIVERSITÉ DE WAGENINGEN
« En revanche, tant que les niveaux de production laitière et de matières utiles, les prix du lait et des concentrés, et la quantité de concentré ingéré restent stables, il n'y a pas d'ajustement des concentrés apportés » , note Harrie van der Vliet. Précision. Le logiciel n'intègre pas encore le coût des fourrages. Avec ce concept d'alimentation, le même jour et avec les mêmes conditions économiques, deux vaches peuvent produire la même quantité de lait aux mêmes taux et recevoir des quantités de concentrés différentes. Certes le taux de matière utile influence la quantité de concentrés offerte. Normalement, une vache avec un TB et TP élevés, générant un meilleur prix du lait, se voit attribuer une quantité de concentrés plus importante qu'une vache avec des taux faibles. Mais certaines sont capables de produire plus de lait que d'autres avec le seul fourrage et les effets du concentré peuvent varier entre les animaux.
Ce concept de rationnement dynamique a été développé par l'université de Wageningen, Agrivision, développeur de logiciels se chargeant de l'adapter sur le plan informatique. En 2008, ForFarmers et Agrifirm, deux fabricants d'aliments, l'ont lancé auprès de leurs clients. Aujourd'hui, ce système est proposé par d'autres firmes. Seules conditions pour l'utiliser : disposer de compteurs à lait, d'une identification individuelle des animaux en salle de traite, d'un système de contrôle et de distribution automatique des concentrés, et d'un PC avec une connexion internet. Ces différents éléments doivent être couplés directement ou au moyen d'un programme de gestion sur l'ordinateur central d'Agrodivision. Le dispositif fonctionne via un système d'abonnement à la vache.
Compter 500 euros par an pour 80 vaches laitières.
Chaque soir, l'ordinateur central reçoit de l'élevage les données de production laitière individuelle et les quantités de concentrés allouées non consommées. Connecté à la base de données du contrôle laitier néerlandais, il couple toutes ces données aux derniers résultats de TB et TP enregistrés. Reste à prendre en compte le prix du lait et du concentré pour calculer le point d'équilibre, et transmettre la quantité de concentré à distribuer le lendemain.
L'introduction de ce concept de rationnement demande trois à quatre semaines, pendant lesquelles le système enregistre comment les vaches réagissent aux quantités de concentrés programmées par l'éleveur. Ce n'est qu'ensuite qu'il prend le relais. Cette période, de trente jours en général pour les vaches fraîches vêlées, peut être écourtée ou prolongée. Une ration pauvre en fibres demande, par exemple, une période de calage plus longue. En tout état de cause, sa durée est discutée avec le conseiller en alimentation. « Il est essentiel avec cette méthode de partir sur de bonnes bases de rationnement et de caler les choses. Une vache qui reçoit moins de concentrés, ingère et absorbe moins de minéraux et vitamines. La ration de base doit intégrer ce paramètre » explique Frens Hoeve, d'Agrifirm.
CE SYSTÈME VISE À MAINTENIR LES VACHES EN BONNE SANTÉ
Il n'est pas toujours facile de faire retrouver son niveau de production à une vache qui a chuté en lait. Certains utilisateurs du rationnement dynamique craignaient que cela soit aussi le cas pour celles dont la quantité de concentré était trop réduite. « Ce système vise à maintenir les vaches en bonne santé, rassure Frens Hoeve.
Cela est pris en compte quand on calcule le concentré alloué. Par exemple, si une vache est juste à la limite ou au-dessus du taux de fibres minimum, cela se traduit par une moindre production laitière. Le logiciel qui intègre cette donnée va immédiatement réduire la quantité de concentrés pour ramener la ration à un taux de fibrosité adéquat. » Et de poursuivre : « Le principal avantage du rationnement dynamique est la bonne valorisation du concentré distribué. Ce poste est celui qui pèse le plus économiquement dans le coût de production laitier. On voit clairement avec ce système que les vaches avec le plus haut niveau de production ne sont pas toujours les plus économiques. Si les derniers litres produits ne sont pas payés, inutile de les produire. »
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