Condamnation confirmée pour Vincent Verschuere

Vincent Verchuere éleveur laitier dans l'Oise
La Cour de cassation a confirmé le jugement de la Cour d'appel d'Amiens pour l'éleveur de l'Oise. (©Terre-net Média)

La Cour de cassation a rejeté, ce jeudi 7 décembre, le pourvoi en cassation de Vincent Verschuere. Ce producteur laitier de l’Oise a été condamné en mars 2022, par la Cour d’appel d’Amiens, à verser plus de 100 000 € de dommages et intérêts à des voisins pour « troubles anormaux de voisinage ». (Article mis à jour le 7/12/23 à 16 h 00 puis à 19 h 03 avec la réaction de l'éleveur)

« Je savais que les chances étaient minces, mais j'avais quand même un petit espoir, là tous mes espoirs sont anéantis. C'est un gros coup au moral », nous confie Vincent Verschuere, éleveur laitier dans l'Oise. La Cour de cassation, réunie le 24 octobre, a en effet confirmé, ce jeudi 7 décembre 2023, la condamnation de l'EARL Verschuere, en mars 2022 par la Cour d’appel d’Amiens. L'exploitation doit verser 106 000 € de dommages et intérêts à un collectif de riverains le poursuivant pour « troubles anormaux de voisinage ».

« La Cour de cassation a jugé dans son arrêt que les nuisances "excédaient, par leur nature, leur récurrence et leur intensité, les inconvénients normaux du voisinage", indique l'AFP. Elle estime que les bâtiments agricoles litigieux se (situent) en zone urbaine du village, […] au sein de laquelle sont en principe interdites les constructions et installations dont la présence est incompatible avec la vie de quartier en raison des nuisances occasionnées. »

Retour au tribunal de grande instance

En octobre 2022, l'éleveur avait déposé un pourvoi en cassation pour demander l'annulation de la décision judiciaire. Il espérait « une cassation pour défaut de base légale », selon son avocat Me Timothée Dufour, puisque la Cour d’appel n’a pas pris en compte la loi de 2021 qui fait entrer les sons et les odeurs dans le patrimoine sensoriel des campagnes.

Sachant que lundi justement, les députés ont adopté une proposition de loi destinée à limiter les conflits de voisinage et les dépôts de plaintes de néo-ruraux à l’encontre des agriculteurs. « Il était vital que le législateur s'empare de cette question des litiges en milieu rural », argue Thimothée Dufour sur X, estimant que cela « permettra d'éviter à l'avenir leur multiplication sur le territoire ». Mais il exhorte à aller plus loin, « à l'occasion de son examen au Sénat, pour « prendre en compte l'évolution de l'activité agricole ». « Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi protège son antériorité, alors que l'essentiel des litiges surgisent postérieurement à l'arrivée de voisins plaignants, à l'occasion d'une modification même mineure par l'agriculteur de ses conditions d'exercice. »

Le producteur nous dit « devoir repartir devant le tribunal de grande instance de Beauvais, afin que celui-ci statue sur les aménagements proposés » en plus de ceux déjà effectués. Autrement dit : « l'isolation du bâtiment côté riverains et l'installation d'un système de ventilation artificielle », précise-t-il. « Cela représenterait encore un investissement de 100 000 à 150 000 €. »

Si les nouveaux aménagements proposés ne suffisent pas, c'est le changement de destination du bâtiment,
ou sa démolition.

« Soit ils seront suffisants, soit le juge imposera un changement de destination ou la démolition du bâtiment, auquel cas on ne pourra plus accueillir de cheptel, explique Vincent Verschuere, qui ne voit pas quoi faire de plus. Mon activité, basée sur la production laitière, serait totalement remise en cause. Je n'ai pas de terrain ailleurs. De toute façon, on ne déplace pas stabulation, salle de traite et fosse comme ça ! Et je ne pourrais pas refinancer une construction. »

En mars 2022, quelques jours après le jugement de la Cour d'appel d'Amiens, la rédaction était allée à la rencontre de l’éleveur, sur son exploitation, Vincent Verschuere nous confiait alors son incompréhension, son désarroi, sa colère :

Presque 15 ans de bataille judiciaire, dès l’installation sur la ferme familiale

L’éleveur de 34 ans mène une bataille judiciaire depuis son installation sur l’élevage familial quasiment, il y a près de 15 ans (2009). Les plaignants lui reprochent la construction d’un bâtiment pour ses vaches laitières, sur le siège d’exploitation au centre de la commune de Saint-Aubin-en-Bray dans l’Oise. Lequel entraînerait des nuisances sonores et olfactives, et la présence de mouches.

Parce que situé à moins de 100 m des habitations, l’exploitant avait obtenu une dérogation préfectorale, et pris des dispositions pour limiter les désagréments éventuels : cornadis anti-bruit, fosse à lisier enterrée, salle de traite avec régulateur électronique, bardage en bois ajouré…

Des dommages et intérêts ont déjà été payés, l’obligeant à contracter un emprunt bancaire sur sept ans qu'il devra rembourser suite à cette décision de la décision de la Cour de cassation. Une prêt de la région à taux préférentiel de 40 000 € lui a permis de tenir financièrement.

Rappel des faits

La ferme compte actuellement 2 associés (lui et sa mère), 80 VL (550 000 l/an de référence laitière) sur 100 ha (45 ha de prairies, 30 ha de maïs, le reste en céréales), un atelier taurillons (60 animaux/an).

  • En 2010 : Vincent débute la mise aux normes. Sont prévues la construction d’une étable de 150 places, d’une fosse à lisier et d’une salle de traite (2 x 11 postes).
  • En septembre 2010 : quatre mois après le début des travaux, des riverains portent plainte contre la mairie. Le tribunal de première instance de Beauvais annule le permis de construire. La mairie fait appel.
  • En 2013 : la cour d’appel d’Amiens confirme l’annulation du permis de construire.
  • En 2014 : un collectif de six voisins attaque l’EARL en justice.
  • En 2018 : le tribunal de première instance de Beauvais condamne l’exploitation à payer plus de 100 000 € de dommages et intérêts et à démolir le bâtiment si aucune mesure corrective n’est apportée. L’éleveur fait appel.
  • En 2022 : la Cour d’appel d’Amiens confirme le jugement du tribunal de première instance de Beauvais.

Jurisprudence redoutée

Le monde agricole, au niveau local et au-delà, craint que cette affaire fasse jurisprudence, de nombreux élevages étant localisés au cœur d’un village (presque un sur deux dans le département bénéficie d’une dérogation de distance). À travers des situations de ce type, l’élevage et l’installation agricole en productions animales sont remis en question.

Plusieurs mobilisations de soutien ont donc été organisées, auxquelles se sont joints des personnalités politiques et des citoyens. Une pétition en ligne et des pages dédiées sur les réseaux sociaux ont même été créées.

Retrouvez l’interview vidéo de Christiane Lambert, alors présidente de la FNSEA, à cette occasion :

Et celle d’un autre éleveur laitier dont la ferme, à quelques kilomètres, est également en plein village :

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