
La race a failli disparaître mais la mise en place d’un programme de conservation l’a sauvée. Aujourd’hui, elle renaît en Bretagne et les élèves du lycée agricole de Ploërmel découvrent, à travers elle, un mode de production très extensif.
Née au cœur de la Bretagne, la race armoricaine a longtemps été considérée comme une vache mixte. Le livre généalogique de la race a été créé en 1919. 360 000 vaches armoricaines sont recensées en Bretagne en 1934. Dans les années soixante, elle se rapproche de la maine-anjou dans le cadre d’un projet de création d’une grande race rouge de l’Ouest, qui a finalement échoué. Petit à petit, l’intérêt des éleveurs pour cette race décroît et elle a failli disparaître. En 1978, elle est identifiée dans le répertoire des races menacées et un programme de conservation est mis en place dans la foulée. En 1981, seulement 47 vaches sont inscrites au registre de la race. Mais, progressivement, une dynamique se crée notamment grâce à ce programme de conservation.
Les premières armoricaines sont arrivées au lycée agricole La Touche, à Ploërmel (Morbihan), en 2018. Elles étaient quatre. Depuis, le troupeau est passé à 13 vaches et la suite. La ferme du lycée avait déjà participé à des programmes de sauvegarde, notamment pour la poule coucou de Rennes. De plus, différentes races allaitantes y ont trouvé leur place, telles la limousine ou la salers, aux côtés des ateliers plus classiques de production de lait, de porcs ou de volaille. La ferme du lycée ne possède pas d’atelier de production en bio, mais la conduite du troupeau armoricain en est très proche.
Ne pas imposer un modèle aux élèves
« Nous ne cherchons pas à imposer un modèle de production à nos élèves, précise Sébastien Mary, directeur des études et de la communication du lycée. Au contraire, nous souhaitons les ouvrir sur des activités qu’ils ne voient pas chez eux. » Avec un troupeau armoricain, ils découvrent concrètement l’intérêt de la biodiversité. Ils appréhendent aussi la notion de réservoirs de gènes. Aujourd’hui, l’exploitation héberge un troupeau d’une quinzaine d’aubracs en plus des armoricaines. Elles sont conduites en système de type naisseur, avec des vêlages d’automne. Les broutards sont vendus en juillet, quand l’herbe commence à manquer.
Valoriser les landes de Brocéliande
Ces deux troupeaux allaitants trouvent leur utilité au sein d’un programme de diversification vers une recherche d’intégration au territoire local. « La ferme dispose de 270 ha, dont une trentaine en landes de Brocéliande, à proximité d’une forêt, raconte Christophe Lebret, responsable de l’exploitation du lycée La Touche. Nous voulions trouver des animaux capables de valoriser ces parcelles difficiles. »
L’armoricaine se caractérise par sa rusticité et sa docilité. D’un poids moyen de 650 à 700 kg, sa hauteur au garrot se situe entre 130 et 140 cm. Elle présente une robe acajou avec des muqueuses claires et le bout de la queue blanc. Les cornes sont en croissant vers l’avant. Facile à conduire, elle vêle toute seule et peut être élevée en plein air toute l’année. Parce qu’elle a aussi été utilisée en production laitière, elle a peu été sélectionnée sur ses qualités bouchères. « Il faut être patient avec elle. Elle est tardive, faite pour un régime rustique », poursuit Christophe Lebret. Conduite de manière extensive, elle produit une viande savoureuse car très persillée. Avec des rations trop riches, elle a tendance à engraisser rapidement.
Éviter la consanguinité
Le programme de sauvegarde a porté ses fruits et près de mille vaches armoricaines sont aujourd’hui recensées chez plus de 130 éleveurs en Bretagne. Néanmoins, l’Institut de l’élevage (Idele) fournit toujours un service d’aide au choix de reproducteurs pour éviter la consanguinité. À La Touche, la reproduction se fait à la fois par monte naturelle et par insémination artificielle. En effet, les paillettes sont peu disponibles et sont réservées aux génisses. L’Idele est consulté avant l’achat d’un taureau de monte.
L’alimentation repose sur l’herbe. Les animaux pâturent des prairies naturelles et la lande. Les génisses sont conduites pour vêler à 3 ans, avec des vêlages groupés sur trois mois en début d’année. La période de naissance est donc synchronisée avec la pousse de l’herbe. En hiver, la ration repose sur du foin. Seuls les bœufs reçoivent un peu d’aliment pendant la période de finition. « Le travail lié à ces animaux se limite à de la surveillance », constate Christophe Lebret.
Toutes les génisses sont conservées dans une optique de croissance de l’effectif. Les mâles sont conduits en bœufs et abattus à 3 ans à un poids vif d’environ 700 kg.
Vente directe au lycée
Il n’existe pas de circuit de commercialisation propre à la viande armoricaine. Elle est alors vendue sur un point de vente installé au lycée. Il s’agit d’une autre activité pédagogique intéressante pour les élèves. Ils découvrent la logique de l’élevage extensif d’une petite race associé à la vente directe. Ce sont des élèves de la filière vente qui se chargent de la mise en rayon et sont présents quand le magasin est ouvert. Celui-ci a été créé au départ pour vendre du cochon issu de la ferme du lycée. Depuis, la gamme s’est diversifiée et le magasin se développe.
Lorsqu’une bête est abattue, l’annonce est faite sur le site Internet du lycée. Cela suffit à faire venir les clients, souvent des parents d’élèves, mais pas uniquement. La viande s’écoule toujours très rapidement. « Dans l’idéal, il nous faudrait un bœuf tous les deux mois. C’est un peu juste avec 13 vaches, d’où notre volonté d’augmenter l’effectif. »
Relancer un rameau laitier ?
Le lycée réalise du contrôle de croissance sur ces animaux. Maintenant que la race est sauvée, il s’agit de professionnaliser son élevage pour la développer. Il est donc nécessaire d’élaborer des critères techniques.
Par ailleurs, un rameau laitier pourrait être de nouveau développé, la race armoricaine étant d’ailleurs reconnue dans le cahier des charges du gwell, un lait fermenté typiquement breton pour lequel une demande de reconnaissance d’AOP est en cours.
Le lycée s’investit aussi dans la promotion de la race à travers des présentations, toujours en impliquant des élèves. Il a ainsi participé à la foire de Rennes (Ille-et-Vilaine) en 2024 et à Ohhh la vache à Pontivy, dans le Morbihan, en 2025.

Depuis plusieurs années, un groupe d’élèves participe au TIEA dans le cadre du Salon international de l'agriculture à Paris avec une vache armoricaine. « L’équipe comprend des élèves de tous les niveaux, du CAP au BTS », précise Sébastien Mary. Ceux qui sont intéressés doivent postuler et rédiger une lettre de motivation. Le groupe se met au travail dès la rentrée de septembre pour chercher des sponsors et financer leur déplacement. Ils conçoivent une vidéo et s’entraînent à défiler avec la vache choisie.
Cette année, les élèves ont été très heureux de recevoir leur troisième prix de section. Surtout, ils ont vécu ensemble des moments inoubliables. Ils ont découvert que la race, peu connue, intrigue les spectateurs. Pour en parler, ils ont surfé sur l’image de leur région en lien avec l’association Races de Bretagne.
La presse locale a relaté l’événement et cela a intéressé les habitants d’une résidence pour seniors à Ploërmel. Ils ont souhaité que les jeunes leur rendent visite avec leur vache. « Nous saisissons toutes opportunités qui se présentent autour de la race et les élèves sont enthousiastes », conclut Sébastien Mary.
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