« J’ai trouvé la ferme laitière pour m’installer, mais le financement bloque »

Anthony Martaux et Alicia Dabrio
Les jeunes actifs cherchent une ferme d'élevage en Gironde. (©A. Martaux)

Anthony Martaux retrace son parcours manqué à l’installation. Intéressé par une ferme laitière en Gironde, il n’a pas trouvé le financement pour son projet. En cause, une trop faible rentabilité du capital investi. Dans ce contexte, certains cédants déstructurent leur exploitation faute de pouvoir installer un jeune.

Si la décapitalisation plane sur la filière bovine, l’installation de jeunes agriculteurs n’est pas pour autant chose aisée. Preuve en est avec Anthony Martaux et Alicia Dabrio, deux trentenaires échaudés par le manque de rentabilité de leur projet d’installation en vaches laitières.

Après plusieurs années de recherches, le couple avait jeté son dévolu sur une exploitation laitière de Dordogne. « Ce qui nous a plu, c’est que la ferme était bien équipée et robotisée », raconte Anthony. « On aurait été sur de la pure gestion de troupeau, sans grands travaux à prévoir ». Bref, tous les voyants étaient au vert.

Mais c’est côté financement que le bât blesse. Compter 450 000 € pour 130 bovins (40 bovins viande, et 90 vaches et génisses laitières), un robot de traite, des bâtiments d’élevage et 129 ha de culture en fermage. « Ça ne nous semblait pas excessivement cher », commente Anthony. « Nous aurions été à 33 000 € d’annuités sur 15 ans pour financer la reprise ». À cela s’ajoutait un emprunt pour financer d’éventuels frais matériels ainsi que le besoin en fonds de roulement.

Un EBE trop faible par rapport au capital investi

« Le prévisionnel était bon », explique l’ancien salarié agricole. « Nous arrivions à un EBE de plus de 100 000 €, avec un résultat d’exercice positif tout en se prélevant un Smic dès la première année ». Cela n’aura pas suffi à rassurer les financeurs. Mais pour Anthony, la rentabilité de l’élevage est plus en cause que la frilosité des établissements bancaires. « Il y a un trop grand écart entre la valeur du capital immobilisé, et la rentabilité des exploitations », résume le passionné d’élevage. « On dit qu’on veut installer des jeunes, mais rien n’est fait pour les aider ».

Car ce qui effraie les financeurs, ce sont les potentiels investissements post-reprise. « Ils ont peur du tracteur qui lâche ou des pièces de robot à changer… Mais nous achetions pourtant une ferme en bon état… ».

Côté banque, « ça n’est pas de gaieté de cœur que l’on refuse un dossier », explique Sandrine Gamot, responsable du marché professionnel pour la caisse régionale Charente Périgord du Crédit Agricole. « Nous avons conscience des enjeux de souveraineté alimentaire, mais cela ne veut pas dire qu’il faut accompagner les jeunes vers des projets qui ne sont pas rentables ».

Le couple a bien tenté de se sécuriser auprès de la laiterie, en vain. « Avec un prévisionnel basé sur un prix du lait à 380 €/1000 l, contre plus de 450 € actuellement, ils nous disaient que nous ne risquions rien. Mais ils n’ont jamais voulu nous proposer un prix bloqué ».

Pour tenter de s’installer malgré tout, Anthony avait convenu d’un accord avec le cédant. L’objectif : sortir les bâtiments de la vente de sorte à diminuer le coût de l’installation. « Il était prêt à faire cela pour installer un jeune, cela aurait porté le montant de la reprise à 350 000 € ». Le montage a échoué. « Les établissements bancaires acceptaient de nous donner tout au plus 270 000 € au vu de l’EBE prévisionnel ».

Pas question pour le vendeur de laisser partir son exploitation à ce tarif. « Le stock a de la valeur, surtout au prix actuel de la viande. On ne se voyait pas racheter les vaches en dessous de leur valeur marchande », insiste Anthony. Seule solution pour le cédant « vendre sa ferme pour pièces », ironise le passionné d’élevage.

« On a essayé de proposer un niveau d’emprunt pour que le projet soit viable et supportable pour les jeunes. Mais dans ce cas, nous n’avons pas su trouver de solution », ajoute Sandrine Gamot. Mais cela ne ferme pas la porte à l’installation pour les deux passionnés. « On installe plus de 7 JA sur 10 sur les départements Charente et Dordogne. Ce qu’il faut, c’est une bonne adéquation entre le prix et la rentabilité, et ça existe », insiste la responsable de marché.

Le couple est donc en quête d’une autre exploitation, sur le secteur Gironde, dont il pourrait progressivement reprendre les parts.

Une exploitation vendue pour pièce en Côté d’Armor

Démanteler sa ferme, c’est ce qu’a fait un éleveur des Côtes-d’Armor, il s’est résolu à vendre son exploitation à un céréalier faute de financement pour la reprise de son atelier. « J’ai bien eu deux intéressés pour l’élevage, mais aucun n’est parvenu à obtenir un emprunt ».

Naisseur engraisseur, l’éleveur n’avait pas moins de 150 mères et 170 ha. De son propre aveu, « l’exploitation était rentable parce que je m’étais agrandi au fil des années ».

J’ai vendu les bêtes faute de repreneur

Mais pas question pour l’éleveur de brader son outil de travail. « La ferme a une valeur. Celle des terres selon le marché du foncier, et celle du bétail selon le cours de la viande. Il n’y a pas à faire de cadeau à titre individuel parce qu’il y a un problème de gestion de la valeur dans la filière ».

Faute de repreneur, il a fait le pari de vendre les bêtes pour la viande, et de proposer les terres pour la grande culture. Le bâtiment a également été acheté par le repreneur. « C’était le pas-de-porte pour avoir accès à mes terres ».

« Pour moi, ça n’a rien changé. L’opération financière a été équivalente en vendant les bêtes pour la viande. Mais pour la filière, c’est un éleveur en moins ».

Pour l’ancien agriculteur, le contexte ne permet pas d’installer des personnes non issues du milieu agricole. « La seule solution pour faire perdurer les exploitations de bovin viande, c’est de faire don d’une partie du capital à ses enfants, mais ça n’est pas normal ».

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