La sous-réalisation chronique de la France en ferait presque un non-événement. Pourtant, le 31 mars 2015, c’est LE symbole de 31 années de régulation laitière en Europe qui tombe. Dans les exploitations, entre l’augmentation de plus d’un tiers des volumes et l’arrêt pur et simple de l’atelier, les stratégies mises en place par les éleveurs sont multiples. Reportages.
31 mars 2015 : une date historique pour toute une filière. Après 31 années de bons et loyaux services, le dispositif des quotas laitiers instauré le 2 avril 1984 est officiellement enterré. L’évolution de la production européenne ces dernières années et la mise en place de contrats laitiers en France en font un quasi non-événement. Mais il n’en demeure pas moins qu'au 1er avril 2015, les vannes de la production peuvent être ouvertes presque sans limite, au gré des ambitions et opportunités de marché des industriels, coopératifs ou privés.
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Dans l'Orne, la famille Degand renonce à l'Aop Camembert pour produire 340.000 litres en plus |
Sur le terrain, il y a autant de stratégies d’adaptation à la libéralisation du marché laitier que d’exploitations laitières. Certains veulent saisir l’opportunité de cette libéralisation de la production pour augmenter leur volume. Les producteurs du Gaec de Villeplée, dans l’Orne , en font partie. Accompagnés par leur laiterie, les éleveurs envisagent de produire 38 % de lait en plus d’ici la campagne 2017-2018.
Philippe Geneau et Jean-Pierre Gabelle , installés dans le Nord, sont encore plus ambitieux. Le contrat qu’ils viennent de signer avec leur laiterie prévoit un quasi-doublement de leur production d’ici trois ans.
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Dans le Nord, Jean-Pierre Gabelle et Philippe Geneau doublent la taille de leur troupeau
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Sur l’ensemble du territoire national, un tiers d’entre eux sont dans cette optique d’augmenter leur production dans les trois ans qui viennent , selon un sondage réalisé en ligne par Web-agri en janvier 2015 auprès de 1.014 éleveurs. 11 % envisagent ainsi de produire au moins 30 % de lait en plus qu’actuellement.
40.000 fermes laitières en 2030
Et si 37 % des producteurs pensent maintenir le cap actuel en fournissant à peu près le même volume de lait à leur laiterie dans les années qui viennent, une minorité, certes non négligeable – 15 % – compte arrêter la production.
André Lefranc et son épouse ont choisi un autre cap : celui de la production biologique et de la transformation d’une partie du lait à la ferme. « Pour rester maître de son produit et en conserver la valeur ajoutée ».
SondageD'ici trois ans, 15 % d'entre vous ne produiront plus de lait ! | ![]() |
Plus globalement, la libéralisation du marché laitier européen pourrait accélérer la restructuration de la production. Selon Christophe Perrot, chercheur à l’Idele-Institut de l’élevage , le nombre de fermes laitières pourrait passer de 75.000 à 40.000 d’ici 2030. Ces dernières produiraient pourtant 15 % de lait en plus qu’en 2014 grâce, notamment, à un niveau d’investissements de modernisation conséquent. L’expert estime que 800 M€ pourraient être investis chaque année.
Ces 40.000 exploitations laitières devront gérer une plus grande volatilité des prix des produits laitiers . En France, cette volatilité reste faible, autour de 10-12 % mais devrait augmenter dans les années qui viennent. « En Nouvelle-Zélande, où le marché est totalement libéralisé, cette volatilité est supérieure à 25 % » , explique Sylvain Mégrier, d’Offre et demande agricole.
![]() | André Lefranc , éleveur dans la Manche : " Je réduis ma production pour en transformer davantage à la ferme "
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Reste à savoir si les éleveurs disposeront, à terme, de « filets de sécurité » pour se prémunir des prochaines crises. Ils sont d’ores-et-déjà liés à leur laiterie par un contrat mentionnant un volume à produire. Mais, dès ses débuts en 2011, la contractualisation n’a pas offert la visibilité espérée. Certains éleveurs aspirent à développer une organisation transversale pour peser davantage dans les négociations. D’autres exigent un audit de cette contractualisation, pour en combler les lacunes.
Des « filets de sécurité » qui se font attendre
En matière de régulation, les marchés à terme pourraient constituer dans quelques années, une possibilité de se prémunir des fluctuations de prix, à l’instar des contrats à terme souscrits par bon nombre de céréaliers. Euronext lance trois contrats à terme sur la poudre de lait écrémée, le beurre et la poudre de lactosérum.
En attendant la question du prix payé aux éleveurs, soumis à la conjoncture mondiale, reste entière. Le spectre d’une nouvelle crise laitière inquiète au-delà même de nos frontières. Même le ministre irlandais de l’Agriculture, Simon Coveney , dont le pays ambitionne de doublier sa production d’ici 2020, appelle l’UE à mettre en place des outils de régulation.
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