« Plus d’autonomie avec les hybrides dentés farineux »

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Maïs fourrage. Dans le contexte ardennais, les associés de la ferme de Turenne sont séduits par le potentiel de rendement grains des maïs hybrides m3. Un moyen de ­sécuriser leur autonomie avec un fourrage riche en énergie.

Avec la certification Iso 14 001, Jean-Christophe et Olivier Lepage sont entrés dans une logique de remise en question permanente. Plus qu’un simple brevet de bonne conduite, il s’agit d’une démarche globale d’exploitation, pilotée collectivement avec l’association Terr’Avenir. La certification, validée par un audit annuel depuis 2009, prévoit un ensemble d’indicateurs à faire progresser dans le temps, parmi lesquels l’autonomie alimentaire.

« Cette réflexion nous amène à miser sur la voie fourragère pour faire l’impasse sur les achats de pulpes et de concentrés de production, explique Jean-Christophe. L’objectif est d’atteindre 90 % d’autonomie, tout en faisant passer le coût alimentaire actuel de 125 € sous la barre des 100 €/1 000 litres. » Pour améliorer la productivité par les fourrages, les deux frères implantent 5 ha de la variété de maïs m3 de Pioneer en 2015, puis 15 ha, et 30 ha cette année, soit 100 % de la surface dédiée au fourrage.

« Le rendement, sans perdre la digestibilité »

« C’est la première fois que l’on me propose un concept avec ce niveau de rendement. Dans nos terres profondes, bien pourvues en eau, ces variétés permettent de maintenir la culture aux champs plus longtemps, pour aller chercher les 20 tonnes de matière sèche par hectare à 36 ou 37 % de MS, tout en gardant des tiges et des feuilles vertes pour ne pas pénaliser la digestibilité. » Cette génération d’hybrides (voir L’Éleveur laitier n° 254), adaptés au climat du nord de la France (indices précoces 260, 280 et 300), est issue du croisement d’espèces à grains dentés farineux : d’une part, des espèces tardives sélectionnées pour leur fort potentiel de rendements en grains et, d’autre part, des espèces typées ensilage tournées vers la production de biomasse, capables de rester vertes en fin de cycle. L’avantage des grains dentés est de conserver un amidon farineux, c’est-à-dire plus digestible que celui des grains cornés ou cornés dentés qui devient vitreux au-dessus de 35 % de MS. Selon le semencier, cette spécificité permet de retarder la récolte d’une dizaine de jours pour que le maïs exprime tout son potentiel (soit jusqu’à 38 à 40 % de MS). Mais cette approche soulève des interrogations : risque acidogène élevé, dessèchement de la plante en fin de cycle ou mauvais tassage du silo.

« Le tonnage dilue le coût de production »

Cette année, chez Jean-Christophe et Olivier, le maïs m3, indice 260, a étésemé le 4 avril et ensilé le 5 septembre à 37 % de MS avec un conservateur (Lactobacillus buchneri). Ce taux de MS laisse craindre une porosité du tas d’ensilage propice à des reprises en fermentation. Mais la densité de 227 kg de MS/m3 (optimum : 240 kg de MS) et surtout une avancée du front d’attaque de 20 cm/jour vont dans le sens d’une bonne prévention contre ce risque. Le rendement après cubage est de 19 t de MS/ha. « Certes, les conditions étaient très favorables, mais en récoltant à 32 % de MS, nous perdions 2 à 3 t de MS/ha. Or, par effet de dilution, chaque tonne en plus réduit le coût de production du maïs de 6 €/t de MS produite », souligne Olivier.

Dans ce contexte, Loïc Aubry, responsable produits chez Pioneer, estime que les éleveurs auraient pu gagner davantage avec une variété un peu plus tardive. Le réglage de la longueur de coupe à 15 mm offre une structure d’ensilage avec une proportion importante de particules supérieures à 8 mm (voir photo) qui présentent un risque de tri. « Idéalement,il faudrait compléter la ration avec de l’ensilage d’herbe ou du foin coupé très court pour viser un optimum de 60 à 80 % de taille de particules entre 4 et 19 mm », explique Michel Vagneur, vétérinaire nutritionniste, consultant pour Pioneer. Or, le robot de distribution automatique Lely agit comme un bol mélangeur. Il ne hache pas les fibres et la ration finale contient beaucoup de particules longues. Elle est de fait un peu encombrante, mais sécurisée au regard de la teneur en amidon du maïs : 34,4 %.

« Le maïs n’est pas encore stabilisé »

La qualité de cet ensilage ne se démarque pas de la moyenne régionale des maïs de même indice, récoltés à 35,2 % de MS. « La proportion de parois végétales (NDF) est plutôt basse, comparée à un repère de 410 g/kg de MS, mais leur digestibilité reste élevée, observe Bertrand Carpentier, référent Arvalis en région. La teneur en amidon devra cependant être diluée pour préserver l’équilibre du rumen. »

La ration établie par Michel Vagneur tient compte de cet aspect. Distribuée en huit ou neuf repas à l’auge, elle comprend 30 kg bruts de maïs, 9 kg d’ensilage de prairie naturelle réalisé le 1er mai, 2 kg de foin, 0,5 kg de mélasse, 1,5 kg de colza, 1,5 kg de soja et 1 kg de maïs humide. En complément au robot de traite, les vaches ont en moyenne 1,4 kg de soja, 1 kg de maïs grain sec, 1,3 kg de Bondanut (biscuits, 1,2 UF). Sur la base d’une ingestion de 20 kg de MS, de 2,8 traites/jour et d’un stade de 6 mois de lactation, le niveau de production permis par la ration est de 27,5 litres, 42 de TB et 34 de TP. Cette performance est enregistrée le 28 novembre, vingt-sept jours après l’ouverture du silo. « Le maïs n’est pas encore stabilisé, indique le nutritionniste. Le niveau de production un peu bas et les taux élevés laissent penser qu’il y a encore une part d’amidon by-pass non négligeable. » Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle l’amidon farineux plus digestible autorise une ouverture précoce du silo.

Jérôme Pezon

© j.pezon - « Optimiser la qualité des fourrages est un moyen de mieux maîtriser ses coûts de production, mais aussi d’accroître la part de maïs grain commercialisée. C’est du revenu net en plus », expliquent Olivier et Jean-Christophe­ Lepage.j.pezon

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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