Léa Juniet-Laboisse a un œil sur ses charolaises, l’autre dans le ring

Née au coeur du berceau charolais, Léa Juniet-Laboisse sélectionne ses bêtes avec passion. (©Terre-net Média)
Née au coeur du berceau charolais, Léa Juniet-Laboisse sélectionne ses bêtes avec passion. (©Terre-net Média)

Installée seule depuis cinq ans à Sauvigny, près de Villefranche-d’Allier (03), Léa Juniet-Laboisse est une jeune éleveuse de charolaises investie dans la promotion de la race. Le concours national adulte se tiendra au prochain Sommet de l’élevage, du 5 au 7 octobre 2016 et le national veau le 8 septembre.

Elles sont peu nombreuses, les jeunes éleveuses de bovins viande installées en individuel. A 26 ans, Léa Juniet-Laboisse est agriculture depuis mai 2011 à la tête d’un élevage de 70 mères charolaises sur une centaine d’hectares.

Léa représente la 4ème génération d’éleveurs charolais, ici à Villefranche-d’Allier : « je suis née au milieu des vaches. Au départ, je voulais travailler dans le para agricole, mais je n’en ai pas vraiment eu le temps : je me suis installée en 2011, directement après mon BTS productions animales. J’ai eu le déclic lorsque la ferme voisine de celle de mon père se libérait ». Léa a repris les 100 hectares en fermage, racheté un cheptel de 45 vaches inscrites au Herd-book Charolais et un peu de matériel, les bâtiments étant loués.

impliquée dans la vie agricole

Malgré son emploi du temps bien chargé, surtout depuis qu’elle est devenue maman, Léa s’implique dans la vie agricole. Elle a pris des responsabilités en tant qu’élue de la chambre d’agriculture de l’Allier ainsi qu’au Groupement de défense sanitaire (GDS). « Cela me permet de sortir de la ferme, de conserver de l’ouverture d’esprit et de me tenir au courant des actualités réglementaires par exemple. »

Léa a la charolaise chevillée au corps. Une passion qu’elle tient de son père, Denis Laboisse, administrateur au Herd Book charolais (HBC) durant une vingtaine d’années. Léa est aussi déléguée du HBC et participe à l’Ajec, l’association des jeunes éleveurs charolais qui regroupe plus de 500 éleveurs de moins de 35 ans. L’association lui permet également d’acquérir des taureaux reproducteurs en commun avec d’autres jeunes sélectionneurs.

Seule femme "juge élite"

Elle présente aussi des animaux de temps en temps en concours, comme au Sommet de l’élevage ou à celui de Montluçon. C’est pour elle, « un moment convivial de rencontre avec d’autres éleveurs passionnés et qui me permet aussi de comparer mes bêtes à celles des autres, de voir si on est dans le coup et de se motiver à toujours chercher la perfection ».

Léa est depuis quelques années juge stagiaire sur quelques concours régionaux. Après une formation et un examen, elle vient d’acquérir l’agrément « juge élite », un statut qui lui permettra d’être juge principal sur tous les concours de la race. D’ailleurs, au sein du petit monde très masculin des concours allaitants et plus de 80 juges élites agréés en charolais, Léa semble être la seule femme pour le moment !

Car elle a l'oeil pour classer les animaux dans le ring, tout comme pour choisir ses propres reproducteurs. L’essentiel de ses veaux sont issus de monte naturelle et l’éleveuse fait aussi appel à l’insémination artificielle à partir de ses propres taureaux collectés en ferme, ou de mâles détenus en copropriétés.

L’éleveuse a par exemple acheté « Jersey » un taureau génétiquement sans corne réputé « vêlage facile ». Il s’agit de son premier taureau polled (hétérozygote), un gène dominant qu’elle souhaite introduire progressivement dans son troupeau pour sa sécurité et celle des animaux. Les charolaises sont réputées pour leur bon caractère et la docilité fait partie de ses principaux critères de sélection, tous comme la facilité de vêlage. La sélectionneuse souhaite des veaux pas trop gros et vigoureux à la naissance. Elle est particulièrement vigilante sur le format des bassins des vaches qu’elle conserve, c’est pourquoi elle fait appel à Bovins Croissance qui vient mesurer l’ouverture pelvienne des génisses.

Il faut des animaux bien conformés

Mais son premier critère de sélection reste la viande sur les quartiers arrières. « Vu le prix de l’aliment et ce que coûte la production, il faut des animaux bien conformés. La génétique permet de gagner ces kilos de viande dès le départ. » La forte capacité d’ingestion et de valorisation des fourrages grossiers comme des concentrés font des charolais les champions des performances de croissance. C’est l’un des principaux atouts de cette race allaitante rustique qui a su s’adapter aux conditions d’élevages les plus variées.

Léa Laboisse fait le choix de faire vêler toute ses génisses puis de faire le tri après leur premier veau. Elle vend des femelles alourdies mais généralement non finies, au marché au cadran. Elles partent pour être engraissées ou directement abattues. Les vêlages s’étalent de novembre à avril. L’essentiel des 45 mâles de l’année sont complémentés au pâturage  puis vendus en broutards et elle est parvenue à vendre huit jeunes taureaux reproducteurs cette année.

Docilité de la charolaise
La docilité est l'un des atouts de la charolaise. (©Terre-net Média)
 

Léa a acheté le taureau
Léa a acheté le taureau "Jersey", sans corne et bien indexé sur sa facilité de naissance. (©Terre-net Média)

« Tout est contre nous en ce moment »

Son exploitation compte 70 hectares d’herbe. Pour une meilleure gestion du pâturage, chaque lot tourne sur trois ou quatre parcelles. Une dizaine d’hectares de luzerne sont enrubannés et les 20 hectares de céréales servent à l’autoconsommation. Bien que les 100 hectares soient en fermage et qu’elle loue le bâtiment, les revenus de la ferme ne sont toujours pas au rendez-vous, cinq ans après l’installation. « Je ne regrette pas de m'être installée et je reste optimiste pour l’avenir, mais c’est vrai que c’est difficile économiquement. La conjoncture n’était pas terrible en 2011, mais aujourd’hui entre l’instabilité des cours, les profondes mutations qui arrivent sur les attentes des consommateurs vis-à-vis de la viande, et les inondations de ce printemps… on a un peu l’impression que tout est contre nous en ce moment ! Je me dis que ça va passer. Mais aujourd’hui je ne suis pas sûre que je m’installerais », déplore la jeune agricultrice et mère de famille  qui doit compter sur son mari travaillant à l’extérieur pour mettre du beurre dans les épinards. Elle s’appuie aussi sur son père qui l’épaule pour les travaux des champs, tandis qu’elle veille souvent la nuit dans la stabulation de ce dernier lors des périodes de vêlages. Le virus de l’élevage s’est transmis entre les générations et heureusement il s’accroche.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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