
Damien Lacombe, président de Sodiaal, était au Salon de l'agriculture pour présenter les dernières innovations de la coopérative ; entre prime durabilité et yaourt en brique. L'occasion d'évoquer l'année laitière qui se termine, ainsi que les projets de Sodiaal en matière d'environnement ou de soutien des jeunes installés. Interview.
Web-agri : Comment s’est comportée la production des éleveurs de Sodiaal, durant l’année qui vient de passer ?
Damien Lacombe : On peut dire que l’évolution est moins négative que l’année précédente, où la baisse avait atteint 2,7 %. Cette année, nous avons pratiquement stabilisé la collecte.
Notre travail sur le prix du lait a bien sûr aidé ; nous avons connu une augmentation de 30 % sur deux ans, cela redonne de l’envie. L’année a aussi été favorable à la production fourragère. On sent un petit regain de dynamisme et à mes yeux, le meilleur moyen de l’encourager est de valoriser les produits. C’est notre rôle.
Entre 2008 et 2016, nous avons accueilli 8 000 nouveaux producteurs. Cela représente trois milliards de litres par an et un milliard de litres sous forme de lait en poudre zéro. Mais cela signifie aussi que nous avons repris de la dette et des outils dont certains étaient en mauvais état, parfois à la limite de la rupture.
En 2017, nous avons lancé « value », un plan d’investissement qui avait pour objectif de monter en gamme et d’accroître la rentabilité. Nous avons réalisé un gros travail sur la performance de nos outils industriels, nous en avons fermé quinze et, plus largement, nous avons effectué une remise à niveau et une rationalisation. Concernant le lait en poudre zéro, nous sommes passés d’un volume d’un milliard de litres à 250 - 300 000 litres ; c’est le bon chiffre.
Il y a deux ans, nous avons repris la main sur Yoplait, notre marque fondatrice, en rachetant à General Mills les 51 % qu’elle détenait. Nous en sommes désormais propriétaire à 100 % et nous sommes en train de rebooster la marque.
Nous sommes confiants sur notre capacité à tirer la rémunération vers le haut. Nous proposons des produits pas trop chers et de qualité, favorables au pouvoir d’achat des consommateurs.
WA : L’instauration du prix unique, à la place des prix A et prix B, a-t-elle eu une influence ?
DL : Nous n’avons pas observé d’effet du changement de prix. Il s’agit juste d’une simplification. Cette différenciation des prix était un bon moyen de passer des étapes pour nous. Et grâce à cela, nous avons accompagné les éleveurs qui voulaient progresser. Mais aujourd’hui, ce n’est plus justifié et nous avions tous intérêt à cette évolution.
WA : Sodiaal annonce vouloir progresser sur le plan environnemental. Que comptez-vous mettre en place concrètement ?
DL : Il y a la prime de durabilité, qui sera instaurée dès le mois d’avril. Nous voulons aussi réduire notre consommation de plastique. Cela se concrétise, par exemple, par le lancement d’un yaourt en brique, plutôt qu’en pots. Vendue sous la marque Yoplait, cette brique de 750 grammes représente six pots de yaourts, avec 50 % de matière en moins pour l’emballage.
Plus généralement, nous voulons travailler sur tous les plans : consommation d’énergie, d’eau, etc.
WA : Comment se sont passées les négociations commerciales avec la GMS ?
DL : Pour ce qui est des négociations sur nos marques, nous avons obtenu ce que nous voulions. Concernant les marques de distributeurs, les négociations sont en cours. Nous sommes déterminés à obtenir une hausse et, pour nous, il est hors de question qu’il y ait une déflation.
L’année dernière, l’inflation a été forte et malgré cela, la consommation n’a pas baissé. Elle s’est seulement stabilisée, après quatre ans de hausse. C'est le signe que les produits laitiers sont des aliments nécessaires.
Nous savons par ailleurs que les modes de consommation évoluent. La consommation de fromage en fin de repas baisse, tandis que les quantités incorporées à la cuisine augmentent. Mais quoi qu’il en soit, ce dynamisme nous rend plutôt optimistes.
WA : Vous annoncez vouloir favoriser le renouvellement des générations. Quelles mesures mettez-vous en place pour cela ?
DL : Nous avons la Sodiaal box : une enveloppe de 10 000 € destinée aux jeunes qui s’installent. Cette somme sert à financer le capital social et à améliorer les conditions de travail.
Nous avons la volonté d’anticiper les départs en retraite. Qu’est-ce qui est prévu pour remplacer ceux qui partent dans les cinq ans ? Comme le recours au salariat est de plus en plus fréquent, par exemple, nous avons prévu une enveloppe pour que les éleveurs puissent se former au management, qui ne s’improvise pas.
Nous encourageons aussi la formation des salariés, nous proposons de plus en plus de services de facilitation. Ceux-ci peuvent même détenir des parts de la coopérative.
WA : En quoi la forme coopérative est-elle un atout à vos yeux ?
DL : La force de la coopérative est sa proximité avec le consommateur, notamment parce qu’elle a été créée autour des marques Yoplait et Candia. Elle est aussi dans notre capacité à communiquer.
En outre, le modèle coopératif accroche vraiment les jeunes. Aujourd’hui, les jeunes éleveurs s’autorisent le bien être, en optant pour la robotisation, par exemple. Quand ils s’installent, ils s’engagent sur la durée. Ils sont plus exigeants, plus professionnels. Ils veulent des bons outils de travail. A nous de leur montrer ce que la coopérative peut leur apporter.
WA : Comment envisagez-vous les dix prochaines années ?
DL : Nous avons de nombreux défis à relever. Parmi eux, il y a la nécessité de nous adapter au climat et pour cela, il va falloir bouleverser nos façons de travailler. Nous devons anticiper et être apporteurs de solutions.
Nous devons aussi garder un modèle d’entreprise adapté à ce que l’on vit aujourd’hui. Et pour cela, le modèle coopératif est très adapté, sur tous les territoires.
Il faut par ailleurs maintenir la collecte et ne pas se disperser. Notre métier, c’est le lait. Nous avons un beau portefeuille de marques, qu’il nous faut capitaliser.
Plus largement, nous sommes en train de monter une marche ; il reste à le faire savoir.
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