« Avec En direct des éleveurs, le prix ne fait plus le yo-yo »

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Initiative. Le Gaec Le Prenat a rejoint en 2016 une laiterie détenue et dirigée uniquement par des éleveurs laitiers. Ayant gagné en visibilité, les associés envisagent leur activité autrement, et l’avenir plus sereinement.

Après la grève du lait de 2009, Damien Baril et Alex Gariou ont cherché pendant plusieurs années une solution pour ne pas devenir « esclave » des industriels. Ils ont rejoint l’aventure du lait En Direct des éleveurs (voir encadré) en 2016 afin de reprendre la main sur leur exploitation. « Je suivais le projet depuis sa genèse en 2010 et je connaissais bien les éleveurs qui en étaient à l’origine, relate Damien. Nous goûtions déjà aux joies de la vente en circuit court via un contrat pour des jeunes bovins parthenais avec l’enseigne Leclerc, à Challans. Être maîtres chez nous et retrouver le contact avec le consommateur étaient ce que nous recherchions également pour l’atelier lait. Mes parents faisaient déjà de la vente directe de lait dans les années quatre-vingt-dix auprès des campings de la côte vendéenne. Avec les normes sanitaires et les contraintes réglementaires actuelles, cela n’est plus envisageable. »

340 €/1 000 litres, quels que soient les taux

En 2015, Damien et Alex ont rencontré les éleveurs à l’origine du projet En direct des éleveurs et ont décidé de les rejoindre. « Nous étions alors en position de survie : l’exploitation tournait, mais il était impossible d’investir car nous ignorions l’évolution du prix du lait et surtout, ce n’était pas nous qui le fixions. De ce fait, la ferme vieillissait petit à petit. » Le 1er août 2016, Damien et Alex ont quitté leur laiterie coopérative « sans aucun problème ».

Désormais, la totalité du lait produit par la ferme est collectée par la laiterie En direct des éleveurs. « Tous les éleveurs collectés sont associés et prennent les décisions. Nous nous calons sur les besoins de chacun, par exemple pour le cadencier de collecte. Nous n’obligeons ainsi personne à changer le tank dont il est propriétaire. »

Techniquement, les modifications réalisées pour correspondre au cahier des charges d’EDDE étaient minimes. « Nous avions déjà arrêté le soja OGM et l’huile de palme, nous avions des oméga 3 naturellement grâce au pâturage. Ce qui a changé est que maintenant, nous surveillons ce paramètre. Il peut nous arriver d’apporter un peu de lin en hiver pour maintenir le niveau d’oméga 3. Nous n’avons pas d’obligation de moyens, mais de résultats. »

Le plus grand changement se trouve en dehors de la ferme. En tant qu’associés, Damien et Alex assurent des permanences à la laiterie pour superviser les salariés et gérer le quotidien, participent aux négociations avec les supermarchés afin de proposer le lait en rayon et aussi aux animations organisées pour être en contact direct avec les consommateurs. « Qui mieux qu’un éleveur peut expliquer comment son lait est produit ? »

Économiquement, Damien estime que le principal bénéfice de la démarche est d’avoir gagné en visibilité. « Même si nous n’avons pas encore atteint notre prix objectif de 400 €/1 000 litres, nous savons qu’il ne fera pas le yo-yo. Ici, il n’y a pas de prix A ou B. » Par ailleurs, quels que soient les taux, le lait est payé au même prix, 340 €/1 000 litres. Les surplus de matières utiles sont valorisés par la vente de crème dont les recettes sont réintégrées dans la rémunération du lait. Lors d’une tournée de collecte, c’est la moyenne du lait collecté qui est prise en compte. Des pénalités peuvent être appliquées si les taux ne sont pas atteints mais « nous n’avons jamais eu le cas pour l’instant », s’en félicite Damien.

« Nous allons enfin au bout de notre métier »

Ce qui fait briller ses yeux est de parler du contact retrouvé avec les consommateurs. « Cette démarche nous permet d’être proches d’eux, de leur expliquer comment nous produisons le lait qu’ils boivent. C’est très motivant ! Nous avons même réussi à mettre notre lait en vente dans les rayons de la petite supérette de Froidfond, c’est génial ! De plus, cette nouvelle approche nous a fait nous remettre en question, acquérir de nouvelles compétences que ce soit pour gérer les dix salariés de la laiterie, démarcher les distributeurs ou échanger avec les consommateurs. Nous allons enfin au bout de notre métier ! »

« Sortir de l’exploitation fait prendre du recul »

Cette diversification des tâches engendre un surcroît de travail. Damien et Alex l’avouent : « Nous avions déjà largement de quoi nous occuper. Nous avons optimisé notre organisation avec une plus grande anticipation des travaux de l’exploitation, la mise en place d’agendas croisés et surtout, beaucoup de communication. Et la reconduite du contrat de notre salarié sur la ferme nous permet de passer du temps à la laiterie. Nous y allons deux à trois jours par semaine répartis sur les deux associés. Ce n’est pas anodin, mais c’est super de sortir de l’exploitation et de rencontrer d’autres personnes que les intervenants habituels sur une ferme. Cela fait tomber des a priori, nous fait prendre du recul et aiguise notre sens critique. »

Cette nouvelle orientation de la ferme permet d’envisager l’avenir plus sereinement. Le bâtiment des vaches laitières est âgé et peu fonctionnel. Si les éleveurs n’envisageaient pas d’investir il y a quelques années par manque de visibilité, ce n’est plus le cas. « C’est devenu un projet concevable d’ici deux ou trois ans car nous savons que le prix du lait se maintiendra. Il faut encore que nous rétablissions notre trésorerie qui a subi des années compliquées. Ce n’est que le début, mais il s’annonce prometteur ! »

Émilie Auvray

© E.A. - Trèfle et plantain­. Depuis le printemps 2017, le pâturage tournant dynamique a été mis en place avec 23 parcelles de 45 ares pour les vaches. Les premières observations sont très prometteuses : sans aucun engrais hormis les bouses, la consommation de maïs ensilage a baissé d’un tiers dès la première année et la production laitière a été maintenue. Le trèfle et le plantain sont revenus naturellement, sans resemis.E.A.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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