Le confinement généralisé dans l'Union européenne a mis un coup d’arrêt brutal à la restauration hors domicile (RHD) pendant plus de deux mois et a bousculé les débouchés habituels. Si la part de la RHD dans les dépenses des consommateurs varie fortement selon les pays, elle est relativement importante pour ceux qui ont le plus d’importance sur le marché de la viande bovine.
« Dans un pays comme l'Espagne, presque 50 % des dépenses alimentaires sont réalisées hors domicile, 45 % au Royaume-Uni, 34 % en Italie, 28 % en France , 26 % en Allemagne, et 21 % en Grèce », explique Caroline Monniot. D'autant plus que « ce qui est dépensé par les touristes n'est pas pris en compte, alors que c'est considérable. En Grèce, la moitié de la consommation de viande bovine se fait par les touristes. » La reprise du secteur sera de ce fait un élément déterminant.
Les conséquences de la crise sont considérables, dont cinq principales :
- 1/ Report sur la consommation à domicile
Un report de la consommation hors domicile s’est fait sur la consommation à domicile, donc sur les achats des ménages et sur les ventes des boucheries et des supermarchés. En Italie par exemple, d'après le panel IRi, les ventes de viandes (toutes viandes confondues, y compris volaille) ont progressé de 24 % dans les GMS sur les semaines 8 à 20 (du 17 février au 17 mai) par rapport à l’année précédente. « Ça ne veut pas dire pour autant que la filière se porte bien ».
Autre exemple, celui du Royaume-Uni. Selon le panel Kantar qui mesure les achats des ménages, pour les ventes dans la catégorie « primary beef », qui comprend principalement les découpes de bœuf et la viande hachée pur bœuf, « on est entre 30 et 40 % de hausse par rapport à l'année dernière ». Les « burgers and grills » arrivent de leur côté à une hausse de près de 50 %.
- 2/ Perte de valeur des pièces de l’aloyau
Dans plusieurs États, le report de consommation s’est fait principalement sur la viande hachée. C’est le cas notamment en France, au Royaume-Uni ou encore au Pays-Bas. En moyenne sur les semaines 12 à 19, les ventes de viande hachée fraîche ont progressé de 30 % dans l’Hexagone et celles de viande hachée surgelée, de 51 %. Dans d’autres pays, comme l’Italie, le report s’est fait sur les pièces du globe (Italie).
« Mais les pièces d’aloyau souffrent, puisque l'entrecôte, le filet, le faux-filet, ce sont des pièces qui se consomment essentiellement au restaurant. » Ce report a ainsi bousculé l’équilibre matière dans les abattoirs et perturbé la valorisation des carcasses.
- 3/ Perte de valeur sur les cuirs et sur les abats
Au cours de la crise sanitaire, la valorisation des cuirs et des abats a été également perturbée. « Au Royaume-Uni, le prix du cuir est passé sous la barre des 15 US$/pièce en mai 2020.
- 4/ Renationalisation des marchés
Presque 40 % de la viande bovine abattue au sein de l’Union européenne est échangée entre les pays membres. Une part « considérable », d’autant plus que « la viande importée dans chaque État membre est principalement consommée en restauration », souligne Caroline Monniot. « Avec le report sur les achats des ménages, on assiste à une renationalisation des marchés, ce qui pose problème aux États membres qui sont de gros exportateurs comme la Pologne et l'Irlande ».
Le prix du jeune bovin O polonais s'est considérablement effondré, alors même que 2019 « n'avait pas été terrible ». Plusieurs scandales sanitaires avaient entaché la filière et fait chuter les cours. En 2020, les prix sont encore 11 % sous le niveau de 2019.
- 5/ Ralentissement des abattages
Ce ralentissement a lieu « en particulier dans les pays qui sont de gros exportateurs et qui de ce fait ont perdu des débouchés importants ». En Irlande par exemple, la baisse des abattages tous bovins confondus sur les semaines 13 à 20 atteint 16 % par rapport à 2019. En Allemagne, le recul est similaire : - 17 %. « On ne s’en sort pas si mal finalement en France, parce qu'on est un pays qui consomme de la viande bovine. » D’où une baisse de « seulement » 7 %.
« Mais dans certains pays, l'abattage de vaches a été quasiment arrêté puisque, contrairement à ce qu’on peut connaître en France, c’est une viande qui est consommée principalement dans les fast-foods, dans de nombreux états membres. »