Faciliter l’accès et le déplacement des bovins jusqu’aux prairies, augmenter le temps de pâturage en toute saison mais aussi éviter les boiteries et le salissement des bovins, autant d’arguments pour accorder une attention toute particulière aux chemins d’accès au pâturage. C’est ce qu’ont expliqué Camille Lécuyer, conseillère en agriculture biologique à la chambre d’agriculture de Normandie, et Célie Bresson, chargée de mission élevage au réseau des Civam normands lors de la première journée « bout de champ » du programme Reine Mathilde 2023. Elle était organisée à la Ferme du Temple de Gautier Fihue en Seine-Maritime.
Bien positionner ses chemins d’accès au pâturage
Avant de se lancer dans la réalisation de chemins, il faut bien réfléchir à leur positionnement pour desservir un maximum de paddocks en un minimum de distance. Camille Lécuyer liste plusieurs points d’attention à prendre en compte :
- Les situer sur des zones portantes et séchantes ;
- Eviter l’exposition plein nord ;
- Eviter les chemins qui se retrouveraient à l’ombre avec des haies ;
- Il faut chercher à contourner la pente ;
L'ennemi des chemins est l'eau stagnante. Pour l'éviter :
- Prévoir une légère pente (3 à 5 %) dans le sens de la largeur du chemin avec un petit fossé en amont pour éviter l’eau stagnante qui dégraderait rapidement la première couche sur le chemin ;
- ou bomber légèrement le chemin en son centre (pente de 1 à 5 % de chaque côté), pour que l'eau s'évacue sur les côtés avec un petit fossé de chaque côté.
La structuration du chemin en fonction de son usage
Est-ce que le chemin sera uniquement emprunté par les bovins ? Ou aussi par des tracteurs ? Ou même des tracteurs attelés ? Les réponses à ces questions permettront de bien choisir la structuration et les matériaux adéquats.
La taille du troupeau va également déterminer la largeur des chemins, « c’est un paramètre important à prendre en compte pour permettre une circulation fluide du troupeau », insiste la conseillère à la chambre d’agriculture.
Camile Lécuyer distingue trois types de chemin en fonction de leur usage :
Chemins | Largeur en mètres selon la taille du troupeau | Matériaux | ||
Sortie de bâtiment | Large, propre toute l'année | 50-75 VL : 4 - 5 m | Sous couche : pierres, sable Finition : béton, briques concassées, caillebotis... | |
75-100 VL : 5 - 7 m | ||||
> 100 VL : 8 - 10 m | ||||
Chemins principaux | Propres toute année | 50-75 VL : 3 - 4 m | Si passage d'engins : Sous couche de 40 cm : pierres, sable Finition : béton, dalles alvéolées, caillebotis, terre-chaux (sable, graviers) | Si pas d'engins : Sous-couche sur 10 cm : pierres, sable Finition : béton, sable, graviers, dalles alvéolées, calcaire, terre-chaux, machefer, caillebotis |
75-100 VL : 4 - 5 m | ||||
> 100 VL : 5 - 7 m | ||||
Chemins secondaires | Portants | 50-75 VL : 1 m - 2,5 m | Pas d'engins : Sous-couche sur 5 - 10 cm : pierres, sable Finition : sable, copeaux de bois, galette minérale, graviers, dalle alvéolée OU Pas de sous-couche Finition : béton sur 5 cm ou dalles alvéolées | |
75-100 VL : 3 m | ||||
> 100 VL : 3 m |
Installé depuis 6 ans à Osmoy-saint-Valéry (76), en polyculture-élevage lait et viande, Gautier Fihue a dû redémarrer de zéro sur le site principal de son exploitation laitière. Seuls 15 ha étaient accessibles aux vaches à l’époque de ses parents. Souhaitant passer en bio et en 100 % herbe, il a remis en herbe 80 ha. Il a donc réaménagé tout son parcellaire. Seulement empruntés par ses vaches, et non par des engins motorisés, il a opté pour des chemins d’une largeur de 2,5 m. Avant de se lancer, il a d’abord bien matérialisé ses tracés de chemin pour être sûr de les positionner au bon endroit.
Pour les chemins en sortie de bâtiment, là où il peut y avoir des passages d’engins, mais aussi dans les zones humides, Camille Lécuyer préconise d’abord de décaisser sur 20 à 40 cm, puis de poser une couche géotextile. Ensuite, une couche de remblais (gros gravats, silex…) de 20 à 40 cm, bien tassée, permettra une bonne stabilisation. Elle conseille une couche intermédiaire de 1 à 3 cm constituée de gravats fins (0-30) pour assurer le lien entre la couche de remblais et la couche superficielle de finition. Cette dernière, de 1 à 3 cm, peut être en béton, caillebotis, sable, en fonction des moyens mais aussi de l’usage des chemins.
« Pour les systèmes béton, il faut compter 15 à 20 cm s’il y a passage d’engins, 5 ou 10 cm si ce n’est pas le cas. S’il n’y a pas de passage d’engins, il n’est pas nécessaire de prévoir une couche de remblais » complète Camille Lécuyer.
Gautier Fihue a lui misé sur des matériaux locaux et peu chers. « On a d’abord terrassé, puis mis 30 cm de marne (disponible sur la ferme) et en finition, 12 cm de cailloux boulonnais (0-90) à 17 euros la tonne à l’époque », explique Gautier Fihue. Au final, en tenant compte de la main d’œuvre et des matériaux, cela lui est revenu à 35 000 €, pour 3,5 km de chemin avec 2,5 m de largeur. C’est-à-dire 10 euros le mètre linéaire et 4 € le m2. Son chantier a duré 15 jours. » « Si on veut pâturer, les chemins c’est indispensable, c’est un vrai outil de travail, il faut donc relativiser leur coût. »
Les chemins, c’est un vrai outil de travail, il faut donc relativiser leur coût.
Après quelques années de recul, il est plutôt satisfait de ses chemins. Ses vaches, des kiwis de petit gabarit, sortent pratiquement toute l’année, et changent de paddock chaque jour. En monotraite intégrale, elles ne font qu’un aller-retour par jour jusqu’à la stabulation. « Avec cette largeur de chemin, elles vont à leur rythme, pas besoin de les pousser, elles font donc attention où elles marchent et donc aucune boiterie à signaler dans mon troupeau. » Autre conseil de l’éleveur normand : « ne pas surdimensionner les chemins car c’est le passage des animaux qui permet leur entretien ».
Seul regret, ne pas avoir mis une couche de matériaux plus fins en finition. « Dans les fortes pentes ou dans les passages de forte fréquentation, le boulonnais, ça ne suffit pas. J’aurais dû opter pour le béton à ces endroits-là. »
En ce qui concerne l’entretien des chemins, Camille Lécuyer conseille de le faire en début d’hiver : nettoyer le mélange de boues, curer les fossés, combler les trous dès qu’ils apparaissent et remettre une couche de finition dès l’apparition de cailloux.