Changement. Eville et Eolonne prennent d’assaut les pedigrees, pour diluer ou exclure Uperise, Ulozon et Uvray. Cela donne des profils forts en taux et équilibrés.
Les sélectionneurs normands n’ont pas la tâche facile. Ils ont pour mission de préserver la mixité de la race tout en répondant à des demandes contradictoires. Schématiquement, les éleveurs privilégient soit le lait, avec des vaches aux aplombs solides et faciles à traire (mamelle, vitesse de traite), soit la valeur ajoutée, via les taux et la valorisation bouchère. En plus de l’Isu qui réalise un subtil compromis entre ces différents caractères, Évolution et Origen Normande définissent leurs propres axes. Sans perdre l’avance sur le TP, les deux entreprises se préoccupent du TB. « Nous voulons rapprocher le progrès génétique de celui du TP », indique Jean-Christophe Boittin, d’Évolution. « Après avoir longtemps privilégié le TP, nous ressentons génétiquement le déficit en TB. Nous accélérons sur ce poste », complète Matthieu Chambrial, d’Origen Normande. De même, ils sont d’accord sur les efforts à faire sur les aplombs, d’autant plus que chacun développe ses propres index sur la santé du pied. « Nous sommes proches du progrès génétique que nous avons connu sur la mamelle », estime Jean-Christophe Boittin.
La variabilité, challenge d’une race nationale
Évolution exerce également une pression de sélection sur la largeur de poitrine et celle des ischions : « Nous les avions un peu perdues de vue. Nous redressons la barre depuis quatre ans pour préserver la mixité normande. »
Chez Origen Normande, on souligne le travail sur la traite : « Les index résistance aux cellules sont aujourd’hui élevés. Comme ils sont corrélés négativement à la vitesse de traite, les troupeaux s’agrandissant, il ne faut pas qu’ils dégradent cet aspect-là. » Tout cela sans relâcher la pression sur le potentiel laitier.
On peut considérer que les treize taureaux présentés dans le tableau ci-dessous constituent le haut du panier du compromis entre le lait, les taux et l’aptitude bouchère. Quatre d’entre eux figuraient déjà dans la sélection 2019 de L’Éleveur laitier : Orfevre, Nagua, General et Incross.
La recherche de pedigrees sans Uperise et/ou sans Ulozon aide les deux entreprises de sélection à atteindre leurs objectifs, en particulier sur le TB. Dans le cas contraire, elles essaient de privilégier la variabilité sur les allèles chromosomiques. C’est le cas avec Ocasse, qui cumule les sangs Uperise, Ulozon (lignée Driver) et Uvray (Diamètre). Son Isu recalculé avec la variabilité allélique augmente de 8 points. Origen Normande est allée chercher son grand-père maternel, General, et surtout Parapet, né en 1999, pour contrer les trois familles.
En visant des femelles sans problème de mammites,Origen Normande conseille Ocasse surles filles d’Atome, Eville, Himpala, Habana ou Ionys.
Eville à l’honneur
Pour sortir de la lignée Driver, les ES s’appuient sur Saintyorre via Eolonne et Eville. Ce dernier ressort de notre tri avec les fils de Mercredi et Manchester.
Mercredi a donné naissance à trois jeunes sans sang Uperise : les deux pleins frères Orneus et Oxygene, et Oltraford. Tous les trois ont un coefficient de parenté avec la population femelle sous les 6 %, ce qui leur confère une prime à la variabilité génétique. Orneus et Oxygene ont un atout supplémentaire : leurs allèles chromosomiques amplifient leur variabilité, en particulier Oxygene. Son Isu parenté le fait passer devant Orneus. Il atteint les 163 points (+ 12 points par rapport à l’Isu), contre 152 points pour son frère (+ 2 points).
Son arrière-grand-père Virbak (554 filles), peu utilisé, joue probablement un rôle dans ce résultat. S’il a un potentiel laitier et un index reproduction inférieurs (468 kg contre 580 kg, et 0,2 contre 0,8), il se distingue d’Orneus par la santé de la mamelle (1,7 contre 0,6). Neutres en format et musculature, ils s’adapteront facilement aux profils laitiers ou bouchers. À noter aussi qu’Origen Normande continue de diffuser un fils de Virbak, Gaiac, qui a un des coefficients de parenté femelle les plus faibles (1).
Le numéro 7 au classement Isu, Oltraford, sera peut-être un peu plus délicat à accoupler car il fabrique de grandes vaches (2,3 en taille), moins à la mode. Elles ont des besoins d’entretien élevés. D’ailleurs, Oltraford est le seul de notre sélection à développer autant la taille.
Évolution conseille Orneus et Oxygene sur les origines Uperise, Game Over, Alma et Jaures, et Oltraford sur toutes les origines Uperise, Ulozon et Atome.
De son côté, Manchester, l’autre fils d’Eville, propose trois descendants un cran en dessous en matière de variabilité (plus de 6 % de parenté femelle).
Il n’a pas pu échapper à l’emprise d’Uperise, qui est son arrière-grand-père maternel. Heureusement, les deux issus de notre sélection, Orostable et Prospero, se rattrapent avec une légère variabilité allélique et se démarquent par la facilité de naissance du veau. Une bonne nouvelle pour les génisses.
Évolution conseille Orostable sur les filles de J acaranda, Lunivers, Netflix, Loco, et Prospero sur celles de Lislander, Montfort, Laureas et Jasmin.
Deux stratégies de sélection
Prospero est aussi le petit-fils de Jesse PC, un taureau confirmé qu’Origen Normande continue de diffuser sur commande. « Après 25 000 IA, il arrive au bout de son stock. Numéro 2 du classement Isu, il résiste aux nouvelles générations. C’est une grande satisfaction. » Avec 20 taureaux de moins qu’Évolution dans son schéma, l’ES met en service 30 % à 40 % de pedigrees constitués de taureaux confirmés. « Même si nous sommes moins présents dans le top 20 Isu, nous assumons ce choix, ce qui n’empêche pas de bons résultats, par exemple Ouijoli, le nouveau leader de la race (2). » De son côté, « Évolution, en conservant plus de taureaux, varie les pères. Nous effectuons un tri sur la base de nos objectifs et par rapport aux attentes des éleveurs », explique l’ES.
(1) Lire p. 68, l’article sur les profils fonctionnels.
(2) Lire p. 66, l’article sur les profils laitiers.
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