
APRÈS AVOIR ENVISAGÉ DE POURSUIVRE LA DIVERSIFICATION DE SES ACTIVITÉS, LE GAEC LES TREIZE FONTAINES A FINALEMENT OPTÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT DE SON ATELIER LAIT.
ALORS QUE PIERRE JAY, ENCORE TRÈS ACTIF SUR L'EXPLOITATION MALGRÉ SES 80 ANS, avait débuté sa carrière avec 4 vaches et 2 génisses sur 7 ha, Aurélien Jay et Damien Chevalier s'apprêtent à s'installer dans un contexte très différent. Avec 200 ha, dont 25 ha de noyers et 103 ha de culture, le Gaec Les Treize fontaines, à Brézins (Isère), gère un troupeau laitier dont l'effectif pourrait passer de 65 à 105 vaches d'ici à quatre ans. Depuis 2008, la traite se fait au robot. Sur cette exploitation où les agriculteurs ont toujours été à l'affût de l'innovation (stabulation libre avec libre-service et salle de traite en 1979, premier robot du département en 2008, matériel de grande largeur depuis très longtemps), une réflexion a été lancée il y a deux ans : comment faire pour sortir du revenu supplémentaire ?
« NOUS ORGANISONS AU MIEUX L'ARRIVÉE DE DAMIEN ET AURÉLIEN »
Audrey, la jeune femme de Nicolas Perrin, associé depuis 2002 avec Noël Jay, a choisi de travailler à mi-temps sur l'exploitation en développant un projet de ferme pédagogique. Il s'agit aujourd'hui d'organiser au mieux l'intégration de Damien, HCF et salarié depuis 2007, et d'Aurélien, cousin de Nicolas et ancien apprenti Bac pro/CCTAR. Connaissant très bien le Gaec pour le fréquenter depuis longtemps (voir encadré page suivante), tous deux viennent d'entamer leur parcours vers l'installation. Ils espèrent aboutir cette fin d'année. Leur arrivée peut-elle s'organiser avec le départ à la retraite progressive de Noël (56 ans), associé de Nicolas ? Quel est le meilleur système : aller plus loin dans la diversification ou développer l'atelier lait ? Et dans quelle filière (lait industriel ou IGP saint-marcellin) ? Après réflexion, le développement de l'atelier lait est apparu comme incontournable.
À Brézins, la pression foncière locale rend toute perspective d'agrandissement illusoire, du moins à court terme. L'accroissement des surfaces en cultures de vente n'est pas possible, toutes les terres labourables sont déjà labourées.
Les activités de diversification déjà engagées (production de noix, fontaines à lait, ferme pédagogique) ne semblent pas suffisantes pour dégager suffisamment de revenu supplémentaire. La méthanisation, un temps envisagée, a finalement été considérée comme lourde à mener pour une exploitation individuelle. Elle nécessiterait un investissement en capital très élevé. La transformation d'une partie des noix à la ferme s'avère gourmande en temps et en main-d'oeuvre.
Pour autant, le choix du lait n'a pas été simple. « La laiterie du Dauphiné (Lactalis), qui collectait l'exploitation jusqu'à fin mars, ne nous encourageait pas à produire plus et ne nous donnait aucune perspective d'avenir, déplore Nicolas. Elle ne nous motivait pas à nous impliquer dans la nouvelle filière IGP saint-marcellin. Elle nous accordait juste les 160 000 l de lait réglementaires pour les installations de Damien et d'Aurélien. » L'occasion de changer de laiterie dans le cadre d'une démarche collective a ouvert de nouvelles perspectives. En regroupant le lait de six exploitations du secteur, une tournée a pu être organisée par la laiterie du Chatelard (groupe haut-savoyard Verdannet) depuis le 1er avril dernier. « Productrice de tome, cette petite laiterie locale a investi dans son outil de production et manque de lait, explique Nicolas. Lactalis nous a laissés partir sans problème. Ça les arrangeait. Ils ont dit avoir trop de lait. »
« LE BÂTIMENT EST PEU ÉVOLUTIF EN VUE D'UN GROS TROUPEAU »
Au Gaec de Brézins, l'attention se tourne vers la mise en place du nouveau projet. Alors que le Gaec devrait pouvoir compter sur 160 000 l de quotas supplémentaires liés à l'installation de Damien et d'Aurélien (voir encadré ci-contre), la priorité est d'agrandir la stabulation libre paillée. Celle-ci avait été autoconstruite en 2008 à l'extérieur du village et au milieu des pâtures. Dans un premier temps, il s'agit de loger 90 à 105 laitières avec les taries et les vaches en préparation de vêlage. La tâche n'est pas si simple. Bien conçu pour 60 vaches et un robot, le bâtiment se révèle en fait peu évolutif dans la perspective d'un gros troupeau. La position du bloc de traite (robot et laiterie) au milieu du bâtiment, avec d'un côté les vaches en lactation, de l'autre la nursery, les taries et le box de vêlage, constitue un handicap quand il s'agit de doubler le troupeau. « L'idéal serait de l'agrandir d'un seul côté », note Jean-Philippe Goron, de la chambre d'agriculture de l'Isère. Mais avec un chemin communal au nord-est de la stabulation, les éleveurs sont coincés. Il semble difficile d'aller au-delà de deux travées supplémentaires. Sur l'autre pignon, la présence de la fumière et surtout celle de la fosse circulaire (toutes eaux) limitent les possibilités d'extension à deux travées.
« NOUS POSSÉDONS 15 HA DE PÂTURES PRÈS DU BÂTIMENT »
Utiliser la partie dédiée aux taries et aux vêlages pour le couchage des laitières reviendrait à conduire le troupeau en deux lots. Comment positionner alors les deux robots ?
Cette hypothèse semble difficilement conciliable avec le maintien du pâturage auquel les éleveurs tiennent absolument. Ils veulent continuer à sortir leurs vaches et à valoriser le parcellaire existant autour du bâtiment (15 ha avec quatre parcelles aménagées en camembert). Une solution serait de créer un nouvel accès aux pâtures, perpendiculaire à l'aire de couchage des vaches, mais croiser les passages d'animaux avec la distribution des fourrages n'est pas recommandé. L'achat d'un robot de distribution de l'alimentation sur rail permettrait de contourner cette difficulté. Malgré son coût (180 000 €), cette hypothèse n'est pas écartée.
Avec la construction de deux travées supplémentaires pour les vaches laitières et la récupération du couloir de paillage actuel, 670 m2 d'aire paillée globale pourraient être disponibles en tenant compte du fait qu'une partie du gain de surface est absorbée par l'installation du second robot et l'aménagement de la nouvelle aire d'attente des deux stalles (250 m3 sur fosse caillebotis). Ces 670 m2 d'aire paillée conviendraient pour une centaine de laitières. C'est un peu juste, mais ça correspond à la surface actuelle disponible par vache.
« LA CONSTRUCTION DU BÂTIMENT DES GÉNISSES A ÉTÉ REPORTÉE »
« Dans ce Gaec, les éleveurs sont habitués à gérer des aires paillées serrées, note Jean-Philippe Goron. Le lait à cellules est écarté et donné aux veaux (Dal). En hiver, l'aire paillée est curée toutes les trois semaines. »
Au-dessus de 100 vaches, rester en aire paillée deviendra difficile. Le passage en logettes s'imposera. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel Aurélien a travaillé dans le cadre de son mémoire d'apprentissage. Si le troupeau devait continuer à se développer au-delà de 2017, une nouvelle réflexion s'imposerait alors. Outre la prolongation du racleur automatique, des investissements en silos et stockage de fourrage seraient également nécessaires.
La laiterie et le tank, déjà dimensionnés pour 100 vaches, ainsi que la capacité du bol mélangeur renouvelé l'an passé (18 m3) permettent de franchir la première étape du développement du troupeau. La construction d'un bâtiment pour les génisses près de la stabulation des vaches a été étudiée puis reportée. La priorité est d'agrandir l'outil de production des laitières.
Pour le moment, les génisses continueront à être élevées dans l'ancien site enclavé, dans le hameau, à 1 km en contrebas. C'est là qu'avait été construite, en 1979, la première stabulation paillée avec silo en libre-service. C'est là aussi que se situait le séchoir à tabac, utilisé désormais pour l'élevage des jeunes, qu'étaient logés les taurillons aujourd'hui arrêtés et que sont abrités les tracteurs et les engrais.
Impensable avec seulement quelques vaches supplémentaires, l'installation du second robot se justifiera avec l'augmentation du troupeau. Avec une aire d'attente trop juste et en coin, la première stalle peu visible est saturée. En produisant rapidement 160 000 ou 200 000 l de lait supplémentaires grâce aux aménagements prévus sur le bâtiment, les éleveurs peuvent commencer à amortir les frais générés par l'installation de la seconde stalle (170 000 € tout compris) et l'extension de la stabulation en autoconstruction (60 000 € en achat de fournitures).
« L'investissement correspond à une annuité de 24 000 €, ce qui paraît raisonnable alors que les annuités MLT se réduiront d'ici à 2014 de 43 000 € », note Jean-Philippe Goron. Le second robot permettra de mieux valoriser le pâturage, en réduisant le gaspillage d'herbe au printemps. « En début de saison, les vaches peuvent sortir entre 8 h et 18 h dès qu'elles sont traites, précise Nicolas. L'été, alors que la pousse de l'herbe est généralement très ralentie, elles préfèrent passer la journée dans le bâtiment. Les silos d'herbe et de maïs ne sont jamais fermés. »
« LA TRAITE ROBOTISÉE, UN VRAI CONFORT DE TRAVAIL »
Dans le cadre du projet d'augmentation du troupeau, la ration est amenée à évoluer. La quantité de maïs (10 kg/ VL/j cet hiver), limitée pour respecter le cahier des charges de l'IGP saint-marcellin, pourrait monter à 30-35 kg l'hiver et 20-25 kg l'été. Ce n'est pas pour déplaire aux éleveurs qui craignent l'ensilage d'herbe. « En aire paillée et avec de l'ensilage d'herbe, faire un lait de qualité irréprochable sans butyrique est difficile. Et pourtant, nous essayons de travailler comme il faut en passant la herse émousseuse pour aplanir les taupinières et en incorporant un conservateur dans l'ensilage. En maïs, en revanche, nous avons de bons rendements, 100 q/ha dans les bonnes terres en non-irrigué », dit Nicolas.
Dans le cadre de leur réflexion, l'idée de substituer au robot une salle de traite rotative n'a fait que les effleurer. « Maintenant qu'on a goûté au robot, pas question de revenir en arrière, souligne Nicolas. Malgré son coût de fonctionnement plus élevé, la traite robotisée apporte un vrai confort de travail. L'une de nos priorités porte sur les conditions de travail. Celles-ci se sont déjà bien améliorées avec la présence de Damien et Aurélien sur l'exploitation. Quand Noël et moi étions seuls, nous travaillions 365 jours par an. Avec le robot, nous essayons de finir nos journées à 19 heures C'est appréciable alors que nous sommes entourés de personnes qui finissent à 17 heures. »
ANNE BRÉHIER
(1) Auquel pourraient s'ajouter 40 000 l liés aux investissements envisagés.
Le bâtiment autoconstruit à proximité des pâtures va être agrandi dans le cadre du développement de l'atelier lait.
Encore très actif sur l'exploitation malgré ses 80 ans, Pierre s'occupe de la culture des noyers (25 ha dont 18 ha en production).
La fontaine à lait avec Audrey Les deux distributeurs de lait, installés en 2010 et en 2011, n'ont pas donné les résultats escomptés. Le volume moyen vendu par jour plafonne à 40 l.
Le robot est saturé Installé en coin et doté d'une aire d'attente trop juste, le robot est saturé. En développant l'atelier lait, les éleveurs vont pouvoir investir dans une
seconde stalle. Aurélien veille depuis le bureau.
Les veaux de lait sont nourris avec les excédents des fontaines à lait. Le projet d'extension de la stabulation va permettre d'agrandir la nursery située à proximité et d'en améliorer l'ambiance.
À 1 km de la stabulation, l'ancien site de l'exploitation abrite aujourd'hui les génisses, l'atelier des taurillons et une partie du matériel. Ici, Noël Jay (56 ans), associé à Nicolas Perrin depuis 2002, prépare sa retraite tranquillement.
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