Maîtriser les salmonelles en élevage devient possible

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Assainissement. Si elle est associée à des mesures sanitaires bien appliquées, la création d’une immunité par la vaccination et des levures alimentaires fait généralement disparaître les salmonelles de l’élevage en deux ans, montre une étude du GDS de l’Orne et des AOP normandes. Il faut rester vigilant ensuite.

Quand les salmonelles contaminent un élevage, il est compliqué de s’en débarrasser car ces bactéries sont très résistantes dans le milieu extérieur. La contamination est difficile à détecter, les infections étant la plupart du temps asymptomatiques. Les salmonelles se multiplient dans le système digestif et se disséminent dans l’environnement par les excrétions fécales des vaches et des génisses. Et si l’infection est diagnostiquée, l’antibiothérapie se révèle inefficace : à l’arrêt de l’antibiotique, les excrétions bactériennes reprennent. « Un sérotype, Salmonella Typhimurium, est même résistant à quatre antibiotiques, indique Arnaud Delafosse, directeur du groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Orne. Des mesures sanitaires préventives sont donc nécessaires pour empêcher son entrée dans l’exploitation et sa propagation.

Prendre des mesures d’hygiène préventives

Font partie de la panoplie des mesures préventives : la bactériologie à l’achat d’animaux, le nettoyage et si possible la désinfection du matériel partagé, le nettoyage des abreuvoirs une fois par semaine, l’analyse de l’eau consommée, un test PCR à la livraison des aliments qui sont stockés dans des cellules lavées au moins une fois par an, ou encore un tracteur qui ne roule pas sur la table d’alimentation(1). « Ces mesures d’hygiène sont indispensables mais malheureusement, à elles seules, insuffisantes pour lutter efficacement contre les salmonelles », observe Arnaud Delafosse. Dans le département de l’Orne, les prélèvements faits en 2017 dans 45 élevages choisis de façon aléa­toire révèlent la présence de salmonelles dans 57 % d’entre eux. Salmonella Montevideo est la souche très majoritaire. Le département est également le bastion de l’AOP camembert de Normandie au lait cru. L’absence de traitement thermique exige une grande maîtrise sanitaire qui peut aboutir à l’écartement du lait cru ou de fromages, un véritable préjudice pour les éleveurs et les fromageries. Consciente qu’elle n’est pas à l’abri de cas de salmonelloses liées à la consommation de ses fromages, à l’instar, par exemple, du morbier en 2020, la filière AOP normande teste, avec le GDS de l’Orne, des protocoles de lutte.

Assainir en deux ans, c’est possible

Le suivi entre 2018 et 2020 de 16 élevages en AOP infectés montre qu’il est possible d’assainir le troupeau en deux ans. La moitié a réussi. « Cela demande d’appliquer rigoureusement le protocole qui est relativement contraignant, pointe Arnaud Delafosse. Dans tous les cas, sans les mesures d’hygiène, la situation ne s’améliorera pas. » Il faut en outre continuer à surveiller la charge bactérienne car l’assainisement total n’est pas garanti. En s’appuyant sur les résultats encourageants d’une première expérimentation dans 30 élevages en 2016 (voir l’encadré ci-contre), l’étude combine le vaccin Salmoplast – seul anti-salmonelles sur le marché – et l’adjonction de levures dans la ration. Elle commence la vaccination sur les génisses âgées d’au moins 3 mois (contre 12 mois et plus lors de la première étude). Un rappel est fait tous les six mois. « L’objectif est une hyperimmunisation », dit Arnaud Delafosse.

Les levures la renforcent avec une distribution soit en continu, soit quinze jours avant et après l’injection (voir l’encadré page 61).

Associer vaccination et levures est bénéfique

« L’association de la vaccination et des levures a un effet bénéfique dans tous les cas. De plus, on ne constate pas de différence d’efficacité entre les deux distributions de levures. » Et le directeur du GDS de l’Orne d’ajouter : « Dans les élevages assainis partiellement en deux ans, la difficulté à respecter durablement le protocole n’est pas la seule explication. La rapidité de l’assainissement dépend aussi du niveau d’excrétion du sérotype. » L’excrétion de S. Ohio est en effet plus élevée que celle de S. Mbandaka. Celle de S. Montevideo est intermédiaire. « Logiquement, si la contamination de l’élevage est plus importante, son assainissement sera plus lent. » Évidemment, cette lutte a un prix. Pour deux injections et les levures toute l’année, le coût brut est estimé à 70 € par animal (génisse, vache) et par an. Il s’abaisse à 39 € avec les levures quinze jours avant et après les deux injections. En contrepartie, il sera absorbé par des vaches en meilleure santé, qui n’avortent plus ou moins, et dont la performance laitière sera probablement améliorée. Les producteurs normands en AOP, eux, sécuriseront leur prime sanitaire lait cru. Ces incidences positives n’ont toutefois pas été évaluées durant les deux ans de suivi.

Les conseils du GDS de l’Orne pour mener à bien la lutte

Face à ces deux protocoles exigeants et relativement coûteux, le GDS de l’Orne propose des mesures moins contraignantes, plus faciles à tenir dans le temps par les éleveurs. « La disparition des salmonelles de l’élevage sera aussi plus lente. »

Commencer par les mesures sanitaires. Répétons-le, sans les mesures préventives décrites ci-avant, le recours à la vaccination et aux levures ne donnera pas les résultats espérés.

Vacciner au moins une fois par an. La vaccination se fait dès 3 mois pour stimuler les défenses immunitaires de la génisse et au moins une fois par an sur toutes les génisses et les vaches. La seule vaccination des vaches est insuffisante. Le GDS 61 recommande de faire l’injection en février qui, après plusieurs mois de bâtiment, est la période la plus à risque de contamination. L’idéal est de faire un rappel à la fin août (ou à l’automne pour les génisses), avant le retour dans le bâtiment. Les deux injections espacées de six mois fabriquent une « hyperimmunité ».

Mettre des levures dans la ration. Il faut les associer à une vaccination. Seules, elles ne sont pas assez efficaces contre les salmonelles. La distribution toute l’année à tous les animaux facilite l’organisation, mais est plus chère. Attention : les probiotiques sont interdits dans certains cahiers des charges, dont celui des AOP fromagères normandes.

Maintenir une surveillance. La charge bactérienne très faible à nulle mesurée par des prélèvements d’environnement est l’indicateur d’assainissement total. Une fois atteint, il faut continuer la surveillance par de nouveaux prélèvements tous les deux mois dans un premier temps. S’ils sont rassurants, ils peuvent être réalisés tous les six mois, puis tous les ans.

L’autovaccin prometteur

La vaccination à partir d’un autovaccin est l’autre volet de l’étude. Depuis 2017, la réglementation autorise en effet sa fabrication à partir de prélèvements dans l’élevage concerné, pour une efficacité espérée plus grande. En l’absence d’autorisation de mise sur le marché, le vétérinaire doit délivrer une ordonnance. Il faut ensuite attendre de un à deux mois pour recevoir le produit (environ 10 € l’injection faite par le vétérinaire). « Les résultats obtenus dans les deux élevages suivis durant deux ans sont encourageants mais nécessitent d’être approfondis. » Les génisses ont été vaccinées à partir de 12 mois. Par manque de recul sur d’éventuels effets indésirables, il a été décidé de ne pas vacciner les femelles plus jeunes.

Claire Hue

(1) À lire l’article sur le sujet dans notre numéro d’avril 2020 ou sur le site eleveur-laitier.fr : « Des pistes sérieuses pour maîtriser les salmonelles ».

© C. Hue - Contamination par les roues. Chez Nadège et Yves Boisgontier (reportage pages suivantes), ce téléscopique n’a plus qu’une seule fonction : pousser le fumier au fond de la fumière. Cela évite de disséminer, par les roues, les salmonelles excrétées dans les bouses.C. Hue

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