Une filière lait endormie, productiviste, en transition, duale ?

Vaches laitières au pâturage
En 2030, la filière bovine laitière sera-t-elle endormie, productiviste, en transition ou duale ? (©Soraplus, Adobe Stock)

Pour aider la filière bovin lait à relever les nombreux enjeux auxquels elle est confrontée, la chaire « mutations des filières d’élevage et enjeux sociétaux » de l’Institut polytechnique UniLasalle propose quatre scénarios prospectifs pour 2030. L’un d’eux se vérifiera-t-il ?

L’élevage français est face à de multiples défis : économiques (faible revenu des éleveurs, envolée des cours des matières premières et de l’énergie notamment), agro-environnementaux (changement climatique, raréfaction des ressources naturelles…), réglementaires (politiques exigeantes sur l’environnement, l’empreinte carbone, etc.), sociétaux (pouvoir d’achat, bien-être animal, produits sans OGM…). 

Aider la filière à y faire face : tel est l’objectif de la chaire de recherche et d’enseignement « mutations des filières d’élevage et enjeux sociétaux » de l’Institut polytechnique UniLasalle, créée en 2022. Ceci autour des trois axes, que sont la transition agroécologique, le renouvellement des générations agricoles et les attentes de la société, et de quatre approches (interdisciplinaire, systémique, participative et prospective à horizon 2030) pour les productions bovine, laitière et viande, porcine et avicole.

Des forces : structuration et adaptation…

Intéressons-nous ici à l’élevage bovin lait. La chaire a dressé, au Space 2023, un état des lieux mettant en évidence les nombreuses forces de la filière laitière aujourd’hui.

  • Une histoire riche en faits marquants : crise du lait (2009), arrêt des quotas (2015), mise en place de la contractualisation (2016), verdissement de la Pac, Covid-19, guerre en Ukraine, inflation et tensions géopolitiques ;
  • Un rôle stratégique et une structuration solide : couverture laitière nationale, garantie de produits de qualité, compétitivité sur les marchés internationaux, implication de l’ensemble des intervenants, gouvernance rigoureuse à de nombreux niveaux, coordination et promotion par une interprofession ;
  • Un engagement fort de réduction des impacts environnementaux : développement de l’initiative territoriale collective « Ferme laitière bas carbone », de l’outil Cap2’ER et du label "bas carbone" ;
  • Une promotion active de l’autonomie protéique : projet Cap Protéines.

… et faiblesses : décapitalisation amont/aval

Et ses faiblesses, elles aussi multiples, avec leurs origines.

En amont.

  • La décapitalisation humaine, avec près de 50 000 éleveurs de moins en 15 ans (la conjoncture économique difficile, les contraintes réglementaires, le déficit d’image et d’attractivité du métier (astreinte, pénibilité), les nouvelles aspirations des jeunes, étant responsables de cessations d’activité et d’un renouvellement générationnel compliqué ;
  • La diminution du cheptel (moins de producteurs, fermes qui disparaissent, réorientation vers des productions plus rémunératrices, contractualisation, davantage de finition et d’abattage de vaches laitières) ;
  • Le fléchissement de la collecte laitière (recul du nombre d’éleveurs et de bêtes, non compensé par l’augmentation de la productivité par animal) ;
  • L’agrandissement des exploitations et leur concentration géographique, dans l’Ouest et dans une moindre mesure le Massif central (recherche de productivité et de rentabilité, partage des coûts de production et du travail via la création de sociétés agricoles) ;
  • La baisse du nombre de vétérinaires ruraux (disparition de tout un écosystème laitier).

En aval.

  • Concentration, regroupement, arrêt de groupes industriels (production qui se concentre, volumes livrés qui diminuent, contraintes logistiques de ramassage sur de plus longues distances) ;
  • Une industrie laitière internationalisée (volumes collectés moindres, recherche de profits dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus bas) ;
  • Les nouvelles attentes sociétales (prise de conscience des dérèglements climatiques, des conséquences environnementales de certaines pratiques d’élevage, contexte économique inflationniste, montée en puissance de plusieurs associations) ;
  • La tendance à la baisse de consommation des produits laitiers (dégradation du pouvoir d’achat, hausse des prix, changement d’habitudes alimentaires, concurrence des produits végétaux).

4 scénarios prospectifs

Suite à cette analyse de la production bovine laitière en France, quatre scénarios prospectifs à horizon 2030 ont été présentés.

  • Un « secteur endormi »

Hypothèses de départ : amplification du changement climatique, contexte économique inflationniste et tensions géopolitiques, attentes sociétales multiples, écart entre la production et la consommation.

  • Un modèle productiviste (souveraineté alimentaire)

Hypothèses de départ : changement climatique aigu (sécheresses successives dans certaines régions), progression rapide de la demande mondiale en produits laitiers.

  • Un élevage en transition (qui soit durable, résilient et respectueux, soutenu par une politique intégrée)

Hypothèses de départ : changement climatique aigu, apparition de zoonoses, contexte économique très inflationniste.

  • Une filière duale

Hypothèses de départ : amplification du changement climatique, contexte économique inflationniste, croissance rapide de la demande alimentaire, augmentation signification de l’insécurité alimentaire mondiale.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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