
Avant de chambouler la correction azotée de la ration hivernale par du tourteau de colza ou des coproduits, mieux vaut faire la « chasse au gaspi » et optimiser l'azote apporté. Ces deux pistes réduisent le coût des concentrés d'au moins 5 à 6 €/1 000 l.
LES COURS DU TOURTEAU DE SOJA BATTENT TOUS LES RECORDS : 550 € la tonne fin septembre livrée à la ferme, 500 € mi-novembre. Face à cette envolée, sacrifier un peu de production laitière en limitant le correcteur azoté pour réduire la facture peut être tentant. Ce serait oublié les autres charges auxquelles fait face l'exploitation, en particulier les charges fixes bâtiments matériels. Du volume de lait produit dépend leur poids dans les résultats économiques. Mieux vaut s'engager vers des optimisations et/ou des substitutions azotées. Et dans ce dernier cas, seulement si leur prix est plus compétitif (ci-contre).
1 ÉVITER LES GASPILLAGES
On peut grappiller quelques euros par mille litres via des mesures simples. En premier lieu, bannir la distribution approximative du correcteur azoté. « Un surplus de 100 g de tourteau de soja par vache et par jour entraîne un surcoût de concentrés de 2,30 €/1 000 l avec un soja à 550 €/t », calcule Charles Maria, d'Orne Conseil Élevage. Peser le seau qui verse le correcteur dans la mélangeuse, et tarer le Dac à chaque livraison de camion contribuent à la « chasse au gaspi ».
2 AJUSTER LE TOURTEAU DE SOJA AU STADE DE LACTATION
Il faut coller aux besoins de la lactation de la vache. C'est la piste la plus intéressante à explorer. Pour y parvenir, il faut s'appuyer sur le rapport PDIE/ UFL. Il traduit la part d'azote par rapport à l'énergie de la ration. En début de lactation, les animaux mobilisent leurs réserves corporelles. Un apport supplémentaire d'azote y est donc envisageable. La ration peut être calée sur un ratio de 105 g durant 60 à 90 jours selon la durée du pic de lactation. En ration complète, c'est possible si les vêlages sont relativement bien groupés. En semi-complète, la ration de base est établie pour 95 à 100 g de PDIE/UFL. Les fraîches vêlées sont complétées individuellement pour atteindre les 105 g. « Une fois le pic de lactation passé, lorsqu'il n'y a plus de mobilisations corporelles, la concentration azotée de la ration peut être réduite à 95-100 g de PDIE/UFL avec, à la clé, moins de tourteau de soja. »
La simulation ci-dessus montre que suivre une telle démarche en ration complète permet, avec un soja à 500 €/t, un gain de près de 10 €/1 000 l pour des prim'holsteins à 9 000 kg. « Pour réduire la consommation de soja, l'éleveur peut choisir d'emblée d'écrêter les pics de lactation en fixant la ration à 100 g de PDIE/UFL. Cette stratégie est intéressante s'il est en avance sur son quota et suivant la politique de pénalités désormais adoptée par la laiterie. »
La mesure du taux d'urée dans le lait permettra de vérifier si l'optimisation azotée escomptée est atteinte. En prim'holstein, elle le sera avec 200 mg/l, avec une fourchette tolérée de 150 à 250 mg/l. « Si ces valeurs ne sont pas respectées, il faudra identifier si elles proviennent d'un excès d'azote soluble ou d'un manque d'énergie dû au maïs 2012 plus pauvre en amidon que l'an dernier, avertit le directeur technique adjoint. Un taux d'urée de 300 g plutôt que 200 g équivaut à 1 kg de soja distribué en trop, soit un surcoût de 20 €/1 000 l. »
3 APPORTER DE L'URÉE, SOUS CERTAINES CONDITIONS
Cette solution est alléchante puisque 100 g d'urée apportent 144 g de PDIN pour 0,08 € (800 €/t d'urée). « Cela équivaut à 440 g de tourteau de soja et 0,24 € (base 550 €/t). Si l'on substitue l'urée au soja, cela représente une économie de 7 €/1 000 l sur une lactation de 305 jours pour des vaches à 8 000 kg. » À condition de veiller à ce que le rumen fonctionne bien. Pour cela, il faut 50 à 60 % d'azote dégradable, dont 50 % d'azote non protéique, au maximum. Cet azote non protéique provient bien sûr de l'urée (pas plus de 150 g/VL/j) mais aussi des fourrages et des concentrés. Ces précautions s'appliquent également aux tourteaux tannés enrichis de 4 à 5 % d'urée. Là aussi, cette solution est séduisante puisqu'avec seulement 10 à 20 €/t en plus dûs au tannage, on augmente les valeurs PDI de l'aliment tanné.
4 DU COLZA AU LIEU DU SOJA : VÉRIFIER SON INTÉRÊT
Le tourteau de colza est réputé pour son prix d'équivalence compétitif. Avec une distribution de 1,6 kg pour 1 kg de tourteau de soja, on considère la substitution intéressante pour un prix inférieur à 70 % de celui du soja 48. Cette équivalence intègre les bénéfices zootechniques : hausse du TP, lait en plus, complémentation en phosphore moindre. Mi-novembre, avec 1 t rendue ferme à 315 € contre 500 € celle du soja, cette alternative présentait un intérêt économique (voir tableau ci-contre). « À condition d'accepter une transition alimentaire entre les deux tourteaux », souligne Charles Maria.
5 DES COPRODUITS, S'ILS SONT BIEN GÉRÉS
Les coproduits sont une autre alternative à la réduction de la part de tourteau de soja dans la ration. Les drèches de brasserie et de blé sont les substitutions azotées les plus avantageuses en termes de richesse protéique. Les premières ont un effet équivalent à un tourteau tanné car peu solubles, leurs protéines sont peu dégradées dans le rumen. Dans les deux cas, en distribuer 6 à 10 kg brut, pas plus, pour ne pas pénaliser l'ingestion totale. Comme le tourteau de colza, avant d'envisager toute introduction, vérifier si leur prix d'achat ne dépasse pas le prix d'intérêt (compter 5 % de pertes dans le prix d'équivalence, voir les deux tableaux). De même, avant d'opter pour cette solution, bien évaluer l'organisation qu'elle exige en termes de stockage et de travail. Pour ces deux produits, on peut confectionner sur une aire bétonnée un silo taupe bien tassé, de 3 à 4 m de large et 1,50 m de haut. Objectif : obtenir un avancement rapide pour éviter les problèmes de conservation. Autre précaution : analyser chaque livraison (matières sèches et valeurs alimentaires) car leur composition peut varier d'une livraison à l'autre. Et attention, les valeurs alimentaires commerciales indiquées sont généralement exprimées à partir de la matière sèche. Il faut faire un calcul de conversion sur la matière brute.
6 ENSILAGE D'HERBE : POUR ÊTRE MOINS DÉPENDANT DU SOJA
Si l'éleveur possède des stocks d'ensilage d'herbe et de bonne qualité, c'est sans doute la substitution partielle idéale. Malheureusement, l'année 2012 n'est pas propice à cette solution. Les conditions pluvieuses du printemps ont retardé la récolte. De plus, en introduire ou en mettre davantage suppose l'avoir anticipé. Or, qui pouvait prédire une telle flambée du prix du soja au printemps dernier ? Elle incite néanmoins à réfléchir à l'autonomie protéique de l'exploitation pour les prochaines années, surtout pour les rations hivernales en 100 % mais-ensilage, plus dépendantes des fluctuations du prix des correcteurs azotés. « Quand la tonne de tourteau de soja passe de 300 à 500 €, leur coût alimentaire augmente de 35 €/1 000 l, évalue Charles Maria. Si l'on introduit un tiers d'ensilage d'herbe dans la ration, on économise 500 g de soja, soit un gain de 3 000 € sur six mois pour 60 vaches. »
CLAIRE HUE
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?