« Je n’utilise que des taureaux issus des souches confirmées »

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						Choix des taureaux. ,  explique Guy Viennet. Il utilise indifféremment de la génétique made in Eva Jura, Umotest ou Montbéliarde Sélection.
							© j.-m.v.
Choix des taureaux. , explique Guy Viennet. Il utilise indifféremment de la génétique made in Eva Jura, Umotest ou Montbéliarde Sélection. © j.-m.v. (©)

Fiabilité. Passionné de génétique, Guy Viennet privilégie dans ses accouplements les taureaux – eux-mêmes et leurs ascendants – à plus de 72 de CD. C’est, à ses yeux, un gage indispensable de leur fiabilité. Ce choix semble lui réussir assez bien.

Installé depuis 1992 sur les hauteurs de Salins-les-Bains (Jura), Guy Viennet fait partie de ces éleveurs devenus atypiques. Ceux qui ne délèguent pas totalement à leur coop d’IA, et à un logiciel, les choix d’accouplements. Ceux qui, malgré la flopée de génomiques qui sortent, s’intéressent encore à leurs généalogies et surtout aux souches dont ils sont issus. Vous l’aurez compris, Guy Viennet est plus éleveur que producteur de lait. Cela dit, il a la chance d’être dans une filière qui lui permet de bien vivre de son métier. Ses 240 000 l de lait sont transformés à la fruitière de Salins-les-Bains en AOP comté et morbier, avec, à la clé, un prix moyen de l’ordre de 580 €/1 000 l. Pas besoin, dans ces conditions, d’empiler les vaches pour sortir du revenu. Guy se contente donc d’une trentaine de laitières. Le détail a son importance, quand non seulement on veut gérer soi-même ses accouplements, mais qu’avant de choisir un taureau, on épluche son pedigree sur plusieurs générations. C’est ce qu’il fait depuis cinq ans. Avant, comme beaucoup, il sélectionnait les taureaux sur leurs seuls index. S’il a changé son fusil d’épaule, c’est qu’il a eu, comme il le dit, « une révélation ». En 2013, Jura-Bétail sort de chez lui un taureau à 140 d’Isu, prometteur en mamelle. Mais le 115 en synthèse de Grog JB (Valfin JB/Boissia JB/Merci) fait long feu. Il commence par s’éroder, jusqu’à plonger, en 2017, avec l’arrivée de ses filles, à 87. « Ça m’a réveillé. Je me suis penché sur les ascendants pour constater que l’index mamelle de Valfin avait chuté et ceux de Boissia et Merci étaient loin d’être au top. J’en ai retenu un principe : utiliser un géniteur dont l’un des ascendants s’est planté, c’est se tirer une balle dans le pied. »

Généalogie décortiquée sur 3 générations ou plus

Plus concrètement, à chaque sortie d’index, Guy suit le même rituel. Il présélectionne une dizaine de taureaux pour en retenir trois ou quatre. Pour chacun, l’ascendance côté mâle et femelle est décortiquée sur au moins trois générations. Le site de l’OS Montbéliarde lui est, à ce titre, précieux. Il a aussi ses antennes : éleveurs, techniciens génétiques, conseillers d’élevage, auprès desquels ils trouvent des informations. Incontournables aussi, selon lui : les catalogues, qu’il archive afin de suivre l’évolution des index. Pour ce travail à part entière, il avoue passer en moyenne une vingtaine d’heures par taureau. Quand on aime, on ne compte pas… son temps.

« Actuellement, je m’intéresse à Overboard (Malor/Ilax/Fuzzy), à 157 d’Isu, sorti par Umotest. J’ai appris que dans l’élevage du naisseur, une bonne partie du troupeau était issue de son origine maternelle. Malor, le père d’Overboard, est lui-même issu d’une très bonne souche femelle du Gaec du Champenois (Haute-Savoie). S’y cumulent plusieurs générations de taureaux confirmés… Autant de gages de fiabilité. »

72 de CD, un minimum sauf exception

La règle générale qu’il s’est fixée est de n’utiliser que des taureaux confirmés avec des ascendants ayant confirmé. Traduisez : des géniteurs indexés avec des CD supérieurs à 72 signifiant qu’ils ont des filles vêlées. Il n’y fait que rarement exception. Ça sera le cas pour Overboard (à 67 de CD), mais aussi pour NoelCerneu (à 70 de CD) dont il a acheté 25 doses, en a utilisé 5 pour fabriquer des femelles qui seront génotypées, pour voir. « Ses quatre générations de taureaux confirmés (Cargo/Elastar/Urbaniste/Nikos) et son 134 en mamelle en sont l’explication. »

Pour autant, parce qu’il ne veut pas passer à côté d’une génétique intéressante, Guy ne s’interdit pas « des coups de poker ». Chaque année, il achète des doses de jeunes taureaux, souvent sexées, qu’il met en réserve en attendant qu’ils confirment. Il avoue un stock de 150 doses, d’un montant de l’ordre de 5 000 €.

Sachez-le, ici, la fiabilité du taureau prime sur son Isu. « Dans le top 20 Isu actuel (plus de 153 d’indice), il n’y en a qu’un ou deux, comme Overboard, qui m’apparaissent fiables. En revanche les quatre petits-fils d’Hummer de la liste ne m’inspirent pas confiance, même le n°1, Onemillion. Je n’en achèterai pas. Hummer a en effet énormément baissé entre sa sortie en 2015 et aujourd’hui : 164 à 117 d’Isu/1 173 à +301 kg/122 à 106 en morphologie. »

D’ailleurs, Guy ne se focalise pas sur l’Isu, critère qu’il juge trop synthétique pour ses objectifs de sélection. Il lui préfère les index élémentaires. Il donne aussi, à son goût, trop de poids aux taux. C’est ainsi qu’il a utilisé en 2018 un géniteur comme Iledor, à 112 d’Isu mais à 131 en support et retenu aussi, pour son montage, Guiluxe sur une souche femelle confirmée­, celle de Burochère (Nikos/Masolino) du Gaec du Champenois (Haute-Savoie).

« Je suis inquiet de voir la façon dont on utilise aujourd’hui la génomique dans nos schémas de sélection. Vouloir à toute fin faire du cumul d’Isu sans plus s’intéresser à la fiabilité des ascendants écarte, à mon avis, trop de bonnes souches femelles ou en abîme certaines. »

« Mes priorités : membres, volume et support »

Depuis son installation, Guy travaille sur la longévité de son troupeau à travers­ les membres, les mamelles. « Je suis intransigeant sur les pattes, en éliminant systématiquement les animaux panards. Pour le volume et le support­ mamelle, je n’accepte que très exceptionnellement des taureaux à moins de 100. » Sur les critères de production, il dit aussi ne pas avoir de seuils. En revanche, il est très vigilant à choisir au moins toutes les trois générations un plus de 800 kg de lait.

Chaque année, c’est une dizaine de taureaux qui sont utilisés pour les 60 à 65 vêlages programmés. La moitié des IA se font en doses sexées. Ce sont une trentaine de génisses qui sont élevées et vêlent chaque année. La pression de sélection s’est accrue ces cinq dernières années avec un taux de renouvellement de 50 %… Choix qui a un coût certain, même en vendant les deux tiers des vaches en lait. La sélection menée sur la voie femelle est tout aussi pointue. Depuis le début, Guy s’attache à travailler ses souches : dès son installation, il a acquis, pour pas trop cher, de très bonnes vaches dédiées à la réforme, en vue de les transplanter. Exemple avec Élue, une Tartars/Namur (la pleine sœur d’Écossais) de l’élevage Thoully (Jura) qui a fait souche à Thésy. Plus tard, c’est en achetant des embryons qu’il a procédé, comme en 2014 avec ceux de la célèbre Délicia VR de l’élevage Vivieroche (Haute-Saône), arrivée dans le Jura à l’élevage Vacelet. Montant de l’investissement : 10 000 € (20 embryons + frais divers liés aux 10 receveuses achetées puis revendues).

5 000 € à 10 000 € investis chaque année

Le troupeau actuel de laitières est ainsi issu d’une dizaine de souches, dont trois majeures. Les descendantes d’Élue, Délicia VR et Ursula (élevage­ Vermot-Jura, naisseur de Corail et Namur) y pèsent les deux tiers des effectifs. Entre les achats d’embryons et d’animaux, les transplantations embryonnaires et les génotypages systématiques depuis qu’ils existent sur toutes les femelles, Guy Viennet estime investir, selon les années, entre 5 000 et 10 000 €. Un coût que d’aucuns trouveraient exagéré. Mais c’est ici un choix assumé, même si le retour sur investissement commence seulement à se sentir financièrement­.

Sur le plan technique en revanche, les résultats sont indéniablement au rendez-vous. On l’a vu le 18 octobre, quand Guy Viennet a présenté les 29 vaches de son troupeau à la manière d’un comice avec une équipe de 15 jeunes. Il y avait là des aplombs très solides et d’excellentes mamelles. Le bilan génétique montre également une progression certaine en morphologie (voir ci-contre). Cela vaut aussi en potentiel lait, pas sur les taux. Mais Guy reste serein. Il y a dans la race suffisamment de taureaux améliorateurs en TP et TB pour corriger son tir.

Jean-Michel Vocoret

© j.-m.v. - Choix des taureaux. « Tout index doit être mis en relation avec sa fiabilité. Mon critère n° 1 de choix d’un taureau est son CD, le second celui de ses ascendants sur au moins trois générations », explique Guy Viennet. Il utilise indifféremment de la génétique made in Eva Jura, Umotest ou Montbéliarde Sélection.j.-m.v.

© J.-M. Vocoret - Modèle de pis. La mamelle d’Oyouyou (Golestan/Appolo JB/Triomphe), issue de la souche Elue, est le modèle de ce que recherche Guy Viennet sur une toute jeune vache : un ligament bien marqué, pas de volume, des attaches solides mais aussi, en plus, un tissu très souple et élastique qui fait que, trait, le pis aura zéro volume. J.-M. Vocoret

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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