
La froment du Léon, race locale bretonne, a failli disparaître. Grâce à son patrimoine génétique unique, elle a retrouvé aujourd’hui sa place, notamment dans la production de produits laitiers de grande qualité.
«Originaire du nord de la Bretagne, la froment du Léon a connu une résurgence ces dernières années. Après avoir frôlé l’extinction dans les années 1980 avec une quarantaine d’individus, ses effectifs ont progressivement augmenté pour atteindre 841 femelles en 2024 (dont 559 de plus de 2 ans), réparties chez 164 éleveurs (66 d’entre eux n’ayant qu’une seule vache) », révèle Flavie Bouvet, technicienne au département génétique de l’Institut de l’élevage (Idele). Une croissance qui témoigne de l’engagement continu des éleveurs et des organismes dédiés à sa préservation. Ainsi, en 2025, on dénombrait 167 femelles alors qu’il y en avait seulement 123 en 1995.
C’est « la vache à Madame »
Élégante et petite, avec une robe froment claire ou foncée, parfois agrémentée de taches blanches, la froment du Léon affiche 1,40 mètre au garrot pour 500 kg – 800 kg pour les mâles. Sa tête, longue et fine, porte des yeux à fleur de tête. Les cornes, fines et courtes, blanches à la base et noires à la pointe, pointent en croissant relevé. Son modeste rendement laitier – de 3 000 à 3 500 litres par an – est contrebalancé par une qualité de lait exceptionnelle, idéale pour la transformation en produits laitiers haut de gamme. « En raison de faibles effectifs, les données de performances en lait et viande sont limitées, reconnaît Flavie Bouvet. Cependant, deux programmes organisés avec les acteurs des races locales sont en cours pour objectiver les performances de la froment du Léon (comme d’autres races locales). » Les résultats sont attendus pour 2027. « Néanmoins, une étude menée en partenariat avec l’Inrae en 2017-2020 a révélé la composition fine du lait de froment du Léon : très riche en TB, bêtacarotène et minéraux, et un bon TP », précise Maxime Bergonso, coordinateur de Races de Bretagne.
La froment du Léon ne résulte pas d’un croisement moderne, mais d’une évolution progressive au sein d’un terroir spécifique, la Bretagne Nord. « Historiquement surnommée “la vache à Madame”, elle était souvent la compagne des femmes de marins, attachée au piquet ou broutant les vaines pâtures. Dociles, valorisant bien les fourrages grossiers et appréciée pour la qualité de son beurre, on la retrouvait aussi dans les fermes des châteaux », raconte Maxime Bergonso.
Bien que la froment du Léon existe depuis des siècles, sa reconnaissance en tant que race distincte s’est faite progressivement. Au XIXe siècle, elle est identifiée comme type spécifique parmi les races bretonnes. Au début du XXe siècle, les premiers travaux de sélection s’organisent pour conserver les caractéristiques typiques de la race. Dans les années 1950-1970, c’est le déclin rapide en raison de la modernisation agricole et de la préférence pour des races plus productives.
Plan de sauvegarde efficace
Il faut attendre les années 1980 pour que des passionnés lancent un programme de sauvegarde : éleveurs, parc régional d’Armorique, Institut de l’élevage. Le monde de l’élevage prend conscience de la perte des races locales et de la diversité génétique. La sauvegarde va se jouer en trois temps. En 1981, on collecte la semence de quatre taureaux, Kerouzien, Poltron, Gentil et Plouagat, intégrés au centre d’insémination artificielle (IA) de Créhen (Côtes-d’Armor) pour constituer une réserve génétique et permettre la reproduction assistée, dès l’année suivante. Une étape décisive, qui relance la reproduction en race pure. L’Institut technique de l’élevage bovin (Iteb) dénombre alors 41 femelles, dont 32 âgées de plus 2 ans, réparties chez 18 propriétaires.
Pour diversifier le pool génétique et éviter la consanguinité, 50 doses de semences de deux taureaux Guernesey sont importées du Milk Marketing Board, l’Office du lait britannique. En 1994, sous l’impulsion de Jean Sergent, technicien au parc naturel régional d’Armorique, le Syndicat des éleveurs de froment du Léon est fondé. Il va jouer un rôle central dans la conservation et la promotion de la race, ainsi que dans le soutien aux éleveurs.
Avantages notables ? Un lait de qualité supérieure, particulièrement riche en matières grasses (en moyenne 44 g/kg) et bêtacarotène, qui confère au beurre une teinte jaune dorée très recherchée. Et que dire de la saveur et de la texture ! Apprécié des connaisseurs, il séduit les plus grands chefs étoilés. Toutefois, sa production laitière modeste ne convient pas aux exploitations axées sur le volume de production.
Un beurre sublime
« J’ai abandonné le volume pour la qualité », relate Thierry Lemarchand, détenteur d’un cheptel de 100 froments du Léon, à Pacé (Ille-et-Vilaine), avec son associé d’EARL Jean-François Lemarchand. Installé à l’origine en conventionnel et prim’holstein, il liquide tout en 2009 : « Avec la crise, je ne gagnais plus ma vie en filière longue. » La froment du Léon et son lait exceptionnel lui reviennent en mémoire. Il l’a connue chez ses grands-parents et envisage de transformer tout le lait à la ferme en beurre et yaourts, pour se rémunérer par une forte valeur ajoutée. En 2011, il se lance, rachète des froments du Léon à un éleveur du nord du département et s’inscrit au syndicat de la race. « J’ai démarré avec 40 bêtes, du pic et du carreau, il m’a fallu cinq ans pour monter le troupeau, puis sélectionner. La froment du Léon a une très bonne fécondité et une belle longévité. La plus âgée du troupeau a 19 ans ! Elle s’appelle Cologne, poursuit Thierry.
Rapidement repéré par le chef étoilé breton Olivier Roellinger, qui recherche du beurre de froment du Léon, puis par Pierre Gagnaire, autre chef étoilé, qui lui assurent des débouchés réguliers, il monte son laboratoire sur l’exploitation. La clientèle se développe, essentiellement en restauration haut de gamme, crêperies et magasin de vente directe. Les vaches ne produisent que 3 500 litres/an, mais le beurre se vend 30 € le kilo, ce qui valorise le lait à 1,40 €/litre.
S’installer en froment du Léon ?
« Économiquement, ça roule. Le hic, c’est la charge de travail », reconnaît l’éleveur. Il s’associe avec son voisin, Jean-François Lemarchand, qui prend en charge le troupeau et l’essentiel de la traite. Les 128 hectares, bio, tout en herbe et bien regroupés, permettent une valorisation optimale du pâturage. Les travaux de récolte de l’herbe – ensilage, enrubannage, foin – sont délégués à la Cuma de Pacé.
« Mon parcours est atypique, avec une exploitation en 100 % froment du Léon. Il n’y a que huit éleveurs professionnels qui vivent en totalité ou partiellement de cette race, les autres en élèvent pour la préservation de la race, par passion. » S’installer en froment du Léon ? Pourquoi pas, selon l’éleveur, à condition de bien régler la question de la main-d’œuvre. « La transformation est chronophage, d’ailleurs, je cherche un repreneur ou une repreneuse, car la retraite approche ! »
Avec ses petits effectifs, la froment du Léon offre une diversité génétique limitée. « La sélection des reproducteurs est cruciale pour préserver ses caractéristiques uniques tout en maintenant une variabilité génétique suffisante », détaille Flavie Bouvet. Une sélection rigoureuse préside au choix des reproducteurs dans les élevages. La collaboration entre les éleveurs et l’Idele est stratégique, pour diversifier les lignées. « S’installer en froment du Léon, c’est possible, assure Flavie Bouvet, mais pas en filière longue. » Les éleveurs gagnent leur vie avec de petits systèmes autonomes et de la transformation à la ferme pour maîtriser le prix de vente. En revanche, « aucun souci de débouché avec un lait d’une telle qualité », assure Flavie Bouvet.
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