
La chèvre est sans doute le ruminant le plus délicat à alimenter, capable de trier très finement sa nourriture. Une ration mélangée réduit nettement les refus et valorise le potentiel laitier du troupeau. Les conseils de Julie Vallet, nutritionniste indépendante dans le Centre pour le cabinet BDM.
De nombreux techniciens intervenant en élevage caprin passent beaucoup de temps à équilibrer les rations, à travailler à 10g de PDIN près, en préconisant une distribution des fourrages avec une précision allant au-delà de la centaine de grammes… Seulement au quotidien, dans les élevages, nous n'avons aucune idée de ce qui est réellement distribué et encore moins ingéré. Alors bien sûr nous encourageons nos clients à faire des analyses de fourrages pour les corriger avec des concentrés, mais le seul fourrage qui compte est celui qui sera ingéré par les chèvres. L'utilisation d'une mélangeuse permet de peser chaque aliment et de travailler avec de plus de justesse et de précision. Le simple fait de couper, puis mélanger la fibre, ajouter de l’eau si besoin pour obtenir une humidité comprise entre 40 et 50 %, permet de limiter nettement les refus.
limiter les refus
Patrick V. éleveur caprin dans le Cher (18) a investi dans une mélangeuse d'occasion en 2013. « A ce moment-là, les refus étaient trop importants. Je jetais chaque jour l'équivalent d’une demi-botte d'enrubannage par jour pour mon troupeau de 600 chèvres. Faites le calcul à l'année ... »
La diminution de ce gaspillage est la première économie et s'avère d'autant moins négligeable que les stocks de fourrages de qualité sont comptés, chaque année de sécheresse et particulièrement en 2016.
La gestion de la fibre est la base de la nutrition des ruminants, encore plus de la chèvre qui reste particulièrement fragile. Une fois que cette fondation est mise en place, donc que l'ingestion de fourrage est maîtrisée, on peut alors aller chercher du lait, et pousser en concentrés. Par exemple, sur une ration à base d'enrubanné très tendre, on va pouvoir incorporer 50 à 80g de paille. La manière dont on amène la fibre est aussi déterminante que la quantité que l'on préconise dans notre ration. C'est pour cela, que nous utilisons comme critères de base le taux de CB (cellulose brute) et la NDF (neutral detergent fiber, fragment de la fibre indigestible ou lentement digestible). Le meilleur moyen de jauger la dégradation de cette fibre et l'assimilation des concentrés reste l'observation des crottes.
Valoriser les produits de la ferme
Un des objectifs prioritaires pour nous est de développer l'autonomie de l'exploitation, gage d'une meilleure rentabilité économique. La mélangeuse va nous aider à valoriser un maximum de fourrages de qualités différentes, de céréales, de protéagineux... Par exemple, il va être beaucoup plus facile de faire consommer trois fourrages différents, un foin et deux enrubannés, dont un particulièrement riche et humide. On rationnera la richesse de cet enrubannage, on pèsera des quantités précises, et on le diluera avec le foin moins riche, qui aurait été moins appètent s’il avait été distribué séparément. Cela permet aussi de mieux rentrer dans les cahiers des charges AOP qui demandent jusqu'à 85 % d'autonomie en produits de la ferme. Notre objectif premier est de maximiser l'efficacité alimentaire de nos animaux, soit leur aptitude à valoriser la ration proposée et à la transformer en lait. C’est l’un de nos principaux critères d’efficacité d’un d’élevage.
Fabriquer un mash pour les chevrettes
Si l’élevage de chevrettes est raté, il y a fort à parier que la lactation suivante en pâtira. Même si tous les éleveurs ont en partie conscience de cela, nos jeunes chevrettes sont souvent le parent pauvre en matière d’alimentation. Gérer l'alimentation de cette catégorie d'animaux est technique (besoin de fibres, gestion de la teneur en protéine et énergie pour développement du rumen, du squelette...) et coûteux (compter 150 € de frais d'élevage par animal). La mélangeuse va permettre de valider ces deux points, mais aussi de faciliter le travail, avec la distribution d'un aliment fermier unique, identique de la naissance jusqu’à la préparation de le première mise bas.
Mieux gérer les transitions alimentaires
Les périodes les plus à risque sont souvent autour des transitions alimentaires et sont accentuées en cas de rupture d'un des ingrédients. Le fait de peser, et donc mesurer la fibre distribuée, nous permet de mieux gérer ces moments difficiles.
Par exemple, le plan de préparation à la mise bas, en ration totale mélangée sera le suivant :
Date | - 4 semaines | Mise bas | + 4 semaines |
Ration | 1/3 RTM + foin | 50 à 60 % de quantité totale RTM | 100 % du mélange |
Il sera bien sûr un peu plus détaillé quand nous le remettons à l'éleveur, notamment avec les apports en minéraux spécifiques, hépatoprotecteur, vitamines… Mais le suivi de l'ingestion quand les chevreaux prennent de plus en plus de place, ainsi que la concentration de la ration pour accompagner le pic de production de lait, se feront beaucoup plus facilement.
Ration complète pour tout le monde ?
La ration totale mélangée (fourrages + concentrés) offre une ration de qualité avec peu de tri. La mélangeuse peut aussi s’accompagner d’un « feed car » pour valoriser la fibre d’un côté et le concentré de l’autre. Attention aux coûts de mécanisation, mais le mélange de fibres peut être réalisé pour deux ou trois jours, ce qui simplifie la gestion au quotidien.
gabarit de la mélangeuse
Ces outils de mélange et distribution ont comme premier inconvénient leur gabarit : elles mesurent en moyenne 2m80 de haut pour une machine à vis horizontale, 3m20 pour un bol, et au moins 2m80 de large. Dans des anciennes chèvreries, une adaptation des portes risque d’être nécessaire. D'autre part, quand le couloir d'alimentation est déjà assez étroit, et qu'un feed car est déjà en place, il faudra envisager de modifier le circuit pour le faire se « garer » en dehors de son circuit de distribution.
1 000 à 2 000 € par mètre cube
De manière générale, pour votre équipement à neuf, il faudra compter 2 000 € par m3 quand cela vous reviendra environ à 1000 € / m3 d'occasion. Par exemple, pour un troupeau de 300 chèvres, il faudra prévoir environ 11m3. Par ailleurs, n'oublions pas qu'il faudra démarrer deux tracteurs le matin, un pour le mélange, un pour remplir la mélangeuse. Mais l'économie du « potentiel santé » du troupeau ne se mesure pas !
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