
DEPUIS CINQ ANS, LA BETTERAVE EST DE RETOUR DANS LES DEUX-SÈVRES POUR VALORISER LES TERRES SÉCHANTES. VIA LA CUMA, DES ÉLEVEURS DISPOSENT DU MATÉRIEL POUR PRODUIRE CETTE CULTURE.
STÉPHANE ET FRANCK POIGNANT SONT INSTALLÉS EN GAEC LAITIER sur la commune de Pugny (Deux-Sèvres). Dans ce secteur de bocage, les terres sont très séchantes en été et les rendements en maïs non irrigué peuvent chuter à 8 ou 9 t de matière sèche par hectare avec une faible valeur énergétique. « Depuis 2011, nous avons introduit 5 ha de betteraves fourragères dans notre assolement, car cette culture résiste bien à la sécheresse, explique Stéphane. La plante peut végéter plusieurs semaines et repartir quand la pluie revient. Le rendement varie entre 12 et 16 t de MS/ha avec une valeur énergétique qui reste élevée. » Le principal problème à résoudre était celui du matériel. Mais ce frein a été levé grâce à la Cuma départementale du Bocage, située à Nueil-les-Aubiers (lire aussi p. 66), qui a permis de fédérer une vingtaine d'éleveurs et a investi dans un semoir, une bineuse et une arracheuse. La plante est semée avec un espacement de 50 cm, pour obtenir une couverture rapide du sol et pouvoir tout de même passer en tracteur entre les rangs. La Cuma dispose d'un semoir de 6 m en 12 rangs de marque Kuhn. Ce semoir reste toute l'année avec un interrang de 50 cm car certains adhérents l'utilisent ainsi pour du maïs, du colza ou du lupin. Au final, il est employé sur plus de 400 ha par an.
« LES TERRES À CAILLOUX SONT DÉCONSEILLÉES »
Les agriculteurs privilégient les parcelles saines où le matériel peut circuler à l'automne sans risque de tassement. Les terres à cailloux sont aussi déconseillées, car les pierres compliquent la récolte et la distribution aux animaux. « Nous semons entre 85 000 et 110 000 pieds à l'hectare, ajoute Stéphane. Il faut une préparation de sol fine pour pouvoir enterrer la graine à environ 2 cm de profondeur. Le démarrage est une phase critique. » Les jeunes plantes sont sensibles aux attaques d'altises. C'est pourquoi il est recommandé de travailler sur un sol réchauffé afin que la culture démarre rapidement.
« LE DÉSHERBAGE EST UNE ÉTAPE SENSIBLE »
Mais l'étape sensible est celle du désherbage : la betterave ne supporte pas la concurrence. Les chénopodes ne sont pas très gênants, contrairement aux graminées dont la présence complique le nettoyage lors de la récolte et dégrade le stockage. Stéphane et Franck traitent en post-levée avec du Bétanal Mobilis qu'ils fractionnent en deux passages espacés de huit à dix jours. « C'est un produit très décapant, avertit Stéphane. Je connais plusieurs agriculteurs qui ont utilisé un pulvérisateur mal rincé. Tous les résidus des traitements précédents se sont décollés de la cuve et sont passés dans la bouillie. Les betteraves n'ont pas résisté. » Le traitement chimique est complété par un binage environ un mois après la levée. La Cuma possède une bineuse Agronomic à douze rangs, équipée d'une caméra de recentrage. Le Gaec possède également sa propre bineuse en six rangs.
« NOUS STOCKONS SUR UNE PLATEFORME BÉTONNÉE »
La récolte débute vers la fin du mois d'octobre quand la météo est favorable. L'arracheuse de la Cuma est une machine à six rangs de marque Moreau achetée d'occasion dans l'Oise en zone sucrière. L'arrachage des betteraves fourragères ne nécessite pas de grandes modifications. Chaque automne, la machine récolte entre 80 et 110 ha dans un rayon de 50 km autour de sa base. Le débit de chantier est d'environ 1 ha de l'heure, mais il s'agit souvent de petites parcelles de 0,5 à 5 ha. L'idéal est d'implanter un maïs en bout de champ pour faciliter le détourage. Il faut aussi des parcelles le plus droit possible pour faciliter le binage et la récolte. La trémie d'attente a une capacité de 7 m3 et selon la distance du silo, deux à trois remorques sont nécessaires.
« Nous stockons les betteraves sur une plateforme bétonnée, ajoute Stéphane. Le tas mesure en général 6 m de large sur une hauteur de 2,50 m au maximum. Il est couvert contre le froid et l'humidité. » La betterave reste une racine vivante qui doit respirer. C'est pourquoi les premières années, ils utilisaient de la paille recouverte par une bâche noire perforée. Ce n'était pas pratique, car la paille humide se retrouvait dans la ration. Fin 2014, ils ont acheté une géomembrane étanche et respirante qui semble satisfaisante.
Il existe des solutions pour éliminer les corps étrangers, notamment les pierres, soit par flottaison, soit avec des godets spécifiques pour les betteraves (voir encadré page suivante). Au Gaec, les betteraves sont distribuées entières dans la mélangeuse avec l'ensilage, même si les cailloux ont fini par avoir raison des couteaux. La betterave est un produit frais très appétant : les vaches se jettent dessus. « Nous avons constaté chez nous, comme chez de nombreux voisins, que les problèmes de santé des vaches diminuent quand elles consomment des betteraves, explique Franck. Nous avons aussi moins de problèmes de fertilité. »
La betterave se conserve généralement jusqu'à fin mars. Ensuite, la qualité des racines se dégrade rapidement. « Après cinq campagnes, nous sommes satisfaits d'avoir réintroduit cette culture, conclut Stéphane. Malgré un manque d'appui technique au départ, nous progressons chaque année, notamment sur les aspects semis et désherbage. »
DENIS LEHÉ
Distribution Au Gaec, les betteraves sont distribuées entières dans la mélangeuse, en même temps que l'ensilage. © D.L.
Récolte L'arracheuse achetée d'occasion en zone sucrière récolte chaque année entre 80 et 110 ha de betteraves. © D.L.
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