
Après avoir subi de plein fouet la crise du lait en 2009, André Lefranc et son épouse, ont troqué la stratégie du « produire plus » contre celle du « valoriser mieux ». Pour rester maîtres de leur production et surtout du prix, ils transforment de plus en plus de lait en caramels, qu’ils vendent à la ferme et en circuit local.
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[Vidéo] André Lefranc : « Nous voulons être paysans et pas simplement producteurs ! »
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Entre la maison d’habitation et les bâtiments, les éleveurs restaurent une vieille grange pour en faire un atelier de transformation ainsi qu’un magasin. 30.000 litres de lait sur les 750.000 l produits chaque année y sont valorisés en « Cara-meuh », du nom de la marque qu’ils ont déposée dès le début du projet.
Produire moins, valoriser mieux
Face à la fin des quotas laitiers et à la libéralisation des marchés, les éleveurs sont, avec ce projet, beaucoup plus sereins qu’ils n’étaient en 2009, lorsque la crise du lait est venue remettre en question la viabilité de l’exploitation. « Quand je me suis installé avec mon père, on produisait 400.000 litres de lait. Avec la reprise de deux exploitations, on a créé une Scl et nous sommes passés de 400.000 à près d’un million de litres de quota. Tout se passait bien jusqu’à l’arrivée de la crise laitière. »
Face à des difficultés économiques, André Lefranc, qui critique de plus en plus « le diktat » des industriels sur les prix, se place en tête de file de l’Apli, l’association des producteurs de lait indépendants, pour exiger une politique de régulation de la filière laitière à l’échelle européenne. Un engagement associatif qui le fait réfléchir sur sa stratégie d’exploitation. « La qualité de notre lait n’est pas suffisamment bien valorisée par les industriels. Alors on a décidé de reprendre en main la valorisation d’une partie de notre production jusqu’à la commercialisation. » Quitte à produire moins. Les producteurs ont passé progressivement leur troupeau de 150 vaches en race normande, et ont converti l’exploitation en bio. La production a alors baissé de 200.000 l. « Nous sommes passés de 25 kg à 16 kg par vache, mais nous avons gagné en productivité par temps homme. »
« Les économies d’échelle sont impossibles en élevage laitier »
Le couple emploie trois salariés à temps complet et dispose d’une surface confortable en bâtiments. « Produire plus prend beaucoup de temps. Or ce temps passé, au regard des charges que cela induit et du prix du lait, n’est pas suffisamment rentable. » L’éleveur estime que les économies d’échelle sont impossibles en exploitation laitière. « Vous pouvez mettre un robot de traite, automatiser l’alimentation ou tout ce que vous voulez, ce sont des investissements trop difficiles à amortir. L’essentiel est d’être performant techniquement. »
Depuis le passage de l’exploitation en production biologique, la quasi-totalité du lait est collectée par Biolait. Les producteurs valorisent en direct à peine 5 % du volume annuel. « Mais nous fixons nous-mêmes nos prix, en fonction de nos coûts de production et de la marge que nous souhaitons réaliser. » Les « cara-meuh » sont certes plus chers que leurs célèbres voisins d’Isigny. « Mais avec des caramels très crémeux contenant beaucoup de lait, nous visons une qualité plus haut de gamme ».
70 % des caramels vendus à la ferme
Attenant au laboratoire, le magasin offre une gamme étendue de produits. Les pots et papillotes de caramels, au calva, beurre salé, chocolat ou noisette, trônent dans une barque normande faisant office de présentoir. « 70 % des caramels sont vendus sur l’exploitation » précisent les éleveurs. Le reste est commercialisé dans deux Gms proches de la ferme, dans quelques épiceries fines de la région.
En quatre ans, les producteurs ont élargi leur gamme de produits et augmenté progressivement le volume transformé. Côté production, ils ont même pensé à pousser leur orientation à l’extrême. Equipés d’une salle de traite deux fois 14 postes, ils pourraient réduire le cheptel de 150 à 28 vaches et transformer l’intégralité du lait produit. Avec une structure d’exploitation adaptée et des investissements lourds qui seront amortis dans les prochaines années, les éleveurs n’excluent pas ce scénario en cas de crise sévère du lait.
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