
Il y a peu, ils nous confiaient leur vision du métier d'éleveur, comme leurs motivations et leurs doutes. Virginie et Rodolphe parlent maintenant de leur installation ; Antonin, Théotim, Clément et Clara de leur projet professionnel pour plus tard, en élevage ou aux côtés des producteurs.
Virginie n'était pas attirée par la ferme de ses parents, en poules pondeuses, mais par les vaches laitières. Elle pensait donc rejoindre son frère, installé dans cette production. Les années passant, elle s'est rendu compte que cela pourrait compliquer leurs relations. « Nous n'avions pas les mêmes objectifs », confie-t-elle. Elle a toutefois attendu qu'il trouve un associé avant de concrétiser son installation en élevage, sur la structure où elle était salariée.
Choix d'un Gaec entre tiers et pas familial
« Je m'entendais bien avec les associés du Gaec, nous avions la même vision sur l'organisation, le système de production, etc. », détaille-t-elle. Deux points qu'elle a pu tester durant sa période de salariat. « D'après des enquêtes de l'Esa, 10 % des jeunes installés ont été auparavant apprentis ou salariés agricoles, une voie intéressante pour transmettre une exploitation », fait remarquer Bertille Thareau, sociologue et enseignant à l'École supérieure des agricultures (Esa) d'Angers.
Nous n'avions pas les mêmes objectifs.
M'installer, avec mon frère, aurait pu compliquer nos relations.
Être une femme n'a pas été un frein, « même si beaucoup estime le contraire, considérant le métier d'éleveur trop physique », enchaîne Virginie (à noter : dans la classe de BTS de Clara, il y a 16 filles et 7 garçons). « J'ai toujours été dans le monde agricole et ma famille m'a encouragée. » Les réticences sont venues de l'entourage – autre que la famille proche – qui ne connaissait pas l'agriculture. « "Pourquoi tu t'embêtes à faire ça ?" me disaient-ils. » « Faut y croire, conseille la jeune femme. Si d'autres y arrivent alors pourquoi pas moi ? »
Autoentrepreneur avant de s'installer
Rodolphe a toujours souhaité être à son compte. Avant de s'installer, il n'est pas passé par le salariat, mais a créé une autoentreprise dans le secteur agricole. « Être agriculteur me trottait dans la tête depuis tout petit. Dès l'âge 8-9 ans, je participais aux travaux chez mon oncle et des voisins », raconte-t-il.
Aujourd'hui, c'est sa maman qui travaille avec lui. « Il y a du boulot pour deux. Tout seul, ça aurait été impossible », précise-t-il. Un fils qui installe sa mère est assez atypique. Une belle reconversion professionnelle pour elle, qui aurait tant aimé rejoindre ses parents sur la ferme, malheureusement trop petite.
Se créer un réseau pour s'entraider.
Grâce à son expérience d'autoentrepreneur dans l'agricole, Rodolphe s'est construit un réseau. « Cela m'a permis de me perfectionner », indique-t-il. Et d'être bien intégré dans le milieu, ce qui est essentiel en cas de coup dur. « Un jeune installé vit forcément des moments pas faciles. Moi, par exemple, j'ai eu un gros souci avec mes bêtes. Être entouré m'a apporté du réconfort et des conseils pour éviter que cela se reproduise. »
Hors cadre : soigner sa relation avec le cédant
Les étudiants, eux, qu'envisagent-ils ? Même s'il a beaucoup aidé son oncle, Antonin s'oriente plus vers une installation hors cadre familial, avec ou après un tiers, d'ici cinq à sept ans, probablement en vaches allaitantes et volailles. Pour lui, la relation avec le cédant est primordiale.
Il développe : « Gérer une ferme, puis la céder, est le projet de toute une vie. La transmission d'une exploitation est quelque chose de très important. Alors j'ai à cœur d'assurer sa continuité tout en apportant ma touche personnelle. Et de partager la même philosophie que le cédant. Je compte aussi sur son appui les premières années, pour tout savoir sur la structure que je reprends. »
Partager la même philosophie.
« Il faut trouver le bon cédant, prêt à consacrer du temps à son successeur, et le bon projet », synthétise Bertille Thareau. C'est pourquoi Antonin prévoit de rencontrer des agriculteurs proches de la retraite. Si, avec l'un d'entre eux, aller plus loin semble envisageable, il lui proposera d'abord le salariat. Et si cela fonctionne, si on s'accorde bien, un stage de parrainage pour apprendre à se connaître.
« Pas trop de responsabilités trop tôt »
Théotim a l'intention de prendre la suite de son père. Il tient cependant à alerter les repreneurs HCF sur qu'il a pu observer lors de ses stages. « Certains exploitants espèrent tellement transmettre que, si le stagiaire ou l'apprenti paraît intéressé, ils lui mettent une pression énorme, lui montrant par exemple qu'ils ont entrepris telle ou telle chose pour lui, alors que rien n'est sûr. Ça peut faire peur, voire faire fuir. Il ne faut pas donner trop de responsabilités trop tôt. »
Clara préfère devenir conseillère qu'éleveuse. La technique lui plaît, le fonctionnement de l'animal pour se nourrir, se reproduire... la gestion beaucoup moins. « C'est très complexe, juge-t-elle. Alors je ne me vois pas m'installer. » D'où ce choix professionnel et celui d'un BTS PA plutôt qu'Acse.
« L'élevage, c'est aussi le salariat en exploitation ou dans le para-agricole. On peut aussi faire vivre le secteur grâce à ces nombreux métiers, dans les domaines technique, économique... », souligne Bertille Thareau. Clément, enfin, est encore au début de la réflexion, avec une préférence pour l'élevage bovin lait, l'engraissement de génisses et les poulets.
S'installer en société, une bonne solution ?
Il projette néanmoins de prendre la suite de son père dans un Gaec à quatre associés. Virginie, rappelons-le, a rejoint un Gaec (à quatre aussi) et Rodolphe s'est associé avec sa mère. Le principal intérêt selon eux : « le partage des astreintes ». « Partager les risques » est l'autre avantage mentionné.
« On peut confronter nos idées et points de vue, avancer ensemble », poursuit Virginie, pour qui, le mélange des générations est bénéfique, les jeunes profitant de l'expérience des anciens, leur apportant réciproquement un regard nouveau sur la ferme et l'élevage en général. S'installer en société n'est cependant pas si évident que ça, pour que « tout le monde s'entende bien, progresse au même rythme et souhaite les mêmes choses », juge Antonin qui préfère ne pas intégrer un collectif.
Il veut, en outre, « garder l'entière responsabilité de l'exploitation ». De plus, les installations sociétaires ne sont pas fréquentes dans la région et il a l'habitude des structures individuelles avec celle de son oncle et les stages qu'il a réalisés. Il n'exclut pas malgré tout que sa position puisse évoluer par la suite. Surtout il se demande s'il lui sera possible de reprendre, seul, vu la tendance toujours plus forte à l'agrandissement.
Ce phénomène inquiète Clément à cause de son impact sur le volume de travail, donc sur la proximité entre les éleveurs et leurs animaux parce qu'ils sont moins disponibles pour « les observer », « leurs comportements » entre autres, qu'ils peuvent « moins facilement améliorer ».
Pour cette raison, et comme il redoute des incidences sur la qualité des produits, il privilégiera une dimension plus modeste. Son témoignage illustre bien « le décalage en termes de taille entre les attentes des candidats à l'installation et les fermes à transmettre », pointe Bertille Thareau. « Nous devons y réfléchir collectivement », exhorte-t-elle.
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