
Christophe Vermet vend 500 t de céréales par an, utilise le marché à terme, le stockage à la ferme ou à sa coop, et les contrats pour se couvrir du risque volatilité des prix.
DÈS 2004, CHRISTOPHE VERMET DÉCIDE d'appliquer une stratégie afin de ne pas subir la volatilité des prix sur ses ventes de céréales. « Je faisais appel à Qualitechs pour m'apporter un conseil indépendant pour mes cultures. Cette société a fait intervenir une personne d'Offre et demande agricole (ODA) pour nous parler des instruments de couverture de risque, notamment des marchés à terme (MAT). » Séduit par le bénéfice qu'il peut en tirer, l'éleveur suit une formation pour comprendre le fonctionnement de cet outil et ouvre un compte à la société Calyon, filiale du Crédit agricole, devenue depuis Newedge. Cet éleveur exploite 147 ha et dispose d'un droit à produire de 500 000 l de lait. Il vend environ 500 t de céréales chaque année. Premier élément indispensable avant toute transaction : la connaissance des marchés. Pour cela, il adhère aux services d'ODA. « Je fais partie d'un club avec une dizaine d'agriculteurs. Nous nous réunissons tous les mois. La réunion est animée par une personne d'ODA qui nous décrypte la situation des marchés. » Christophe reçoit aussi un bulletin d'analyse mensuel. Des flashs d'alerte lui sont envoyés par fax ou SMS. Et en cas de besoin, il peut appeler une hotline afin d'avoir des conseils en direct. Coût de ces prestations : 700 €/an.
Deuxième préalable nécessaire : le calcul de son seuil de commercialisation. Il s'agit du prix auquel il doit vendre ses céréales pour couvrir ses charges et se rémunérer. « J'ai participé à un groupe Geda pour évaluer le coût de production de mes cultures. En 2010, j'ai évalué ce seuil à 135 €pour le blé. »
UN GAIN DE 80 €/T GRÂCE AU MARCHÉ À TERME
En collaboration avec son associé Jean-Pierre, Christophe applique deux stratégies différentes selon l'orientation des marchés. En 2010, ils étaient mal orientés au départ. En mai, l'éleveur vend 20 % de sa récolte (100 t) à sa coopérative à 124 €/t par contrat. « Ce prix était inférieur à mon seuil de commercialisation mais, à cette période, je craignais que les cours ne descendent encore plus bas. » Fin juin, l'éleveur observe une légère progression des cours. Il décide d'acheter deux call (100 t au total) à 140 €/t, dont l'échéance se termine en novembre. Il s'agit d'options d'achat de contrat sur le MAT à la hausse. C'est-à-dire que l'éleveur a la garantie de les vendre à ce prix, mais peut aussi profiter des hausses futures. Cette assurance a un coût : 4 €/t, qui varie en fonction de la probabilité que ce choix s'avère gagnant. Ici, il est relativement modéré car, à l'époque où il les achète, les marchés n'étaient pas orientés à la hausse. Ce pari se révèle gagnant puisque l'éleveur vend ses deux call à 224 €/t fin septembre. Bilan de l'opération : l'éleveur empoche 80 €/t (224 – 140 – 4) sur 100 t. Ceci ajouté à son contrat de 124 € qu'il a physiquement vendu à sa coopérative, il empoche 204 €/t (124 + 80) au final.
« À la récolte, j'ai vendu la moitié de ma production (250 t) car j'avais besoin de trésorerie. Ma coopérative m'a donné un acompte de 125 €/t. Elle me verse ensuite des compléments de prix. Aujourd'hui, le prix provisoire atteint 172 €/t. »
Face à des marchés encore orientés à la hausse, l'éleveur déploie une autre stratégie : le stockage. Il dispose de deux cases dans un bâtiment d'une capacité de 100 t. Là encore, le pari est positif car il les vend à 215 €/t en décembre. Lorsqu'il n'a plus suffisamment de place à la ferme, Christophe stocke ses céréales à sa coopérative. Coût : 7 €/t plus 1 € par mois. C'est l'option qu'il a retenue pour son maïs grain 2010. « J'ai vendu une partie à la récolte. Avec les compléments de prix en cours, le prix actuel atteint 170 €/t. Mais j'ai aussi stocké 50 t. Le cours continue sa progression et s'élève à 210-215 €/t. »
UNE OPÉRATION GAGNANTE SI LES COURS BAISSENT
Alors que son blé est totalement vendu physiquement, l'éleveur décide mi-janvier d'acheter quatre call (200 t au total) dont l'échéance se termine en mai. « Je souhaite profiter des hausses futures sur les volumes vendus à la récolte. Je préfère rester discret sur le prix auquel je les ai achetés car ces contrats courent toujours. » Le prix de ces options est relativement élevé et se chiffre 17 €/t car les marchés sont dans une tendance haussière. Coût de l'investissement : 3 400 €. « J'ai jusqu'au 15 avril pour déboucler ma position. Pour le moment, les cours ont progressé de 15 €/t, je couvre presque le prix du call. » Selon Mathieu Pacton d'ODA, il ne s'agit pas d'une démarche spéculative. « Un agriculteur a le choix entre stocker ses céréales, puis les vendre plusieurs mois plus tard pour profiter d'une augmentation des cours. Ou encore il peut les vendre à la récolte pour récupérer de la trésorerie, puis acheter des call pour bénéficier des hausses futures. »
Pour sa récolte 2008, Christophe avait employé une autre stratégie, les marchés étant orientés à la baisse. Il avait acheté des put pour se couvrir. Comme les call, ce sont des options d'achat de contrats sur le MAT. Mais cette fois-ci, l'opération est gagnante lorsque les cours baissent.
« Fin janvier 2008, j'ai acheté deux put à 200 €/t, échéance novembre 2008 à 14 €/t. Je les ai vendus le 15 octobre à 146 €/t. » Le bilan se révèle positif puisque l'éleveur empoche 40 €/t (200 – 146 – 14). La récolte a été vendue par contrat à un privé en août à 180 €/t. Sur 100 t, il empoche donc 220 €/t. Cette année-là, aucun volume n'a été stocké puisque les marchés étaient orientés à la baisse.
Au total, Christophe pense avoir économisé 20 000 € depuis six ans. Cela représente une plus-value moyenne de 10 à 20 €/t. « Certaines années, on n'a rien gagné, voire perdu un peu d'argent. » Il aimerait bien utiliser le marché à terme pour se couvrir face à la volatilité du lait. Deux contrats ont été lancés en septembre dernier sur le beurre et la poudre. Mais pour l'instant, très peu de transactions sont réalisées. « Les contrats de 24 t représentent 200 000 l de lait liquide et sont trop volumineux pour nous. »
NICOLAS LOUIS
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