Le Salon de l’agriculture, un je t’aime moi non plus grandeur nature

Salon de l'agriculture
Le Salon de l'agriculture 2025 se déroule sur le parc des expositions de Versailles, du samedi 22 février au dimanche 2 mars. (©Terre-net Média)

Alors que la foule afflue vers le Salon de l’agriculture en quête d’authenticité, les agriculteurs, depuis leurs campagnes, sont de plus en plus sévères envers l’événement. Si la foire de Paris bénéficie toujours d’une image d’Épinal, elle est aussi souvent qualifiée de « déconnectée » par la profession.

Ce samedi 22 février, la plus grande ferme de France ouvre ses portes. Après une édition 2024 pour le moins chaotique : des manifestations avaient retardé de plusieurs heures l’ouverture du hall 1, les organisateurs comptent sur l’événement pour « redonner de l’espoir aux paysans ».

Cette année, les fourches semblent rangées, mais le Salon peine toujours à faire l’unanimité auprès des agriculteurs. D’après un sondage réalisé sur Web-agri, seuls 21 % des répondants y voient « une belle vitrine de notre métier », 5 % considèrent qu’il s’agit d’une « occasion de faire valoir des propositions auprès des politiques », et les 74 % restants le jugent « sans utilité, trop décalé par rapport à la réalité du terrain ». Un paradoxe quand on pense que le Salon de l’agriculture incarne dans les médias généralistes la vitrine par excellence du monde paysan. « Selon moi, ça ne représente absolument pas l’agriculture française. C’est surtout une énorme foire politico-médiatique… » lance la Ferme du Samedy en commentaire. Les résultats sont malgré tout en progression. En 2024, ils étaient 79 % à le considérer comme « hors sol » dans le même sondage Web-agri.

Sur les réseaux, les commentaires des agriculteurs reflètent bien la romance compliquée qu’entretient la profession avec le Salon. D’un côté subsiste une profonde affection pour le terroir et les produits de pays, contrebalancée par d’importantes tensions politiques sur les modèles de production.

Entre peur d’être instrumentalisé, et volonté de se faire entendre

Pour Dominique Buchot, spécialisé dans la génétique bovine, le Salon représente un attendrissement de façade envers une agriculture moins en moins tolérée. « Les agriculteurs, éleveurs et céréaliers sont très beaux et gentils pendant 15 jours mais le reste de l’année, on reproche au coq de chanter dans le village, on ne supporte pas l’odeur du fumier et du lisier pendant les deux ou trois jours d’épandage. Le meuglement des vaches insupporte et l’on porte plainte à tout va ». Nombreux sont les agriculteurs à pointer ce paradoxe, considérant le Salon comme l’étalage d’une ruralité idéalisée. « Le Sia est de plus en plus décalé du monde de l’agriculture de terrain. Exemple frappant : la race Vosgienne, emblème d’un massif et d’une région, ne sera pas représentée, manque de financement invoqué. Par contre, un éleveur de chat à 1 500 € le chaton de la même région sera présent », ajoute Gilles Grosjean, agriculteur retraité.

D’autres regrettent d’être instrumentalisés au profit du folklore. « Pour moi, on se moque tellement de l’agriculture, on dénigre tant les agriculteurs que la meilleure façon de s’exprimer serait de le boycotter. On ne peut pas aller se trémousser à Paris et donner le spectacle avec ce que l’on a de mieux et de plus cher sur nos fermes, et en même temps descendre dans les rues pleurer que la profession est en faillite. Ça n’est pas compatible », lance Paul Cazes, éleveur en Aveyron. Cette impression est même partagée par des exposants. Si Michel Baudot, éleveur de charolaises dans la Nièvre présente Nénuphar, un taureau de 8 ans au Concours général agricole, il ne souhaite en aucun cas être mis en vitrine : « j’expose très souvent pour valoriser mon travail pas pour être instrumentalisé ! »

Un théâtre politique

L’édition 2025 s’annonce toutefois sous le signe de la modération, avec la mise en place d’une charte limitant les délégations politiques. Les officiels, exception faite pour le ministère de l’agriculture, seront priés de ne passer qu’une seule journée sur la plus grande ferme de France. Une manière d’éviter que l’événement se transforme en tribune politique. Mais les éleveurs redoutent malgré tout le double discours des élus : « il faudrait interdire l’entrée aux élus, dont Macron, qui viennent y faire de la com' et des promesses jamais tenues, voire qui votent ou promeuvent parfois des actions suicidaires pour l’agriculture une fois les lumières du Salon éteintes », ajoute Michel Baudot. « Entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, traités de libre-échange, Green Deal… Ce cirque politico-médiatique me fatigue ».

Difficile pour autant de nier l’intérêt politique de l’événement. Chaque année les négociations commerciales entre distributeurs et fournisseurs de l’industrie agroalimentaire se clôturent au 1er mars, une date qui coïncide généralement avec le Sia. Cette grand-messe de l’agriculture reste l’occasion de mettre un coup de projecteur sur la profession, avec des temps forts attendus. Parmi eux, la conférence animée par Karine Le Marchand, réunissant les poids lourds de la grande distribution. L’occasion également d’une première tribune pour les syndicats agricoles après les élections des Chambres d’agriculture.

Un havre de convivialité

L’événement tente malgré tout de s’adresser aux agriculteurs. L’édition 2025 marquera les deux ans du Sia'Pro, un rendez-vous à destination des professionnels qui se tiendra du 23 au 25 février dans l’enceinte du Salon. Le Concours général agricole, créé en 1870, se veut également une démonstration de l’excellence de la génétique française. Pas moins de 1 419 éleveurs vont ainsi prendre part à cette nouvelle édition du concours qui exposera 2 507 animaux sur les dix jours du Sia.

Car bien que décrié, le Salon reste apprécié des agriculteurs pour la reconnaissance et la convivialité qu’il permet. « Il reste une belle vitrine de l’agriculture même si certains n’apprécient pas tout cet étalage », écrit Kevin Lacroix, éleveur de Montbéliardes. Gwenaël Normand, agriculteur breton, abonde dans ce sens « je garde un super souvenir du salon de l’agri ! On peut y trouver autant le stand de la FNSEA que celui de la fédération des éleveurs de Bretonne Pie Noir. C’est la grande fête générale ».

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