Accord UE-Mercosur : un « impact assez fort » sur le segment de l’aloyau

L’accord UE-Mercosur pourrait être signé ces jours-ci en Uruguay, malgré l'opposition de la France. La mise en œuvre de l’accord impliquerait des imports de viande à des prix très compétitifs, surtout sur le segment de l’aloyau, risquant de fragiliser les revenus des éleveurs européens (article initialement paru le 22 novembre, modifié le 4 décembre).

Tandis que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), qui cristallise ces derniers temps le mécontentement agricole en France, pourrait être conclu cette semaine, l’Idele revient sur les risques que cela ferait peser sur la filière bovine européenne.

« Le Mercosur est un producteur agricole et un agro-exportateur de premier ordre » qui, « dans cette négociation, vise à améliorer son accès au marché européen et notamment au marché de la viande bovine », rappelle l’agro-économiste Baptiste Buczinski.

Un secteur où le marché commun sud-américain est très compétitif : « les coûts de production des systèmes du Mercosur en viande bovine sont inférieurs en moyenne de 40 % à ceux des élevages européens selon Agri Benchmark, et même 60 % si on regarde les élevages brésiliens ».

Cette compétitivité se retrouve tout au long de la filière : « les trois premiers exportateurs de la zone, les entreprises brésiliennes JBS, Marfrig et Minerva (disposent) d’outils sans commune mesure avec les outils européens en termes de taille, (ce qui permet) des économies d’échelle très importantes et une compétitivité forte ».

Le différentiel de compétitivité entre viandes du Mercosur et viandes européennes est accentué par « de nombreuses distorsions en termes de réglementation ». Ainsi, « la traçabilité reste très limitée voire inexistante. C’est un gros problème, notamment au moment où l’UE cherche à mettre en place une mesure-miroir sur la déforestation ».

Importations concentrées sur le secteur de l’aloyau

Autres exemples : l’usage, pour des productions utilisées dans la finition des bovins, de phytos interdits dans l’UE, ou encore l’utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance. Sans oublier le manque de législation en matière de bien-être animal, et « des normes sociales et un coût du travail largement inférieurs à celui de l’UE ».

Le Mercosur est déjà le premier fournisseur de viande bovine de l’UE, avec 195 000 téc exportées en 2023. Et « le fait d’ouvrir le marché à 99 000 téc supplémentaires en cas d’application de l’accord peut paraître assez limité au regard de la production européenne, entre 7,5 et Mtéc », note Baptiste Buczinski.

Sauf que ces importations sont concentrées sur le segment de l’aloyau – « où l’on va retrouver des morceaux de haute qualité comme le filet, le faux-filet, l’entrecôte et la bavette » -, dont la production représente en Europe environ 400 000 téc pour le cheptel allaitant et 720 000 téc côté laitier.

Ramenée sur ce segment, l’importation de 99 000 téc supplémentaires « peut avoir un impact assez fort, notamment parce que cet aloyau est un élément déterminant dans la formation du prix payé aux éleveurs au sein de l’UE, et augmenter la part d’imports de viande compétitive pourrait affecter le revenu des éleveurs ».

D’après l’Idele, « la proportion d’aloyaux issus du Mercosur sur le marché de l’UE devrait augmenter de manière considérable, passant de 13 % en 2019 à 21 % ou 26 % en 2030 ».

Signature officielle au sommet du Mercosur ?

Initié en 1999, le projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur a débouché en juin 2019 sur un premier accord politique qui « reste depuis en stand-by, notamment parce que c’est un accord d’ancienne génération qui ne contient aucune disposition en termes d’environnement : c’est un des points de blocage majeurs ».

De son côté, la Commission européenne ne cache pas son intention d’aboutir à une conclusion avant la fin de l’année. Les représentants du Mercosur et de l’UE se sont rencontrés en marge du G20, les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro, un nouveau cycle de négociations s'est tenu la semaine dernière à Brasilia, et plusieurs sources tablent sur une signature officielle lors du sommet du Mercosur, du 5 au 7 décembre à Montevideo (Uruguay).

« Après la signature, il restera à savoir comment il sera ratifié », reprend Baptiste Buczinski. S’il reste tel quel, il devra être voté à l'unanimité au sein du Conseil de l’UE, et dans ce cas la France aura un droit de veto.

Mais il est possible que la Commission scinde l’accord en deux pour contourner cet obstacle. Alors la France n’aura pas de possibilité de veto et devra constituer une minorité de blocage de minimum quatre États-membres représentant 35 % de la population communautaire.

Lors du G20, Emmanuel Macron a affirmé que la France s’opposera à l’accord « en l’état ». Sur proposition du gouvernement, l'Assemblée nationale puis le Sénat français ont soutenu cette position. Lors de sa prise de parole précédant le vote des motions de censure du NFP et du RN, ce mercredi 4 décembre, le désormais ex-Premier ministre Michel Barnier a réaffirmé son opposition à l'accord.

Depuis quelques semaines, Paris redouble d’efforts pour rallier un maximum de pays, indique l’AFP. Avec un certain succès : fin novembre, la Pologne a officialisé son refus de l'accord en l'état. L'Autriche, les Pays-Bas et l'Irlande pourraient aussi rejoindre le bloc du « non », tandis que les positions belge et italienne restent incertaines.

Le 27 novembre, le président brésilien Lula a de son côté rappelé sa ferme intention de signer l'accord avant la fin de l'année, déclarant que les Français n'avaient pas le pouvoir d'empêcher le traité car « c'est la Commission européenne qui décide » au nom des États-membres.

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