« Le dernier marché digne de ce nom remonte au 7 octobre », lance Bertrand Barbet, directeur du marché aux bestiaux de Bourg-en-Bresse. Puis, rideau. Le 14 octobre, la découverte d’un foyer de dermatose bovine à une vingtaine de kilomètres a contraint la dixième place de marché française – près de 40 000 têtes traitées chaque année – à fermer ses portes.
La levée de la zone réglementée, le 30 novembre, a permis la reprise des échanges. Mais l’engouement n’y est pas : « Il y a eu 80 bêtes mardi dernier. À cette saison, il devrait y en avoir 900 ou 1 000. » D’ordinaire, une quarantaine d’opérateurs se disputent les animaux. Ce jour-là, ils n’étaient que deux ou trois à s’échanger des lots. « On ne peut plus vraiment parler de marché. Les enchères n’ont plus de sens. Cela ressemble plutôt à un centre de rassemblement qui fournit des laissez-passer vers la zone indemne », regrette Bertrand Barbet.
Personne ne se bouscule pour acheter des broutards vaccinés.
Pendant les 45 jours de fermeture, les acheteurs ont mis en place des circuits parallèles d’approvisionnement. Le statut des animaux vaccinés contre la DNC n’aide pas : « Les conditions d’éligibilité au mouvement sont très contraignantes. Elles peuvent bouger au jour le jour selon les détections de foyers », précise le directeur. Résultat : les opérateurs ne se bousculent pas pour acheter les broutards issus des zones vaccinales.
Officiellement, l’export est possible vers l’Italie depuis le 8 décembre. Mais les échanges se font au prix de contraintes « dantesques ». Interdiction de mélanger les animaux vaccinés et non vaccinés, obligation de disposer de certificats sanitaires, éloignement géographique des exploitations aux derniers foyers détectés, délais post-vaccination… « Si trois camions partent depuis les Alpes cette semaine, ça sera le bout du monde. Après ce sera Noël, la semaine de l’An… On verra réellement ce que ça donne au 15 janvier, quand le gros des zones vaccinales rouvriront leurs portes. »
Un marché à deux vitesses
Pour Bertrand Barbet, la vaccination contre la DNC fait naître un marché à deux vitesses : « celui qui achète des bêtes en zone vaccinale va forcément faire pression sur le prix. » Mais sans cotations, difficile d’observer ce marché parallèle. « Les marchés n’ont pas suffisamment de marchandise pour coter. » Les échanges se font en direct, si bien qu’aujourd’hui, « nul ne sait combien vaut vraiment un broutard vacciné ».
D’autant que les gabarits s’éloignent parfois de la conformation du broutard standard. Repoussés d’au moins 45 jours sur les fermes – voire davantage selon les zones – les broutards des zones vaccinales sont lourds en plus d’être fastidieux à acheter. Et un broutard de 600 kg, « ça n’est plus vraiment un broutard… », concède Bertrand Barbet.
Sécuriser l’avenir des marchés des bestiaux
Plus que le dérèglement du marché, c’est le manque de perspectives qui inquiète le directeur. Les animaux vaccinés sont soumis à des restrictions de mouvement jusqu’à 14 mois après la vaccination. « Cela nous emmène jusqu’à début 2027. Je ne vois pas comment nous pourrons tenir jusque-là. »
Sans transaction, plus de revenu pour les marchés. « Sur les marchés de gré à gré, les structures vivent de la location de parcs, ou de droit d’entrée des véhicules. Sur les marchés à la criée ou les places d’enchère, ce sont les commissions qui financent les structures », rappelle Jean-Jacques Gendry, ancien responsable du marché de Château-Gontier. Il se souvient : « il y a 25 ans, après 10 semaines de fermeture à cause de la fièvre aphteuse, la moitié des acheteurs avaient disparu ».
Entre décapitalisation et aléa sanitaires, les places de marché apparaissent particulièrement vulnérables. « En 2003, on dénombrait 57 places de marché adhérentes à la FMBV. Nous en avons perdu 24 sur les deux dernières décennies », précise Jean-Jacques Gendry.
Penser aux victimes collatérales de la DNC.
Pour éviter que le marché de Bourg-en-Bresse ne disparaisse, le directeur demande de la visibilité aux services de l’État. « On parle beaucoup des abattages. C’est un drame inouï. Mais il ne faut pas oublier les victimes collatérales de la DNC. »
Le marché de Bourg-en-Bresse n’est pas le seul à pâtir du contexte sanitaire. À Chambéry, la structure a rouvert ses portes après des mois de fermeture, mais l’activité reste confidentielle. À Saint-Laurent-de-Chamousset, les portes sont toujours closes.
Le contexte sanitaire désole d’autant plus Bertrand Barbet que le foirail de Bourg-en-Bresse avait entrepris une démarche de modernisation. Plus grand marché de gré à gré de France, la structure est passée à la vente aux enchères en début d’année. « Nous avons mis 800 000 € sur la table en 2024 pour ouvrir notre marché au cadran en 2025 », rappelle Bertrand Barbet. La stratégie a porté ses fruits : « nous étions à + 10 % d’apport sur le premier semestre après 10 ans de baisse continue ». Pour l’heure, il travaille à fédérer les services régionaux ainsi que les acheteurs afin de faire perdurer le marché. « Les enchères, c’est ce qui tire le plus le marché vers le haut. Il serait dommage de priver la filière d’un outil comme le nôtre. »
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