Diversification. Associés au sein d’un GIE, cinq éleveurs lozériens sous-traitent la collecte et la transformation d’une partie de leur lait à un artisan fromager. Après la phase d’affinage, ils assurent eux-mêmes la commercialisation.
L’initiative est originale : commercialiser un fromage identifié à une race, la brune, reconnue pour la fromageabilité de son lait riche en kappa-caséine BB, mais aussi en bêta-caséine A2A2.
Tout a commencé en 2016, à l’occasion du Mondial de la brune, organisé à Mende (Lozère). Dans ce département, cinq exploitations 100 % brunes décident de valoriser une part de leur production en circuit court, en partenariat avec la fromagerie familiale Baechler, dans le Lot-et-Garonne, à 300 km. « Nous voulions profiter de l’organisation de ce mondial afin de présenter, pour la première fois, un fromage fait exclusivement à base de lait de brune », explique Marie Favier, l’une des associés, installée à Barjac. Pour nos exploitations en zone difficile produisant de 250 000 à 300 000 litres de lait, c’est une voie de diversification presque obligatoire qui permet de mettre une petite partie de nos volumes à l’abri de la volatilité. »
Deux fromages, Le Fondant et Le Paysan, estampillés « Au bon lait de brune » seront d’abord présentés au SIA 2016, puis un troisième, Le Gourmand, lors du Mondial de la brune.
« Le GIE, pour rester propriétaires de notre lait »
« Le bon retour des consommateurs nous a décidés à créer le GIE Saveur de Lozère dès le mois de juin, explique Marie. La collecte et la transformation sont confiées à un prestataire, puis nous récupérons les fromages une fois affinés pour les commercialiser. Dans cette logique, le GIE était la seule forme sociétaire permettant de rester propriétaires de notre lait puisqu’il n’est pas vendu au fromager. En tant que livreuse Sodiaal, l’option de la coopérative était exclue, car je ne pouvais pas vendre mon lait à deux coopératives différentes, en raison de l’exclusivité des livraisons. »
Cinq exploitations de 50 à 65 vaches laitières s’engageront dans ce projet collectif. Elles vont saisir l’opportunité de se rattacher à une collecte existante en Lozère de lait bio de chèvres et de brebis à destination du Lot-et-Garonne. « Avec un ramassage du lait deux fois par mois, il suffisait d’ajouter une cuve pour la fromagerie. »
Sans atelier de transformation, ni magasin de vente, ce projet représente néanmoins un investissement initial de 35 000 €, c’est-à-dire une chambre froide pour la réception des fromages (installée dans un local loué à la mairie de Chanac), du matériel pour le local et les marchés, un fourgon d’occasion dans lequel est installé un caisson frigorifique, et la constitution des stocks. « Pendant la première année, nous avons fourni du lait au GIE sans être payés, soit 15 000 à 32 000 litres par exploitation. »
Le GIE propose ainsi à la vente quatre recettes au lait entier pasteurisé ou thermisé : deux tommes à pâte molle de deux mois et demi à six mois d’affinage et deux tommes à pâte pressée semi-cuite de six à dix-sept mois d’affinage, pour un poids d’environ 5,5 kg la pièce.
« Nous avons su diversifier notre clientèle »
La commercialisation se fait dans quatre grandes surfaces du département, un marché local une semaine sur deux, un marché une fois par mois à Clermont-Ferrand (170 km) et quelques grosses foires locales… « C’est complémentaire, souligne Marie. Ici, les GMS sont très ouvertes aux produits locaux. L’Hyper U de Mende nous a par exemple bien accompagnés lors dulancement. Avec cette enseigne, nous avons un contrat d’approvisionnement annuel. C’est un contrat de confiance oral, sans engagement sur les volumes. Tout se fait par échange de mail au coup par coup, avec une forte saisonnalité de la demande en été. C’est un moyen d’écouler des volumes. Les marchés sont plus chronophages, mais plus intéressants financièrement. » Selon la durée d’affinage, le fromage est vendu en GMS entre 11 et 14 €/kg et sur les marchés entre 13,50 et 17 €.
Mais dans un département qui compte 74 000 habitants et quarante producteurs fermiers de fromage au lait de vache, la concurrence oblige à développer des débouchés hors Lozère. Le GIE s’est donc positionné sur la restauration hors foyer. Il approvisionne des cantines scolaires du département via la plateforme Agrilocal 48, mais aussi à Béziers et à Nîmes dans une région, l’Occitanie, où le fromage local de vache est rare. Grâce à des contacts pris lors du SIA à Paris(1), des fromages sont aussi expédiés dans le Nord ou en Côte-d’Or chez un ancien éleveur de brunes aujourd’hui traiteur. « Tous ces débouchés sont le fruit de rencontres faites au hasard. Une fois encore, il n’y a pas d’engagement sur des volumes, mais nous sommes confiants car l’essentiel est d’avoir su diversifier notre clientèle. »
« Un prix sécurisé à 500 €/1 000 litres au minimum »
Sur ce modèle, 180 000 litres ont été valorisés en fromages en 2018 (de 30 000 à 40 000 litres par exploitation), soit 20 tonnes de fromages. Un litre de lait valorisé à 5,80 €, après avoir déduit 0,91 € de charges, hors temps de travail des éleveurs dédié à la vente. « Cela garantit à chacun un prix de base de 500 €/1 000 litres. Le chiffre d’affaires au-delà de ce prix minimum est équitablement réparti entre les associés. Non négligeable, cette valorisation participe à rémunérer le temps passé, même s’il est vrai que nous avons des difficultés à l’évaluer. » Autre difficulté à surmonter, le passage officiel en bio de quatre exploitations sur cinq au sein du GIE : avec un prix de base laiterie compris entre 470 et 480 € en bio, cela réduit l’intérêt financier de la vente directe.
Les neuf éleveurs ont donc engagé une réflexion en vue de développer les volumes. Pour cela, ils se sont adjoint les services d’un conseiller marketing afin de passer un cap commercial, à traversune stratégie marketing visant à mieux cibler les attentes des consommateurs et des conseils dans leurs démarches de négociation et de prospection. « Développer les volumes est un autre métier, c’est pourquoi, il nous a semblé indispensable d’être accompagnés. »
(1) Depuis 2016, le GIE propose ses fromages sur le stand de la race brune.
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