Quelques notes de piano résonnent et la voix de Marlène Dietrich s'élève dans l'étable où ruminent des bovins à la belle robe noire : Emmanuel Rialland, jeune éleveur de bœufs wagyu, installé dans la périphérie de Nantes, couve du regard ses bêtes aussi précieuses que placides.
Arrivé dans l'Hexagone il y a une dizaine d'années, le wagyu (littéralement « vache du Japon ») à la chair délicate et goûteuse, dont la déclinaison la plus célèbre est le bœuf de Kobé qui n'est élevé qu'à Kobé, s'est fait une petite place dans les pâtures françaises et s'invite aux plus grandes tables.
Face à la crise qui touche l'élevage français, Emmanuel Rialland a décidé un beau jour de tout changer : « Je suis la 5e génération d'éleveurs. Il y a six-sept ans, j'ai revu totalement mon modèle de production », explique-t-il. « Bien-être animal, respect de l'environnement, qualités organoleptiques, sécurité des aliments et traçabilité », égrène-t-il, souhaitant « un produit d'exception pour les grandes tables ».
Il a ainsi rejoint un club très fermé d'éleveurs, qui a réussi à obtenir une reconnaissance par le ministère de l'agriculture en mars. « La reconnaissance de la race est officielle, c'est un plus au niveau de la traçabilité », affirme Emmanuel Rialland, rappelant que jusqu'alors, le wagyu était classé en France comme « "autre race étrangère", une appellation pas très flatteuse ».
Au dernier recensement effectué en février 2018, l'association française des éleveurs de wagyus comptait 14 élevages représentant 600 têtes. « On ne représente même pas 10 % de la consommation annuelle » en France, admet Emmanuel Rialland, qui aimerait que cette proportion augmente. « Mais pour cela, il faut que tout le monde ait le même cahier des charges, ça ne prend pas cette orientation, aujourd'hui, chacun fait comme il veut ».
Pour sa part, il est aux petits soins avec son troupeau, constitué à partir d'embryons « pure race » : large surface de couchage sur de la paille, musique (classique, jazz) diffusée en permanence. « On contrôle l'air, l'hygrométrie, je rajoute également de l'huile essentielle par la ventilation », explique Emmanuel Rialland.
Un marché de « niche »
Dans la mangeoire de ses bovins exotiques, là encore, rien n'est laissé au hasard : « Au Japon, ils utilisent de la bière, moi j'utilise une micro-algue, qui contient minéraux, vitamines, probiotiques », démontre Emmanuel Rialland. Il nourrit son cheptel à base de foin bio qui pousse dans les marais voisins de Mazerolles, où les bovins vont également paître et s'inscrivent dans un cycle agro-écologique, permettant la réhabilitation de ces bandes d'eau poissonneuses, profitant de 350 hectares de prairies permanentes.
« Je complémente avec du tourteau de lin, parce que c'est la graine la plus riche en oméga 3, ce qui favorise le caractère persillé de la viande », explique Emmanuel Rialland. C'est-à-dire une répartition harmonieuse de la graisse dans le muscle qui favorise son onctuosité. L'éleveur engraisse ses bêtes pendant 36 à 40 mois, soit le double d'un élevage classique.
Ses produits, dont la commercialisation vient de débuter, ont séduit un grand restaurateur nantais et le marché de Rungis. Gérard Cagna, ancien deux étoiles au Michelin, qui se targue d'être le premier chef étoilé français à avoir cuisiné cette viande singulière, aime son « grain de viande » et sa « suavité ». S'il concède que ce mets est « un peu onéreux », le chef fait valoir que la population va d'une manière générale manger moins de viande et sera en demande de produit de meilleure qualité.
Il faut tout de même compter 180 euros le kilo de filet de bœuf, soit trois à quatre fois le prix d'une viande classique. Des prix qui peuvent même encore grimper, lorsque l'on place dans l'assiette le bœuf directement importé de Kobé, la variété la plus luxueuse. Ce qui fait dire à Riccardo Giraudi, importateur de viandes de luxe en Europe, qu'on est dans un marché de « niche » : malgré les prix élevés pratiqués, il estime à 20 millions d'euros la valeur totale des importations de ce produit d'« ultra-luxe » pour le continent.
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