
L'étude menée par la chambre d'agriculture de Haute-Marne confirme qu'avec des rations optimisées, la recherche de gains d'efficacité alimentaire ne permet pas de diminuer le coût de la ration.
CINQUANTE MILLE CONTRÔLES INDIVIDUELS, SOIT PAS MOINS DE HUIT CENT TRENTE RATIONS analysées pendant quatre hivers consécutifs (de 2008- 2009 à 2011-2012), ont servi de base à l'étude conduite par la chambre d'agriculture de Haute-Marne, visant à remettre à jour ses recommandations en termes d'efficacité alimentaire, en lien avec le coût de la ration. « Cette étude s'inscrit dans un contexte où la notion d'efficacité alimentaire est régulièrement mise en avant comme un critère de synthèse des performances techniques et économiques des exploitations laitières. Dans le cadre du travail réalisé avec les groupes lait du département, nous avons voulu vérifier la pertinence de ce critère pour comparer les exploitations laitières », précise Julien Homand, conseiller d'élevage spécialiste en alimentation et en reproduction à la chambre d'agriculture.
0,9 À 1,7 KG DE LAIT PAR KILO DE MATIÈRE SÈCHE
Pour rappel, l'efficacité alimentaire traduit la capacité de la vache à transformer les kilos de matière sèche (MS) ingérée en kilos de lait, selon un ratio : kg de lait produit/kg de MS ingérée. « S'assurer que chaque kilo de fourrage ou d'aliment est bien valorisé est un moyen d'optimisation de la marge de l'atelier du lait. Une nécessité d'autant plus prégnante dans un contexte de prix du lait faible et/ou de prix des matières premières élevées. »
L'analyse des résultats collectés par la chambre d'agriculture auprès des adhérents des groupes lait provient de rations hivernales excluant le pâturage, « car il est impossible de mesurer avec précision l'ingestion de matière sèche à l'herbe ». Elle porte donc sur des régimes à base d'ensilage de maïs (plus de 60 % des fourrages consommés), dans des troupeaux prim'holsteins entre quatre et sept mois de gestation. Pour calculer leur niveau d'efficacité alimentaire, l'organisme de conseil s'est fondé sur la production laitière enregistrée au contrôle laitier et ramenée, pour chaque exploitation, en kilos de lait standard (TB 40- TP 31), ceci pour tenir compte des différences de taux de matière utile. L'ingestion a été mesurée grâce à l'analyse systématique du taux de matière sèche des fourrages et à la pesée des quantités distribuées à l'auge et des refus. À partir de ces éléments, l'étude révèle des niveaux d'efficacité alimentaire de 0,9 à 1,7 kg de lait standard/ kg de matière sèche ingérée. Un écart de performances très important qui, cependant, ne permet pas de discriminer les élevages ayant les niveaux les plus bas. « Pour un même niveau d'efficacité alimentaire, le coût de la ration peut varier du simple au double, constate Julien Homand. Autrement dit, les élevages les plus performants en la matière ne sont pas forcément ceux dont le coût alimentaire est le plus bas. En occultant les coûts de production et d'achat des composants de la ration, ce critère a montré ses limites. En effet, nous avons pu établir que la corrélation est de 0,35, c'est-à-dire que le critère d'efficacité alimentaire n'explique que 35 % de la variabilité observée sur le coût de la ration. Par conséquent, ce critère ne suffit pas en l'état à comparer l'efficacité économique des systèmes d'élevage. »
TAUX DE COUVERTURE ET EFFICACITÉ SE PILOTENT CONJOINTEMENT
L'efficacité alimentaire est principalement pilotée par la productivité laitière : plus le troupeau produit, plus elle est élevée. Or, produire plus de lait ne s'accompagne pas automatiquement d'une baisse du coût alimentaire. Celui-ci résulte effectivement de la capacité de l'éleveur à transformer la matière sèche en lait, mais aussi du prix de la matière sèche. À ce titre, l'étude de la chambre d'agriculture révèle que la maîtrise du coût alimentaire est davantage liée à l'optimisation du taux de couverture de la ration. Ce taux exprime tout simplement le rapport entre le lait permis par la ration et celui réellement produit par le troupeau (lait permis/lait produit x 100). Considérant le taux de couverture de 100 % comme une ration idéale optimisée, plus on dépasse ce seuil, plus la ration génère un gaspillage d'aliment. À l'inverse, plus les valeurs sont inférieures, plus elles sont révélatrices d'une situation de sous-alimentation.
« Le taux de couverture de la ration s'est révélé être un critère de comparaison beaucoup plus pertinent qui explique, à lui seul, 53 % de la variabilité observée entre les exploitations sur le coût alimentaire. L'objectif consiste donc à optimiser le taux de couverture de la ration en cohérence avec les objectifs de production de l'éleveur. »
Sur des rations optimisées, c'est-à-dire présentant un taux de couverture entre 98 et 105 %, la recherche d'efficacité alimentaire par une complémentation en concentrés plus élevée ne permet pas de diminuer le coût alimentaire. En revanche, avec une ration bien calée, sans modifier la part de concentré, mettre tout en oeuvre pour favoriser l'efficacité de la digestion dans le rumen améliore la production laitière et donc le niveau d'efficacité alimentaire.
« Dans ce cas, les gains d'efficacité alimentaire s'accompagnent d'une baisse du coût alimentaire dans 84 % des cas », constate Julien Homand.
AGIR SUR L'INGESTION ET LA DIGESTION
L'amélioration de la digestion de la matière sèche ingérée dans le rumen repose sur un ensemble de facteurs liés à la conduite du troupeau : gestion des transitions, maîtrise du risque d'acidose, de la qualité du fourrage, du parasitisme interne, respect des apports d'azote solubles et du bienêtre animal. « À partir de ces éléments, c'est-à-dire sur la base d'un taux de couverture de la ration optimisé, il a été possible d'émettre des repères d'efficacité alimentaire par rapport au lait produit, des repères valables pour des vaches prim'holsteins en régime maïs (voir tableau ci-dessus). Cette approche est utile pour comparer les résultats dans les groupes lait, où deux tiers des rations peuvent encore être optimisées en termes d'efficacité et de taux de couverture. »
JÉRÔME PEZON
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