
Dans la Somme, le miscanthus est distribué aux laitières pour stimuler la rumination, en remplacement de la paille. Cet apport doit néanmoins être limité pour ne pas déconcentrer la ration.
DEPUIS TROIS ANS, NOUS ENREGISTRONS UNE DEMANDE D'ÉLEVEURS LAITIERS intéressés par le miscanthus ensilé pour apporter de la fibre efficace dans la ration », constate Philippe Colin. Ce fils d'éleveur, basé à Hangest (Somme), à l'heure de reprendre l'exploitation familiale, a choisi d'arrêter l'élevage et de dédier l'intégralité de la SAU au miscanthus.« Initialement, mon projet portait sur la production et le séchage de luzerne. C'est en recherchant un combustible pour alimenter l'unité de séchage que j'ai découvert l'intérêt commercial du miscanthus. L'investissement initial est élevé, mais il s'agit d'une culture pérenne plantée pour vingt ans, qui ne requière aucune intervention phytosanitaire ni engrais, à l'exception d'un désherbage l'année d'implantation. »
RÉCOLTÉ EN SORTIE D'HIVER À 15 % D'HUMIDITÉ
Le miscanthus est une graminée à rhizome, dont l'aspect rappelle le roseau. Matière première destinée à alimenter les chaudières individuelles ou industrielles, il est également utilisé dans le bâtiment comme matériaux de construction ou d'isolation, et dans la filière agricole pour le paillage horticole, la litière des volailles et des chevaux et donc, plus récemment, comme complément alimentaire pour les vaches laitières. À ce titre, une centaine d'éleveurs de la Somme s'approvisionneraient auprès de Philippe Colin.
Chaque année, la récolte a lieu entre mars et avril selon deux méthodes : la fauche avec une barre de coupe, puis la mise en bottes pour les filières industrielles ou, dans le cadre d'une utilisation en élevage, une coupe en brins courts avec une ensileuse équipée de becs rotatifs lorsque l'humidité est inférieure à 17 %. « J'utilise une ensileuse maïs classique à bec rotatif, à laquelle je retire un couteau sur deux, comme pour la récolte de l'herbe. En cabine, le réglage de la vitesse d'avancement des rouleaux ameneurs situés devant le rotor permet d'adapter la longueur de coupe entre 8 et 44 mm, ce qui correspond aux attentes des éleveurs laitiers qui recherchent des brins de 22 à 25 mm », explique-t-il.
DES BRINS COURTS, DÉPOUSSIÉRÉS ET STOCKÉS EN BÂTIMENT
À la récolte, le miscanthus est dépoussiéré pour ne conserver que la tige qui, seule, présente un intérêt alimentaire. Philippe a intégré à son ensileuse un caisson muni d'un ventilateur qui aspire les impuretés plus légères, essentiellement les résidus de feuilles, qui sont ensuite repris par une vis sans fin et évacuées vers l'extérieur. Le rendement varie de 12 t et jusqu'à 20 t de matière sèche par hectare en terres profondes. « L'ensileuse permet d'obtenir des brins courts et surtout une coupe nette, essentielle pour stimuler la rumination, à condition que la culture soit dense. Car si elle est trop éclaircie, l'approvisionnement erratique de l'ensileuse rend difficile la régularité des brins. » Le terme de miscanthus ensilé correspond donc à l'utilisation de l'ensileuse et non pas, comme on pourrait le penser, à une conservation par voie humide. Ainsi récolté, il se stocke en vrac sous un hangar. « Le stockage sous bâche doit se faire à un taux d'humidité maximum de 15 % pour éviter les phénomènes de condensation à l'origine de pertes. » Les copeaux nécessitent un volume de stockage important (120 à 130 kg/m3). Compte tenu des volumes dégagés, pour rationaliser le coût du transport, il est indispensable que le site de stockage soit à proximité.
TROP ABRASIF POUR LA MAMELLE
Le miscanthus ensilé est vendu en vrac ou en big-bag de 150 à 350 kg, à un prix rendu ferme de 240 €/t. Dans la ration des laitières, il est incorporé à raison de 400 à 500 g de matière sèche exclusivement pour ses propriétés mécaniques qui induisent la rumination par stimulation des parois du rumen. « Il ne faut pas aller au-delà, car il s'agit d'un produit très ligneux qui se dégrade lentement dans le rumen, prévient Annabelle Guilbert, conseillère à la chambre d'agriculture de la Somme. L'incorporer de façon plus importante aboutirait à déconcentrer la ration et à pénaliser l'ingestion. Mais avec des rations acidogènes, cet apport de fibres a permis de résoudre des problèmes métaboliques en élevage, avec un effet positif sur la production laitière et la remontée du TB. » Le miscanthus présente aussi un intérêt pour les éleveurs qui n'ont pas de paille sur leur exploitation ni de
mélangeuse. « Livré en brins courts, il est facile à mélanger à la ration, souligne la conseillère. Mais je reste mesuré sur l'intérêt d'un produit plus cher que la paille, avec une valeur alimentaire quasi nulle, au-delà de l'effet mécanique. »
Utilisé pour la litière des chevaux et des volailles, le miscanthus ensilé se révèle trop agressif pour la mamelle des vaches laitières. En outre, l'étude menée par Arvalis, à Saint-Hilaire-en-Woëvre, révèle une capacité d'absorption de 1 l/kg de matière sèche, là où la paille de triticale affiche un pouvoir absorbant de 3 l/kg. « Sa réduction en poudre à l'aide d'un broyeur à marteau permettrait d'augmenter considérablement son pouvoir absorbant pour le paillage des logettes, mais ce procédé est énergivore, car le miscanthus est très résistant du fait de sa richesse en lignine », explique Philippe Colin.
JÉRÔME PEZON
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?