
En associant cette légumineuse annuelle à un ray-grass hybride typé « anglais », les éleveurs ont enrichi leur première coupe d'ensilage et gagné presque trois semaines de pâturage supplémentaires au mois de juin.
EN 2012-2013, CÉCILE ET PATRICK COUDERC, ÉLEVEURS dans l'Aveyron, ont tenté une expérience fourragère intéressante en partenariat avec la chambre d'agriculture et RAGT. Leur objectif : allonger la période de pâturage au printemps et tenter de récolter des fourrages plus riches en azote de façon à gagner en autonomie protéique. Pour cela, une prairie temporaire de 5 ha est implantée à l'automne 2012 avec pour mission, de fournir une première coupe d'ensilage, suivie d'un cycle de pâturage sur la fin du printemps. Trois espèces ont été associées pour répondre à ces deux récoltes : le ray-grass hybride (RGH), le trèfle blanc et le trèfle incarnat. Le trèfle incarnat est une légumineuse annuelle qui avait quasiment disparu des assolements fourragers. Elle retrouve ici un intérêt pour muscler le premier cycle d'une prairie. Riche en glucides, le trèfle incarnat s'ensile très bien et permet d'enrichir en azote le fourrage ainsi récolté. Ensuite, il ne repousse pas ou peu, et le trèfle blanc peut prendre le relais. « Pour le ray-grass, je cherchais le "mouton à cinq pattes" capable d'assurer un rendement important en première coupe d'ensilage, d'offrir à la fin du printemps des repousses feuillues et d'assurer une pérennité d'au moins trois ans », explique Patrick Couderc. Son choix s'est porté sur un ray-grass hybride type « anglais », tétraploïde, Kyrial qui, sur le papier, présentait les qualités requises.
UN SEMIS RÉALISÉ AVEC LE SEMOIR À ENGRAIS
La prairie a été implantée le 10 octobre, après que le maïs eut été ensilé, avec un itinéraire très simplifié : un passage de cultivateur, un passage de rouleau, le semis avec l'épandeur d'engrais et un dernier passage avec les rouleaux pour rappuyer le sol. Les doses de semis : 20 kg de ray-grass hybride, 10 kg de trèfle incarnat et 2 kg de trèfle blanc.
« Le ray-grass et le trèfle incarnat ont levé très facilement, mais je n'ai pas vu le trèfle blanc, ni à l'automne ni au printemps. Le semis était vraisemblablement trop tardif pour lui », explique l'éleveur. Au printemps, un comptage estime le trèfle incarnat à 30 % de la population. L'ensilage a lieu le 6 mai, au stade début floraison du trèfle et tout début épiaison du RGH. « Le rendement sur cette première coupe a été évalué à 4,5 t de MS/ha. Avec les conditions météorologiques très particulières du printemps 2013, la repousse a été lente. Mais je n'ai pas mis d'azote. Au total, la prairie n'aura reçu que 200 kg d'ammonitrate début février. » Le 6 juin, Patrick installait le pâturage avec fil avant pour ses 30 vaches laitières. Il a tenu ainsi jusqu'au 21 juin sur 5 ha, sans aucune complémentation azotée, avec seulement 2,6 kg de maïs grain. Ceci pour une production moyenne de 27,8 kg/VL à 6,4 mois de lactation. Coût de la ration : 37,40 €/1 000 l. « Pour moi, le premier objectif a été rempli. Le RGH typé "anglais" a parfaitement joué son rôle avec un apport d'herbe feuillue à la fin du printemps. L'analyse a donné 0,96 UFL et 67 g/kg de PDIE. Bien sûr, le trèfle incarnat avait disparu, et le trèfle blanc censé prendre le relais n'était pas là. Mais d'ordinaire, j'ouvrais le silo d'herbe début juin quand les prairies commencent à épier. Cette année, j'ai gagné presque trois semaines grâce au RGH. »
Avec une sortie au pâturage début avril (nous sommes à 600 m d'altitude), sur des prairies temporaires à base de RGA-trèfle blanc, l'éleveur s'est assuré une période de pâturage exclusif sur presque trois mois sans aucun concentré azoté. « Il a fallu rouvrir le silo de maïs début mai sur une courte période du fait de la météo capricieuse. » Au final, pendant douze semaines, les 30 vaches ont produit en moyenne 27,3 l/jour (8 132 kg/VL) pour un coût alimentaire de 41,80 €/1 000 l, une très bonne performance technico-économique.
Le deuxième objectif de cette association RGH-trèfle incarnat était d'enrichir l'ensilage d'herbe en azote. À la vue de l'analyse, c'est plutôt la déception : 0,83 UFL et 71 g de PDIN. « Étant donné les stades de récolte, j'attendais au moins 0,90 UFL et 90 de PDIN », assure Patrick.
LE RETOUR INATTENDU DU TRÈFLE BLANC
Mais l'analyse d'un fourrage avec autant de trèfle incarnat est-elle fiable ? On sait que les équations ne connaissent pas cette légumineuse. Des doutes confirmés par les performances des vaches, cet été, recevant la ration d'ensilage d'herbe en plat unique : 28 kg de lait avec 1,5 kg de tourteau de soja. « Le niveau d'azote de l'ensilage était sans doute beaucoup plus haut qu'indiqué dans l'analyse, d'autant que les bouses étaient molles et le niveau d'urée dans le lait à 300 mg/l. » Au final, Patrick Couderc s'avoue satisfait de ses choix. La prairie sera conduite à l'identique en 2014 : un ensilage, puis pâturage sur le deuxième cycle, sans le trèfle incarnat bien sûr, mais avec la bonne surprise de retrouver le trèfle blanc. Cette espèce fourragère, décidément bien capricieuse, est réapparue dans la prairie au mois de septembre et occupait avant l'hiver environ 30 % de la végétation, soit la place du trèfle incarnat. En 2015, un pâturage précédera le retournement pour implanter un maïs. « Cette année, j'ai utilisé le trèfle incarnat d'une autre manière, en semant derrière une céréale un mélange associant ray-grass alternatif et trèfle. Le semis a été réalisé début août, sur 4,5 ha, aussitôt après la moisson, là aussi en itinéraire simplifié : un passage de cultivateur, semis au semoir à engrais et rouleaux. J'ai fauché et enrubanné fin octobre pour un rendement évalué à 1 t de MS/ha. C'est un fourrage que j'espère assez riche en protéine pour l'associer au maïs ensilage dans la ration hivernale et gagner peut-être 500 g de correcteur azoté. Au printemps prochain, selon la portance du sol, je ferai une coupe d'ensilage ou d'enrubannage assez précoce avant d'implanter un maïs », explique Patrick.
DOMINIQUE GRÉMY
Ci-contre, la prairie le 7 mai, la veille de l'ensilage.
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« J’ai gagné presque un mois d’IVV grâce aux colliers de détection de chaleur »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?