À Siem Reap, une belle amitié s’est créée autour d’un fromage.
J’avais neuf ans quand les Khmers rouges ont emmené mes parents. Pendant trois ans et vingt-quatre jours, j’ai été envoyé dans un camp de travail. Ma ration journalière était une pomme de terre et une banane. Chaque jour, ils tuaient quelqu’un. Il arrivait souvent que l’on demande aux enfants de décider qui l’on devait tuer aujourd’hui. »
Rien, dans le visage jovial et souriant de Chann Vuthy, dit « Titi », ne paraît des souffrances qui ont jalonné sa vie jusqu’en 2004, lorsqu’il rencontre Roberto, « mon frère », et ouvre avec lui la pizzeria dans laquelle nous nous trouvons ce matin. Depuis cinq ans, il est le premier et peut-être toujours l’unique Cambodgien à fabriquer du fromage. Et du fromage qui a du goût !
Tout a commencé en 2009, alors que faire venir de la mozzarella de Thaïlande devenait trop cher et compliqué. Un jour, Roberto a dit à Titi : « Puisque tu as envie de faire du fromage, on va essayer ! » Titi ne s’est pas fait prier : « J’ai regardé des petits films de fabrication sur Internet. C’était en italien, je ne comprenais rien, mais j’observais. Quand j’avais compris, je passais au film suivant. » Titi s’est rendu en Italie pour voir, comprendre, noter. Puis un jour, il est parti en Thaïlande voisine, à 250 kilomètres de Siem Reap, pour en revenir un bidon de dix litres de lait à la main.
Avant-hier, Titi a appelé Keo Sun(1), à Phnom Penh, pour lui demander d’urgence une livraison de 25 litres. Emmailloté de glace, le lait a fait sept heures de bus, il est arrivé à 11 heures du soir. Dans la fromagerie, grande pièce lumineuse, carrelée de haut en bas, il chauffe maintenant. La présure, caglio granulare, vient tout droit d’Italie, comme la table d’égouttage, le petit fouet à capuccino à pile, rose, avec lequel il dilue la présure. Roberto n’est pas italien pour rien.
L’armoire frigorifique qui accueille les fromages en cours d’égouttage, en saumure ou sous vide, héberge également saucisses, salamis, porchetta et autres charcuteries. Cela, c’est une facette du travail et de la passion de Roberto, et c’est aussi une autre histoire.
Faire de l’argent n’est pas le souci premier des deux amis. En luttant contre la pauvreté et l’ignorance, ils veulent se rendre utiles, l’un à son pays de naissance, l’autre à son pays d’accueil. L’association créée par Roberto a permis d’ouvrir une école pouvant accueillir une centaine d’enfants. Prochaine étape : un centre d’apprentissage.
www.unansurlaroutedulait.org
(1) Voir L’Éleveur laitier, octobre 2019 (Au Cambodge, chez Keo Sun).


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