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En BretagneLa méthanisation se bat pour son avenir

Pourtant pourvoyeurs d'énergie, les projets de méthanisation agricole en Bretagne sont actuellement au ralenti, voire à l'arrêt. (©Adobe Stock)
Pourtant pourvoyeurs d'énergie, les projets de méthanisation agricole en Bretagne sont actuellement au ralenti, voire à l'arrêt. (©Adobe Stock)

Alors que la France voit ses factures énergétiques s’envoler, les projets de méthanisation sont au point mort faute de rentabilité. L’association des agriculteurs méthaniseurs de Bretagne se bat pour retrouver des conditions favorables à la production de biogaz tout en travaillant sur de nouvelles opportunités, que sont l’incorporation de biodéchets, la mobilité et la valorisation du CO2.

Déclinaison régionale de l’AAMF (association des agriculteurs méthaniseurs de France), l’AAMBretagne fédère 110 exploitations, qui seules ou en groupe, ont misé sur la méthanisation. « En Bretagne, comme dans tout l’Ouest, la méthanisation est adossée à nos élevages. Elle amène de la résilience à nos filières d’élevage, en réduisant les achats d’engrais, en produisant de la chaleur pour nos bâtiments d’élevage ou le séchage de fourrage », détaille Bruno Calle, secrétaire générale de l’AAMB.

Qui dit élevage, dit effluents… Pour autant, les méthaniseurs bretons n’échappent pas aux polémiques sur ce qui entre dans leurs digesteurs. « Par souci de transparence et pour casser les fausses idées, nous avons élaboré avec la Dréal un outil informatique où chaque méthaniseur renseigne les données annuelles de fonctionnement de son site », présente Jean-Marc Onno, le président de l’AAMB. Pour les 145 unités qui ont détaillé la ration de leur méthaniseur, les intrants sont constitués de :

- 56 % d'effluents d’élevage

- 7,4 % de Cive

- 5,29 % de cultures principales, (dont le maïs)

- 2,85 % de résidus végétaux

S’y ajoutent 5,39 % de végétaux non agricoles (déchets verts de collectivités par exemple) et 23,21 % de biodéchets et résidus de stations d’épuration. « D’année en année, la part des Cive augmente pour remplacer le maïs », note Jean-Marc Onno.

Conjoncture difficile pour la méthanisation

Le moral des agriculteurs méthaniseurs est en berne face aux difficultés conjoncturelles : prix de rachat déconnecté du marché, hausse des tarifs d’achat de l’électricité, flambée des coûts de construction pour les projets, hausse du prix et disponibilité des pièces… « Tous les projets sont à l’arrêt, faute de rentabilité pour les nouveaux entrants », constate Jean-Marc Onno.

Le constat est d’autant plus amer que la France est loin de ses ambitions en termes d’énergies renouvelables. À savoir que d’ici 2030, le biogaz devrait représenter 20 % des besoins en gaz. Il n’en représente que 2 % actuellement. Les tensions énergétiques actuelles ne rendent que plus flagrants les intérêts de la production de biogaz. « Avant la guerre en Ukraine, le gaz russe représentait 16 % des approvisionnements français. En Bretagne, si tous les projets étaient en fonctionnement, la méthanisation fournirait 15 % du gaz », souligne Jean-Marc Onno.

« La méthanisation est la seule énergie renouvelable flexible, complète Bruno Calle. On est capable de répondre aux besoins du réseau, en stockant temporairement du biogaz pour apporter plus de soutien électrique aux heures de pointe ». Pour redonner un souffle aux sites en fonctionnement et permettre aux projets d’aboutir, l’AAMB demande la possibilité d’autoconsommer son électricité, de pouvoir vendre sur le marché spot en plus de son contrat et que les tarifs de rachat soient réactualisés selon l’inflation.

Biodéchets, véhicules au biogaz et valorisation du CO2 : de nouvelles opportunités

En parallèle de leurs actions pour améliorer les tarifs de rachats, les méthaniseurs bretons explorent également d’autres pistes pour renforcer la rentabilité de leurs unités. L’une d’entre elles est la valorisation des biodéchets issus des GMS, des collectivités, de l’industrie agroalimentaire pour alimenter leur unité de méthanisation.

Installé à Plouaret (22), Xavier Le Goff pratique cette valorisation, qui exige l’hygiénisation de ces biodéchets et d’intégrer le coût du désemballage. « Nous valorisons 6 000 tonnes de biodéchets par an, présente Xavier Le Goff. Ce qui réduit l’impact négatif d’une mise en décharge ou d’une incinération ». À partir de 2024, les collectivités locales auront l’obligation de valoriser les biodéchets. « La méthanisation agricole doit se positionner comme une solution à cette contrainte de valorisation, en renforçant les partenariats entre les agriculteurs et les collectivités », estime Bruno Calle.

Autre piste qu’explorent les agriculteurs méthaniseurs, celle de la décarbonation de la mobilité grâce aux véhicules fonctionnant au biogaz. Même les tracteurs s’y mettent. Nicolas Morel, installé à la Chapelle Janson (35), alimente depuis 3 ans les véhicules de l’exploitation et un tracteur de 155 cv avec du gaz issu de son unité de méthanisation. « La mobilité consomme environ 2 % de notre production de gaz mais ça nous a permis de réduire d’un tiers notre facture de GNR », apprécie Nicolas Morel.

Autre piste de covalorisation, celle du CO2, qui compose à 45 %, le biogaz. « Jusqu’à présent, le CO2 était simplement rejeté, alors même que nos collègues serristes en achètent pour optimiser la photosynthèse, analyse Yannick Laurent, éleveur à Milizac (29). Le tarif du CO2 est en hausse, donc c’est un marché qui vaut la peine de s’y intéresse ». Dans le nord-Finistère, un groupe de 9 méthaniseurs s’est fédéré pour compresser et liquéfier du CO2, qui pourra ainsi être vendu aux serristes. « Avec cet approvisionnement local en CO2, nous renforçons l’économie circulaire sur notre territoire », apprécie Yannick Laurent.

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