Autonomie protéique : une rentabilité dépendante du contexte économique
En polyculture-élevage bovin, les leviers en faveur de l’autonomie protéique améliorent le bilan environnemental mais augmentent souvent la charge de travail. L’impact économique dépend des leviers activés et du contexte de prix. Focus sur quatre systèmes d’élevage, en lait comme en viande.
L’introduction de luzerne, combinée à celle de la féverole ou au renforcement de la consommation de céréales, améliore l’autonomie protéique en système engraisseur de jeunes bovins. Ces leviers sont bénéfiques à l’environnement. Hélas, malgré une production de viande inchangée, ils ne sont pas rentables d’un point de vue économique, avec une perte d’environ 12 centimes par kilogramme de carcasse, selon les simulations réalisées sur un « cas-type » ligérien dans le cadre de Cap Protéines.
Le cas d’étude est une ferme reconstituée à partir des données du réseau d’élevage Inosys pour les systèmes d’engraisseur de jeunes bovins Charolais en Pays de la Loire, avec une performance optimisée. Il présente une autonomie protéique de 53 % (53 % des protéines consommées par les 238 jeunes bovins proviennent de l’exploitation de 88 hectares). Les systèmes bovin viande engraisseurs présentent généralement une autonomie protéique beaucoup plus faible que les systèmes naisseurs.
Introduction de luzerne combinée à celle de la féverole ou au renforcement de l’autoconsommation de céréales
Des échanges entre experts de l’Idele, d’Arvalis et de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire ont permis d’identifier deux leviers d’autonomie protéique adaptés au contexte de production. Ces leviers sont choisis de sorte à maintenir l’effectif, la production et la gestion du troupeau :
- L’introduction de 13 ha de luzerne et de 15 ha de féverole d’hiver au détriment des surfaces d’orge (- 14 ha) et de maïs fourrage (- 9 ha), mais aussi à la marge, du colza (- 2 ha) et du blé (- 3 ha). La luzerne est récoltée par quatre coupes d’ensilage chaque année et l’autoconsommation d’orge se renforce légèrement. La féverole est autoconsommée afin de limiter le tourteau de soja. L’autonomie protéique monte à 77 % (+ 24 points).
- L’introduction de 22 ha de luzerne avec renforcement de la consommation de céréales. Les surfaces de colza et de blé diminuent respectivement d’environ 11 ha et 9 ha au profit de la luzerne, récoltée par quatre coupes d’ensilage. Le maïs est récolté en grain humide plutôt qu’en plante entière et sa sole diminue de 3 ha. Enfin, l’autoconsommation de blé et d’orge s’accroît. L’autonomie protéique est atteinte (99 %), soit une amélioration de 46 points.
De façon assez classique, le pâturage n’est pas pratiqué pour l’engraissement des jeunes bovins sur ce cas-type, dans la situation initiale comme dans les simulations.
Ces deux leviers requièrent la maîtrise technique de la conduite des nouvelles cultures ainsi que la disponibilité de matériel, en prestation ou non, pour la récolte des fourrages.
Baisse de l’IFT, de la fertilisation azotée minérale et des émissions de gaz à effet de serre
L’introduction de luzerne et de féverole entraîne une diminution de l’indice de fréquence de traitement (IFT) de 19 %, des émissions de gaz à effet de serre (GES) des productions animales de 5 % et de celles des productions végétales de 22 %. La fertilisation minérale y contribue nettement en passant de 106 à 59 kg N/ha/an en moyenne sur l’exploitation.
L’introduction de luzerne avec renforcement de l’autoconsommation de céréales s’accompagne d’une baisse de l’IFT de 22 %, des émissions de GES des productions animales de 14 % et des émissions de GES des productions végétales de 15 %. La fertilisation minérale est réduite de 34 kg N/ha/an.
Davantage de travail
La charge de travail augmente de 13 et 11 jours par an respectivement pour les leviers luzerne avec féverole et luzerne avec autoconsommation de céréales. Chaque jour compte huit heures de travail. De même, l’évolution de l’assolement entraîne une augmentation de la consommation de carburant respectivement de 17 % et 25 %.
11 à 13 centimes par kg de carcasse pour compenser la perte d’EBE
Les indicateurs économiques ont été calculés au regard de trois conjonctures de prix :
année 2020, correspondant à un niveau de prix intermédiaire ;
année 2022 : prix hauts pour l’approvisionnement et la vente ;
« effet ciseaux » : projection avec des prix de vente en baisse (2021) et des prix d’approvisionnement hauts (2022).
L’EBE de la simulation avec le levier luzerne et protéagineux est en recul de 8 à 11 % par rapport à la situation initiale, selon la conjoncture de prix. La baisse des cultures de ventes plombe le produit. Les charges opérationnelles baissent sans compenser la chute de produit brut, ou augmentent pour la conjoncture d’effet ciseaux. L’amortissement du matériel augmente légèrement suite au renforcement de la mécanisation. Une augmentation de la rémunération ou une prime liée au mode de production de la viande de 13 centimes d’euros par kg de carcasse couvrirait le coût du changement de système de production.
De même, l’EBE de la simulation avec le levier luzerne et céréales est en recul de 5 % à 11 %. Soit le produit reste stable alors que les charges opérationnelles augmentent, soit les charges opérationnelles ne baissent pas assez pour compenser la chute de produit causée par la réduction de la vente de produits végétaux. 11 centimes d’euros supplémentaires par kg de carcasse permettraient de compenser la baisse de résultat courant.
Autonomie protéique : une rentabilité dépendante du contexte économique
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