Coopératives laitières : des éleveurs à la barre

Coopératives laitières : des éleveurs à la barre

Le revenu des producteurs laitiers repose davantage sur le niveau du prix du lait que sur la maîtrise des coûts de production. Dans deux coopératives finlandaise et française, c’est le résultat d’un travail conduit avec les éleveurs sur l’ensemble de la filière de transformation. En Finlande, Porlammi paye les 1.000 l de lait 450 € parce qu’elle fabrique de l’emmental. A la Prospérité fermière dans le Nord-Pas-de-Calais, on expérimente déjà l’après 2015 en recherchant des débouchés rémunérateurs. Un article extrait de Terre-net Magazine n°35.

En Finlande

Même élevé, le prix du lait ne couvre pas les charges

La production d’emmental de la coopérative fromagère Porlammi (cf. encadré ci-contre) se doit d’être à la fois compétitive et rémunératrice auprès de ses 15 adhérents. C’est la condition sine qua non pour préserver cette filière de transformation laitière et pour inciter les éleveurs finlandais à produire du lait. Ces derniers sont en effet confrontés à d’importants handicaps naturels et climatiques, générant des charges plus élevées (0,5 €/l de lait) sur les exploitations finlandaises qu’en France. Insuffisamment couvertes par le prix du lait (450 €/1.000 l), elles sont compensées par des aides de la Pac (570 €/ha en moyenne) et des soutiens nationaux plus importants que dans d’autres pays producteurs de lait de l’Union européenne.

La coopérative Porlammi vend le lait collecté à Arla, deuxième transformateur de Finlande. Produire de l’emmental exige en effet un approvisionnement régulier en différentes catégories de lait (crû, écrémé), ce que les 15 éleveurs adhérents ne sont pas en mesure de faire. Aussi le lait transformé en emmental par la coopérative provient de l’entreprise Valio.

Sans cette organisation, la transformation fromagère serait une activité aléatoire car fortement liée à la saisonnalité de la production laitière. Et sans le lait livré par les 15 éleveurs, d’aussi bonne qualité que celui de l’entreprise Valio, Porlammi ne parviendrait pas à tenir ses engagements auprès des producteurs, à savoir payer le litre de lait 0,45 €.

A l’écoute des ouvriers

En 2012, Porlammi a transformé 1,4 million de litres de lait, sachant que 11.000 l sont nécessaires pour fabriquer une tonne d’emmental vendu au détail 14,13 €/kg (prix de 2013). De la traite à la vente du fromage, le processus de transformation comprend 10 étapes étalées sur 12 mois, avec des missions bien définies pour chacun des employés.

La motivation des salariés et l’ambiance au travail sont déterminantes pour maximiser la productivité. Le directeur de Porlammi, Kari Ollikainen, est toujours à l’écoute de ses ouvriers. Les échanges entre dirigeants et techniciens sont pour lui essentiels. Une fois par mois, il organise même une réunion avec les ouvriers, qui travaillent sur les lignes de production, pour leur faire part des réclamations des clients et résoudre les problèmes rencontrés. Kari Ollikainen veille aussi à la bonne entente entre ses employés. Tous les ans, la coopérative leur offre un voyage de trois jours pour souder le groupe.

Coopérative Porlammi
En 2012, la coopérative
Porlammi a transformé
1,4 million de litres de
lait en emmental,
vendu 14,13 €/kg.
(©Audrey Ribet)

S’adapter au climat

Le prix de collecte du lait paraît élevé au regard de celui pratiqué en France, d’autant qu’il est complété par des aides nationales. Mais en fait, il symbolise le compromis auquel sont parvenus producteurs et transformateurs. En jeu, l’avenir de milliers d’éleveurs et d’emplois dans des régions rurales aux conditions climatiques extrêmes. Mais surtout, il en va de la sécurité alimentaire du pays. Sans ce compromis, et sans les aides Pac, la production de lait serait impossible. 

En Finlande, l’un des états les plus septentrionaux de l'hémisphère nord, l’agriculture et certaines pratiques agricoles ne sont envisageables que sur une partie du territoire. Les terres labourables ne couvrent que 7,5 % environ de la superficie du pays contre 30 % en France. Et les hivers longs et froids réduisent la période végétative des cultures à 140 jours. 

450 €/1.000 l de lait

Ceci dit, les Finlandais sont parvenus au fil des siècles à sélectionner des races d’animaux (Ayrshire, pour les vaches laitières, appelée autrement Rouge scandinave) adaptées au climat et à mettre au point des pratiques d’élevage et de culture appropriées. Au sein des exploitations agricoles, de 85 ha de Sau moyenne, plus de 50 ha sont des forêts exploitées. Les producteurs en tirent des revenus indispensables, complémentaires à ceux du lait et des autres productions. Les agriculteurs finlandais cultivent des céréales (orge, blé, avoine et seigle) sur les terres arables (60 % de la production agricole nationale) et produisent du lait (20 %). Le cheptel moyen des élevages : une trentaine de vaches et leur suite, la plupart de race Ayrshire. Avec des troupeaux de cette taille, on comprend aisément pourquoi les producteurs de lait ne réalisent pas leur quota, qui s’élève en moyenne à 463.000 l/an par exploitation.

Vaches en Finlande
Les éleveurs finlandais tirent de l’exploitation forestière des revenus indispensables, complémentaires à ceux du lait et des autres productions. (©Audrey Ribet)
 

En France

A La Prospérité fermière

Les éleveurs en marche pour l'après 2015

Mickael Poillion
Selon Mickael Poillion, la volatilité
des prix et des charges donne
un avant-goût de ce que sera
la fin des quotas en 2015.
(©JA Mag)
« Depuis 2009, honorer son quota ne garantit plus le revenu des éleveurs laitiers français. Les crises et la volatilité des prix et des charges ont donné, aux producteurs, un avant-goût de ce que sera la fin des quotas en 2015. 

Pour faire face à la prochaine libéralisation de la production, les 1.800 adhérents de la coopérative La Prospérité fermière ont décidé de reprendre leur avenir en main. Pour pérenniser leur exploitation et l’activité économique de leur organisation, ils se sont mobilisés autour d’un nouveau projet coopératif stratégique. 

Dès 2011, plusieurs chantiers ont été lancés. Parmi eux, la construction de nouvelles tours de séchage et la remise en question de l’accompagnement des adhérents. Ces derniers ont aussi recherché de nouveaux contrats s’inscrivant dans une logique de filière, de l’amont à l’aval. Et ils se sont entendus pour que le volume de lait livré soit scindé en deux quotas A et B. Le quota A (environ 380 millions de litres) correspond aux références de chaque éleveur. 

Avec le quota B, les producteurs volontaires peuvent livrer jusqu’à 70.000 l de plus que leur référence, ceci en fonction des contrats que la Prospérité fermière conclut avec de nouveaux clients (15 millions de litres concernés en 2013). 

Un avenir scellé à celui de la coopérative 

Actuellement, le mode de gestion du quota B constitue un champ d’expérimentation pour de petits volumes. L’objectif : améliorer la valorisation du lait et la gouvernance de la coopérative en prévision de la fin des quotas en 2015. 

Pour le quota A, le prix du lait est défini à partir des indicateurs interprofessionnels et des marchés de l’entreprise (le mode de calcul devrait encore évoluer cette année pour satisfaire les adhérents et les clients). En 2013, il a atteint 371,97 €/1.000 l. Pour le quota B, le lait est valorisé selon des opportunités. Inférieur à celui du quota A, son prix est déterminé pour une année. Il doit permettre aux éleveurs d’amortir leurs charges fixes sans investissements supplémentaires. On parle de coût marginal. Afin de se préparer à l’après 2015, les producteurs continuent d’adapter le dispositif. »

Couv Terre-net Magazine 35
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Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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